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S’entraîner à ciel ouvert

Pousser de la fonte au grand air, c'est rendu populaire.

Par
Hugo Meunier
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« Ne pas m’entraîner, ça joue sur ma santé mentale», admet avec franchise Catherine, qui s’entraîne pour la toute première fois dans un gym urbain situé près de chez elle, en bordure de la piste des Carrières.

Elle n’est pas la seule à avoir eu cette idée. Une tournée de quelques infrastructures à travers la ville nous a permis de témoigner de l’engouement pour ces modules d’entraînement en plein air, développés par la compagnie québécoise TrekFit.

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Comme plusieurs sportifs croisés, Catherine s’est trouvé une alternative aux gyms, fermés depuis des mois sauf pour quelques semaines récemment. « Je suis membre (d’un gym) depuis dix ans, j’y allais trois fois par semaine environ. Avant la fermeture, je ne savais même pas que ça existait », avoue la jeune femme, en pointant le gym pris d’assaut autour d’elle. « C’est génial et ce n’est pas trop chaud à date », ajoute-t-elle.

Plusieurs adeptes traînent leur propre matériel, comme des poids, des élastiques ou du Purell

L’équipement varie d’une place à l’autre, mais on retrouve presque partout des barres à traction, à push-ups ou parallèles, des haies et quelques bancs.

Plusieurs adeptes traînent leur propre matériel, comme des poids, des élastiques ou du Purell, puisqu’il n’y a aucun désinfectant à main sur place.

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« J’ai oublié d’apporter le mien, mais perso je l’ai déjà eu la COVID », raconte-t-elle, soulignant avoir passé une semaine sur le carreau.

Cette finissante en génie mécanique est venue s’entraîner en joggant, avant de bonifier son work out de jump squat, de push-up et de set-up. « Bouger fait une différence dans la vie des gens. Déjà que je n’aurai pas de bal ni de remise de diplôme…» se désole Catherine, qui sue en masse pour garder le moral.

Derrière elle, deux hommes se tapent un sprint devant un long bâtiment couvert de graffitis. À l’autre extrémité du petit gym, Jean-François reprend son souffle après une série d’exercices. « C’est la deuxième fois que je viens, c’est ma façon de compenser », confie le jeune homme, qui s’entraîne d’ordinaire quatre fois par semaine dans un gym. Comme Catherine, Jean-François a abattu les quelques kilomètres qui le séparent de chez lui à la course pour venir faire sa routine, à l’aide d’une application.

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Au même moment, un jeune homme en face de nous soulève en grognant un peu un haltère bricolé avec deux gros pneus. On se croirait dans Creed 2, lorsque Rocky traîne Adonis dans le désert pour le remettre en forme avec les moyens du bord (les vrais savent).

Plus loin, Bahaur pratique ses savates, ce qui est franchement impressionnant. « Ça fait dix ans que je fais du kickboxing 4-5 fois par semaine, alors ça me permet de garder la forme », souligne la jeune femme, qui a l’intention d’intégrer ce gym à ciel ouvert à sa vie pandémique.

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À 6,4 kilomètres de là, une dizaine de gars en chest s’entraînent à l’îlot Bonaventure, une enclave située en plein centre du boulevard Robert-Bourassa, dans Griffintown.

Dans un décor d’automobiles et de gratte-ciels, ce gym constitue un endroit inusité – mais visiblement populaire – pour s’entraîner. « Ça fait deux ans que je viens, mais ça s’est vraiment démocratisé depuis la fermeture des gyms », constate Frédéric, pendant que sa magnifique chienne Nala me liche les mollets.

«C’est dommage, il régnait ici un esprit de communauté, mais maintenant il y a une espèce d’atmosphère un peu douchebag et moins conviviale»

Le jeune homme déplore d’ailleurs un peu la soudaine popularité de son spot. « C’est dommage, il régnait ici un esprit de communauté, mais maintenant il y a une espèce d’atmosphère un peu douchebag et moins conviviale », constate Frédéric, qui a – à quelques livres près – ma shape (DM pour des preuves photo).

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Frédéric traîne toujours son speaker, avec lequel il fait profiter ses camarades de ses playlists. Rien hélas pour masquer le vacarme, créé par les nombreux chantiers de construction environnants. « Je viens le matin surtout, 3-4 fois par semaine. C’est vraiment le fun d’être dehors, de jaser, ça me donne une raison de sortir de chez moi », confesse cet étudiant aux HEC, qui fait l’école à distance.

