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S’envoyer en l’air du Mont Saint-Pierre
Après avoir tenté de conquérir les eaux gaspésiennes au cours d’une incursion magique en plongée sous-marine au large de l’île Bonaventure, mon appétit pour les sensations fortes n’était pas rassasié. Ma nouvelle ambition : devenir maître des airs salins de mon nouveau coin de pays.
C’est pourquoi je me suis lancé dans une nouvelle aventure, accomplir la fameuse ascension du Mont-Saint-Pierre en Haute-Gaspésie pour ensuite redescendre en parapente au-dessus de la mer et surplomber la mythique 132.
«3…2…1…COURE!»
C’est accompagné de Patrice Jackson, pilote passionné de parapente depuis 2013 que j’ai entrepris le pari de volé le long du flanc de la montagne et profité ainsi d’une vue pittoresque entre un océan agité et une forêt dense d’un vert éclatant comme peuvent l’être les Chic-Chocs.
Inutile de dire qu’il s’agit d’un endroit rêvé pour flotter au-dessus du monde, puisque le Mont-Saint-Pierre accueille le Festival de vol libre depuis plus de 40 ans où environ 80 adeptes professionnels du monde entier se rencontrent, le seul du genre dans la province.
«Je vis toujours la même frénésie du premier vol par procuration avec ceux et celles à qui je partage l’expérience»
Dès le premier regard avec Patrice Jackson, j’ai su que j’étais entre de bonnes mains puisque, même après des milliers de vols, l’activité ne perd en rien de sa superbe à ses yeux. « Je vis toujours la même frénésie du premier vol par procuration avec ceux et celles à qui je partage l’expérience pour la première fois », me raconte Patrice, le regard pétillant, qui possède aussi une école de parapente au sud de Montréal et qui a fait ses griffes en Europe dans les Alpes (rien de moins…).
Il faut savoir que le Mont-Saint-Pierre possède la grande réputation d’être rapide à monter, mais tout de même très abrupt. Une nouvelle qui me comble de joie pour mettre enfin mon cardio à l’épreuve. Arrivé à Gaspé depuis le 1er juin, j’ai vite réalisé qu’un véhicule est une nécessité contrairement à Montréal, où c’est plutôt un fardeau. Par conséquent, dans mon nouvel habitat, j’ai adopté la mauvaise habitude d’opter pour ma Honda Civic à chaque petite occasion qui se présente pour me déplacer. Or, le Mont-Saint-Pierre saura satisfaire l’appétit athlétique des culturistes comme celui des sportifs de salon.
Arrivé au sommet, haletant, après avoir sillonné sur le flanc de la montagne en tirant sur des cordes pour ne pas dégringoler tel un vulgaire caillou, je constate avec beaucoup d’appréhension la hauteur vertigineuse que je m’apprête à descendre de façon peu orthodoxe. Mon guide avec qui je descendrai en tandem, comme c’est le cas pour tous les néophytes, me rejoint et m’explique le b.a.-ba de l’activité. D’entrée de jeu, il me lance banalement : « Une fois le parapente attaché et installé, tu cours à toute vitesse vers le vide ! » Ouf… C’est sûr, je suis sceptique. Ainsi, durant toutes les autres explications pertinentes du guide, je fais la sourde oreille, pétrifié, m’imaginant seulement me lancer dans le vide et m’effondrer sur la 132 avant que le parachute réussisse à nous faire flotter.
On ne fait que flotter, assis confortablement comme si nous étions dans un salon douillet avec une télé haute qualité…
Je réalise que contrairement au saut à parachute, j’ai une frousse plus forte même s’il n’y a aucune chute libre avec le parapente. En fait, c’est le contrôle derrière certaines de mes actions qui m’effraie. Dans le saut en parachute, le libre arbitre n’existe pas ; passif, tu ne fais que te plier aux manoeuvres du guide en profitant de l’aventure. Toute la pression repose sur lui ou elle, pour le meilleur ou pour le pire. Dans le cas du parapente, bien que Patrice soit turbo-expérimenté, j’ai la chienne !
