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Se sortir de l’insécurité financière : « Ça peut arriver à tout le monde »
Pour les femmes en situation précaire, les finances personnelles demeurent malheureusement un tabou.

Quatre95 et la Banque Nationale s’allient pour encourager les femmes à s’intéresser à leurs finances.
Ruth Michel est mère, travailleuse et étudiante. Malgré son horaire chargé, elle s’implique comme bénévole dans un organisme qui vient en aide aux mères monoparentales. Elle a aussi pour projet de fonder sa propre boutique en ligne pour rendre des cosmétiques plus accessibles aux femmes noires du Québec.
C’est en 2012 qu’elle a commencé le baccalauréat en comptabilité qu’elle est sur le point de terminer. Pour en arriver là, elle a dû surmonter de nombreux obstacles, dont une grande instabilité financière pendant plusieurs années. S’en sortir aura été ardu, mais si Ruth veut qu’on retienne quelque chose de son histoire, c’est que c’est possible.
Tout a commencé lorsqu’elle a perdu son emploi. « J’ai décidé de suivre une nouvelle formation à ce moment-là, raconte Ruth, afin d’être plus difficile à licencier dans l’avenir. » Mais elle avait du mal à joindre les deux bouts sans travail, avec des frais de scolarité à payer et la charge de sa fille, qu’elle élève seule. « Je n’arrivais pas à me trouver un autre emploi, explique-t-elle. Mes prêts et bourses couvraient à peine mon loyer. J’ai commencé à déprimer. »
Ses dettes s’accumulent, et Ruth est obligée d’interrompre ses études. Cette période d’instabilité dure six ans. Elle se retrouve en défaut de paiement de ses cartes de crédit et sur son loyer. « J’ai dû couper dans beaucoup de choses, parce que dans tout ça, je ne voulais pas qu’il y ait un impact sur ma fille, se rappelle-t-elle. Je n’avais d’autre choix que de me battre, parce que c’était pour elle. »
« Il faut aller chercher les ressources »
Lorsqu’elle retrouve un emploi, Ruth peut enfin commencer à rembourser ses dettes et à épargner. Avant cela, elle a dû faire usage de toute l’aide à sa disposition pour subvenir à ses besoins et à ceux de sa fille.
Elle ne connaissait pas à l’époque les ressources qui viennent en aide aux personnes en difficulté financière ou aux mères monoparentales, mais elle s’est mise à leur recherche : « Quand tu en as besoin pour survivre, tu trouves les ressources. »
«Il faut avoir le courage de reconnaître le problème sans être dans le déni et oser demander de l’aide.»
Apprendre à demander de l’aide aura été l’un des apprentissages les plus difficiles durant cette période, mais aussi l’un des plus utiles. Ruth encourage d’ailleurs tout le monde à le faire : on peut toujours aller chercher de nouvelles connaissances pour améliorer sa situation. « Il faut avoir le courage de reconnaître le problème sans être dans le déni et oser demander de l’aide, dit-elle. Même quand on ne sait pas encore exactement ce dont on a besoin, il faut parler. C’est en parlant qu’on peut se faire aiguiller vers la bonne ressource ou la bonne subvention. »
L’aide de ses ami.e.s aura été précieuse durant ce temps : « Je n’osais pas leur demander quoi que ce soit, parce que je ne pouvais pas les rembourser à l’époque. Maintenant que ça va mieux, j’essaie de rendre ce qu’on m’a donné, en temps ou en cadeaux, car je n’aurais jamais pu m’en sortir sans eux. »
Le tabou de l’argent
De nombreux facteurs expliquent pourquoi des femmes se retrouvent en situation d’insécurité financière : la monoparentalité, un emploi précaire, la violence conjugale, le travail invisible des femmes dans le foyer et pour la conciliation travail-famille, la non-reconnaissance de leurs compétences lorsqu’elles viennent d’ailleurs, etc. C’est ce que constate Jéhanara Sage, conseillère d’orientation au programme Orientation et service employabilité (OSE) du Y des femmes.
Dans le cadre de son travail, elle accompagne des femmes qui vivent des difficultés financières. Sur le terrain, elle constate qu’une mauvaise connaissance des finances ainsi que certains biais cognitifs en matière financière freinent les femmes dans leur quête d’autonomie. Le tabou qui entoure l’argent en est un. Les traumatismes liés à des situations de pauvreté en sont un autre.
« Le fait que l’argent soit associé à des émotions aussi négatives fait que ces femmes peuvent faire du déni par rapport à leur situation.»
« Le fait que l’argent soit associé à des émotions aussi négatives fait que ces femmes peuvent faire du déni par rapport à leur situation, explique Jéhanara Sage. Elles ne connaissent pas le revenu de leur ménage ni la prestation d’aide qui leur reste pour le mois, par exemple. »
La croyance selon laquelle il y a toujours quelqu’un de plus mal pris qu’elles empêchent beaucoup de femmes de demander l’aide dont elles auraient besoin : « À cause de ce biais cognitif et des préjugés liés à l’aide sociale, des femmes vont endurer des situations de pauvreté immense avant de finalement demander de l’aide. »
Elle conseille d’oser demander de l’aide à des organismes comme le Y des femmes, mais aussi de s’informer au sujet des finances personnelles pour mieux s’outiller et pouvoir faire face aux imprévus qui peuvent chambouler leur vie. « Il faut le faire même si ça fait peur, car ignorer le problème, ça empêche de le régler », conclut-elle.
« C’est correct de ne pas se sentir bien »
Aujourd’hui, Ruth Michel vient en aide à des mères monoparentales dont les difficultés ne sont pas sans lui rappeler celles qu’elle a vécues il y a quelques années. « Je veux être là pour ces femmes et leur montrer que c’est possible de s’en sortir, affirme-t-elle. Je veux qu’elles sachent qu’à un moment, ce poids sur leurs épaules va disparaître et que ça va aller. »
«Je veux que les femmes qui vivent ça sachent que c’est correct de ne pas réussir à s’en sortir toute seule.»
Mais en attendant, c’est normal de vivre de la détresse, assure-t-elle : « C’est correct de ne pas se sentir bien, et il n’y a pas de honte à demander de l’aide, qu’elle soit financière ou psychologique. »
Selon Ruth, personne n’est à l’abri de vivre un drame qui bouleverse tout, qu’il s’agisse d’un deuil, d’une perte d’emploi, d’une situation de violence. « Je veux que les femmes qui vivent ça sachent que c’est correct de ne pas réussir à s’en sortir toute seule, dit-elle. Ça peut arriver à tout le monde. »
Entre ses études, son travail et son implication bénévole, Ruth dit que les messages qu’elle reçoit de la part de personnes qu’elle a aidées sont sa plus grande motivation pour continuer d’avancer. « Mon souhait, c’est que lorsque ces personnes-là chutent, il y ait quelqu’un pour les voir et leur venir en aide », conclut-elle avec une tendresse qui s’entend même au téléphone.
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Prendre ses finances en main, c’est aussi prendre son avenir en main. Vous pouvez compter sur la Banque Nationale pour vous accompagner là-dedans.