Lorsqu’on évoque la saga du Mega Fitness Gym responsable d’une éclosion majeure (et de la fermeture des gyms), le visage de Frédéric se renfrogne. « Je pense que le gars (le proprio) est un idiot. On n’en serait pas là sans lui. Ça fait monter ma pression juste d’en parler », admet-il.

«c’est wack de voir maintenant autant de monde, c’est difficile de garder la distanciation»

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Un peu plus loin, l’entraîneur privé Zu est en pleine séance avec un client. Leur session semble intense, de niveau « je mets des gros estifis de poids sur ton dos pendant que tu fais des push-ups ». « Je viens chaque jour avec mon matériel, c’est wack de voir maintenant autant de monde, c’est difficile de garder la distanciation », admet le baraqué jeune homme, pendant que sa radio à lui crache Camaro sport de Hatik.

La palme du plus beau gym urbain de ma tournée revient haut la main à celui dissimulé sous un viaduc près du bassin Peel. Mieux, le canal Lachine se dresse à ses pieds et la vue de l’enseigne Farine Five Rose au loin lui donne un air de carte postale. « Je viens vraiment à cause de la pandémie, d’habitude je suis au gym cinq fois par semaine », calcule Isaak, qui se rend ici à pied (ou en joggant) depuis un mois. « Je vais essayer de rester après la réouverture des gyms. J’ai de l’air frais et j’aime l’idée d’être dehors. »

«La pandémie cause du stress physique et mental. Sans ce type d’endroit, les gens seraient encore plus dans le pétrin»

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Nous avons fait une dernière escale au parc Raymond-Blain, dans le Village, où quelques sportifs profitent du soleil et des installations. Pour Xavier, l’endroit est idéal pour l’entraînement callisthénique, une discipline de plus en plus populaire consistant à défier la gravité en se servant du poids de son corps (j’ai googlé). Anyway, ça donne de bons résultats à en juger par la musculature de Xavier, qui vient ici 3-4 fois par semaine. « La pandémie cause du stress physique et mental. Sans ce type d’endroit, les gens seraient encore plus dans le pétrin », croit Xavier, qui trimballe une boîte remplie de son matériel d’entraînement.

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Derrière lui, Rob s’exerce sur une sorte de rameur improvisée à l’aide de ses élastiques. « C’est la deuxième fois que je viens, il n’y a pas trop de monde, c’est vraiment bon », commente ce massothérapeute, qui travaille d’ailleurs normalement dans un gym de Griffintown. « Les gens étaient vraiment déçus de fermer de nouveau. Si un seul endroit pose problème, c’est dommage de faire payer tous les autres », affirme Rob, en référence au gym délinquant de Québec.

De Guru à TrekFit

Avant d’entreprendre cette tournée, j’ai passé un coup de fil à Eric Tomeo, le président de TrekFit et l’homme derrière les gyms urbains déployés dans 375 parcs au Canada (dont une soixantaine à Montréal). Cet ancien VP de Guru m’a raconté comment est né son projet il y a dix ans, lors d’une balade dans un parc naturel californien. « J’ai vu une piste d’hébertisme vieille d’environ trente ans dans un bois. J’ai commencé à réfléchir à une nouvelle business, à des circuits d’entraînement en plein air. J’ai été voir un designer industriel et une semaine plus tard, le plan était fait », raconte M. Tomeo, qui a commencé à faire le tour des municipalités/arrondissements pour vendre son concept. « C’est le parc Jean-Drapeau qui a accepté en premier et qui nous a mis sur la map », souligne-t-il, reconnaissant.

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Son projet gagne depuis chaque année en expansion et parions que la pandémie donnera envie à plusieurs de se doter de ses infrastructures. « C’est ici en milieu urbain qu’on observe le plus d’engouement. En banlieue, les gens ont des cours », souligne l’entrepreneur, bien fier de voir ses circuits pris d’assaut. « Depuis dix ans, le plus populaire est celui au parc Laurier, c’est la Mecque de TrekFit », plaisante-t-il.

La popularité de ses infrastructures ne l’empêche toutefois pas de manifester de l’empathie pour les propriétaires de gyms, qui ont la pandémie moins heureuse. « C’est désastreux, mon cœur est avec eux et je ne me réjouis aucunement de la situation », assure M. Tomeo, qui va lui-même au gym en hiver.

Bref, ces installations ne sont pas un remède contre tous les maux, mais elles constituent assurément un plan B pandémique intéressant en attendant la réouverture des gyms intérieurs.

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