Ainsi, cette fameuse course terrifiante me joue un peu dans la tête : est-ce que je vais courir assez vite, est-ce que le parachute va être en l’air avant que j’atteigne le bout de la montagne, est-ce que je vais m’enfarger dans mes souliers…
Patrice lance le décompte : « 3…2…1… GO GO GO cours ! » Malgré mon attirail, je tire avec la force de Louis Cyr et je prie pour le mieux… Deux secondes plus tard, on a déjà les pieds dans le vide sans que j’aille le temps de m’inquiéter. Après tout, Pat m’avait prévenu : même des personnes âgées de 80 ans font du parapente… Ensuite, c’est tellement pénard que je cherche les sensations fortes. On ne fait que flotter, assis confortablement comme si nous étions dans un salon douillet avec une télé haute qualité…
Tel un papillon sortant de sa chrysalide, je remarque le monde qui m’entoure avec un regard vierge devenu émerveillé. La nature gaspésienne, qu’on ne cesse d’encenser, gagne encore une fois mon cœur de citadin. Heureusement, Patrice me permet de vivre des sensations fortes en faisant virevolter le parachute de gauche à droite si bien que je me retrouve parfois à 90 degrés au-dessus du monde. Quelle émotion ! Mon estomac chavire légèrement, mais c’est maîtrisé.
Papotage de parapente
Toujours en l’air, je profite d’une accalmie pour engager une discussion sur les merveilleuses vertus de ce sport avec Patrice. « Malgré sa grande beauté et le festival qui y prend place, le Mont-Saint-Pierre demeure un endroit où un pilote doit avoir beaucoup de jugement pour prendre la décision de voler ici », me révèle-t-il dans les nuages. En effet, la zone d’atterrissage est assez ténue entre la route et l’océan. À un certain moment, je me retrouvais même à seulement cinq mètres au-dessus des voitures roulant à 100 km/heure. De plus, ce mont est situé dans un microclimat imprévisible fortement influencé d’une part et d’autres par les montagnes et la mer selon l’expert.
«Malgré sa grande beauté et le festival qui y prend place, le Mont-Saint-Pierre demeure un endroit où un pilote doit avoir beaucoup de jugement pour prendre la décision de voler ici»
En ce qui concerne la discipline en tant que telle, Patrice est tombé amoureux du parapente au détriment du deltaplane, qui occupe pour sa part une place de maîtresse dans son cœur. Ceci s’explique en raison de son côté pratique et peu encombrant puisqu’il se transporte uniquement dans un sac. Entre deux explications techniques du sport, Patrice manifeste son enthousiasme : «Les points de vue sont à couper le souffle ! », crie-t-il.
Selon l’expert, le parapente agit comme un moyen de transport super organique puisqu’on se déplace avec la masse d’air sans utiliser d’artifice comme un moteur. Tout dépend de la bonne humeur de Dame nature pour la durée du vol puisqu’on est tributaire de la force des vents. À la manière d’un voilier, plus les cieux crachent un souffle violent, plus le vol sera long et trépidant.
Pour Patrice, il n’y a pas de sentiment plus pur que celui-ci. « On se sent dénudé avec soi-même et son petit corps parmi les nuages. Il n’y a pas plus près de se sentir comme un oiseau », s’exclame-t-il. Il a bien raison, on est suspendu que par des ficelles ! Évidemment, il faut toujours respecter la nature et ne pas se prendre pour Icare, qui selon le mythe, a voulu rejoindre les Dieux par la voie des airs si bien que ses ailes ont fini par brûler le conduisant à la mort. La morale : ne pas se croire invincible lorsqu’on vole. C’était le moment trash de la chronique, pardonnez-moi (j’adore la mythologie grecque)…
Maintenant que j’ai conquis le vent par le parapente, les eaux par la plongée ainsi que la terre par mes nombreuses visites dans le Montréal souterrain grâce au métro lors de mon ancienne vie (j’y ai déjà croupi une heure – je peux m’en vanter), il ne me reste plus qu’à devenir maître du feu. Je songe sérieusement à plonger dans un volcan actif pour enfin devenir le seul souverain des éléments.
Ouin, je pense que le trop-plein d’air pur me monte un peu à la tête finalement…