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Se tailler une place dans le monde des affaires quand on est femme, noire et immigrante
On dit parfois que ignorance is bliss: l’ignorance c’est (parfois) le bonheur. Dans le sens où ne pas savoir quelque chose ou ne pas être conscient de quelque chose peut être bénéfique.
Bien que la femme d’affaires Fabienne Colas soit un monument de connaissances et de compétence, j’ai l’impression qu’ignorer une certaine réalité au début de sa carrière l’a aidée à briser des barrières et à progresser rapidement dans le milieu des affaires.
Cette réalité, on en entend parler de plus en plus: l’entrepreneuriat et le monde du travail manquent de diversité.
« Au départ je ne savais pas que j’étais différente. Quand j’ai commencé, j’étais d’une naïveté et je rentrais comme si j’avais ma place. Je ne savais pas que c’était un milieu de blanc. Je trouvais que c’était complexe, mais je n’avais jamais pensé au départ que c’était parce que j’étais une femme et noire, mais très rapidement j’allais comprendre ça (rires). »
«Started from the bottom»
Fabienne Colas a fait partie du top 40 des personnalités canadiennes influentes de moins de 40 ans en 2018. Sans compter qu’elle porte plusieurs chapeaux: actrice, réalisatrice, productrice, philanthrope, activiste, etc. Mais je voulais surtout parler à la femme d’affaires.
Elle en a fait du chemin depuis ses premiers pas dans la business et elle est bien placée pour avoir un regard bien informé sur l’évolution du monde des affaires et la place qu’y occupent les personnes racisées.
« J’ai un triple défi: être une femme, noire et immigrante. »
Fabienne Colas a commencé sa carrière entrepreneuriale il y a 17 ans, au début de sa vingtaine, avec le développement de plusieurs festivals. Et avec une vision très idéaliste du monde des affaires.
Et je suis certaine que plusieurs d’entre vous se reconnaîtront. Quand on commence quelque chose, on se dit que notre couleur de peau n’aura aucun impact (positif ou négatif) sur le résultat.
Et c’est là que l’ignorance peut aider: si on est (trop) conscient des barrières qui se dressent devant nous au moment de plonger, je suis certaine que plusieurs hésiteraient à faire le saut.
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Parce que, comme Fabienne mentionne, « rien ne vous est donné, ce n’était pas simple et ce n’est pas encore simple ». Cette femme, qui cumule près d’une vingtaine d’années d’expérience dans le monde des affaires, affirme que le combat est quotidien et qu’on ne peut jamais cesser de se prouver.
« Au Canada, au Québec, je suis considérée noire avant d’être considérée comme une femme. Il y a des portes qui m’étaient fermées où les femmes blanches entraient. J’ai un triple défi: être une femme, noire et immigrante. »
Le chemin parcouru
Mais en regardant dans le rétroviseur, Fabienne Colas voit que les choses ont quand même évolué.
« J’ai comme l’impression que ça avance. La communauté noire a toujours inclus beaucoup d’entrepreneurs. Nous avons la capacité de prendre des risques, et ce à tous les niveaux. Le problème est l’accès au financement, l’accès aux capitaux pour démarrer de grands chantiers et de grandes entreprises. »
« La bonne nouvelle c’est qu’il y a de plus en plus d’incubateurs pour les entrepreneurs pour bénéficier de fonds, contrats, accompagnement. Malheureusement, il y a beaucoup de personnes (noires) qui ne connaissent pas ces structures et qui continuent d’aller uniquement frapper à la porte des banques. Aujourd’hui, il y a tellement d’endroits où l’on peut aller, et qui peuvent vous aider à vous réorienter en cas de besoin. »
« Entre une personne blanche et une personne noire, si un individu à des biais inconscients, ça continue à défavoriser la personne noire. »
En effet, l’une des bases de l’entrepreneuriat est l’accès au financement et à l’accompagnement de qualité. Mais, même si les solutions existent, ce n’est pas toujours simple. Vous le savez comme moi qu’au bout de la ligne, la personne qui octroie le prêt, la bourse ou l’aide financière peut elle-même avoir des biais (inconscients ou conscients).
La solution n’est pas de changer tous les humains pour des robots, mais on peut certainement améliorer la sensibilisation, l’éducation et la double validation.
Et les décideurs dans tout ça
Et puis, on ne peut pas parler d’argent et de financement sans penser aux instances gouvernementales. Qu’est-ce que Fabienne Colas pense des mesures prises par Justin Trudeau, François Legault et Valérie Plante?
« J’ai trouvé que le gouvernement fédéral a mis plusieurs programmes en place et le gouvernement québécois semble avoir été plus timide, mais c’est important que les gouvernements donnent le ton. Le problème du racisme systémique est un frein à l’accès aux capitaux. »
« Entre une personne blanche et une personne noire, si un individu à des biais inconscients, ça continue à défavoriser la personne noire. »
Effectivement, donner le ton, montrer l’exemple. À mon avis ça commence par reconnaître l’existence du racisme systémique, mais ça c’est une sujet pour une autre fois.
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