Dénoncées par des parents, les siestes trop longues à la garderie seraient à l’origine de nombreux problèmes dont le retard du coucher, le soir et créeraient « des situations impossibles » à la maison. Des parents peu reposés se sont confiés à Mollo sous couvert de l’anonymat.
Quand le fils de 5 ans de Ludovic* fait des siestes à son CPE, il peut ne s’endormir qu’à 22h, le soir venu. « J’ai demandé à la garderie et on me disait que c’était bon pour son développement neurologique », dit-il. Or, fait remarquer Ludovic, beaucoup d’enfants de 5 ans fréquentent la maternelle (le préscolaire), où il n’y a plus de sieste et ils s’en portent tout aussi bien.
* tous les noms cités dans l’article sont fictifs
Quand son fils passe de longues périodes à la maison, pendant les vacances de Noël, par exemple, il ne fait pas de sieste. Le soir, il s’endort immanquablement à 20 heures, « comme une lettre à la poste », souligne Ludovic.
D’autres parents du même CPE ont soulevé le problème. C’est le cas de Julie, dont la fille de 4 ans ne fait plus la sieste à la maison depuis longtemps. À la garderie, elle passe donc l’heure prévue à cet effet sur son matelas, « les yeux ouverts, à regarder dans le vide. »
Et si elle finit par s’endormir à la garderie, le coucher du soir peut tourner autour de 22h30-23h.
« L’enfer », résume cette mère, dont la fille ne veut plus aller à la garderie. Pendant l’heure de la sieste, elle trouve le temps long.
Des siestes de 3 h
Le fils de Marie-Ève avait un problème similaire dans un CPE de la Rive-Sud. Son fils, qui est aujourd’hui à l’école, a assez tôt arrêté de faire des siestes à la maison. Mais à la garderie, son éducatrice insistait pour qu’il les fasse.
« Elle s’asseyait à côté de lui, à lui flatter le dos pendant 40 minutes, jusqu’à ce qu’il dorme, parfois jusqu’à 15h30 – 15h45 », raconte-t-elle.
Résultat? Son fils ne s’endormait pas avant 23h à la maison. Après avoir fait pression sur le CPE pour le sensibiliser au problème, les parents en sont venus à un compromis. « Mon fils pouvait rester sur son matelas 20 minutes en fermant les yeux, et s’il ne dormait pas, il pouvait jouer calmement sur son matelas », raconte Marie-Ève.
Julie, quant à elle, a dû intervenir auprès du personnel de sa garderie pour demander à ce que les siestes de son fils de 18 mois se limitent à 2 heures tout au plus. Celui-ci pouvait dormir jusqu’à 3 heures et se réveiller autour de 16h, quand elle allait le chercher à la garderie.
Le soir, l’endormissement était difficile.
« On voyait clairement la différence quand il avait dormi trop longtemps », souligne Julie.
Cette intervention a même donné lieu à des échanges tendus avec le personnel de l’établissement. L’éducatrice a envoyé un document en format PDF pour lui vanter les bienfaits de la sieste. « Dès que j’ai insisté un peu, elle a accepté [de limiter les siestes] », dit-elle.
Marie-Ève a elle aussi réussi à forcer un changement de politique à sa garderie, en proposant d’amener de nouveaux livres, jeux ou casse-têtes de la maison pour faire une rotation pour les enfants réveillés. « Au final, il y a eu une ouverture, mais ça a été beaucoup de travail. Et d’autres parents ont pu en bénéficier », dit-elle.
Chaque enfant est unique
Pour Nathalie Pratte, directrice générale du CPE la Bottine Souriante, dans le quartier Rosemont, chaque enfant « a ses propres besoins » en ce qui a trait au sommeil. Le CPE, qui s’est doté d’une politique sur le sommeil, a instauré une période de repos de 45 minutes pour son groupe de 4-5 ans.
Ces derniers ont généralement besoin de 10 à 13 heures de sommeil par jour, et certains arrêtent de faire la sieste à cet âge-là.
À 14 h 30, les lumières s’allument, les stores s’ouvrent. À 15 h, tout le monde est réveillé.
Si des parents se plaignent parfois du sommeil de leurs enfants, le personnel de l’établissement tentera de trouver une solution, en aidant à instaurer, par exemple, une meilleure routine du dodo.
« Nous, on travaille beaucoup en coéducation avec les parents. Si le parent se braque, c’est que nous, au CPE, on n’a pas pris le temps de l’écouter. Chaque enfant est unique », souligne la directrice.