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Se dirige-t-on vers un monde sans cash?

Pourquoi les états se tournent vers les monnaies numériques?

Par
Billy Eff
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Vous souvenez-vous de la dernière fois que vous avez tenu un billet de banque dans vos mains ? Vous savez, ces morceaux de papiers qui peuvent parfois contenir plus de bactéries et de pathogènes qu’une toilette, que l’on utilisait autrefois pour recevoir des biens ou des services…

Car il faut dire que depuis le début de la pandémie, ce n’est plus notre moyen préféré de conclure des transactions, vu la capacité des monnaies physiques à propager des microbes et des virus. Depuis, je me rappelle plus de la dernière fois où j’ai eu à sortir mon porte-monnaie à une caisse. Juste mon téléphone intelligent, et beep !, tout est réglé. C’est la vie optimisée que les films de notre enfance nous avaient promis.

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Et on est plusieurs à préférer ce système, à tel point que les banques centrales des puissances mondiales se penchent sérieusement sur l’idée de développer des monnaies digitales. Est-ce que c’est une solution-miracle ; une évolution normale ?

Cryptomonnaie vs. monnaie électronique

Depuis les derniers mois, on ne cesse de vous parler des Bitcoins, Ethers, Dogecoins et autres cryptomonnaies qui créent des remous dans le monde de l’investissement. Et si elles sont si populaires, c’est en grande partie parce qu’elles fonctionnent avec un système de blockchain. Ça les rend à la fois beaucoup plus sécuritaires et accessibles parce qu’elles sont décentralisées. C’est pourquoi le cours du Bitcoin vacille autant et aussi violemment : il a précisément, à tout moment, la valeur qu’on lui accorde. Des jours où tout le monde en veut, le prix grimpe car l’offre est plus grande que la demande. Et des jours où ça va moins bien, le prix peut baisser en un instant de plusieurs milliers de dollars.

Depuis 2014, la Banque populaire de Chine et le gouvernement chinois se penchent sur l’idée, et ont récemment émis l’équivalent de près de 25 millions de dollars canadiens en e-yuans

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La blockchain rend inutile la présence d’un organisme central qui contrôle et régule le prix des cryptomonnaies, c’est du peer-to-peer, avec un registre partagé à tous les utilisateurs du réseau.

La monnaie électronique, elle, ressemble beaucoup à l’argent qu’on a déjà. Elle est régie par une autorité gouvernante, habituellement une banque centrale, et suit souvent le cours d’une devise physique. Un peu comme si la Banque du Canada créait une version purement électronique du dollar, mais qui serait utilisable dans toutes les mêmes situations et aurait la même valeur. Un jeton fongible, donc.

Selon les définitions européennes, cela fait du Bitcoin une monnaie ‘virtuelle’, alors que l’hypothétique dollar canadien digital serait plus précisément une monnaie numérique de banque centrale, ou MNBC.

Un projet-pilote pour Pékin 2022

Pas mal de pays testent en ce moment à échelle réduite des MNBCs. Dans les pays nordiques, où le paiement sans contact est déjà vastement répandu, les tests sont plutôt concluants.

Mais le vrai test qui sera déterminant est présentement en cours en Chine. Depuis 2014, la Banque populaire de Chine et le gouvernement chinois se penchent sur l’idée, et ont récemment émis l’équivalent de près de 25 millions de dollars canadiens en e-yuans. Sur un principe de tombola, 750 000 personnes ont pu se partager une partie de la somme, qu’ils peuvent ensuite utiliser pour leurs achats courants.

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Si les tests sont concluants, la BPDC entend rendre possible l’utilisation du e-yuan pour les athlètes et les touristes qui se rendront en Chine l’an prochain, pour les Jeux Olympiques d’hiver de Pékin de 2022. In fine, le e-yuan vise à dématérialiser l’argent en Chine. Et en tant que pays hyper-connecté et généralement assez rapide à adopter de nouvelles technologies, il est bien placé pour réussir.

MBNC : la revanche américaine

Bien entendu, lorsque la Chine progresse dans un secteur, les États-Unis s’assurent de ne pas être loin derrière. Pas étonnant, donc, que le Président de la Réserve fédérale américaine se demande « de près, de très près, la question de si l’on devrait émettre un dollar digital ». Vu que le dollar américain est la devise mondiale de réserve, la banque centrale des États-Unis estime qu’elle doit s’assurer de bien structurer le projet, pour qu’il soit aussi efficace que sécuritaire.

Les banques centrales pourraient donc suivre en temps réel les achats des utilisateurs, et dans des pays aux gouvernements peu scrupuleux, pourraient décider à qui permettre d’utiliser le dollar digital ou pas.

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La secrétaire à la Trésorerie, Janet Yellen, explique l’intérêt du projet de MBNC par le fait que « trop d’américains n’ont toujours pas accès à des systèmes de paiements simples, ou de compte en banque. C’est quelque chose qu’un dollar digital, émis par la banque centrale, pourrait aider à régler. »

Le Royaume-Uni, affecté à la fois par la pandémie mondiale et par sa sortie de l’Union européenne au début de l’année dernière, songe lui aussi à créer sa propre MBNC. Des siècles après avoir inventé les billets de banque modernes, la Bank of England lance une étude sur la viabilité d’une monnaie numérique qui « existerait aux côtés de l’argent liquide et des dépôts bancaires, plutôt que de les remplacer. » Comme pour les États-Unis, le Royaume-Uni voit là une occasion de créer un système qui rendrait les paiements plus simples, moins cher et plus sécuritaires que les processus de règlement des banques conventionnelles.

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Et la vie privée, dans tout ça ?

Un des principaux inconvénients des MNBCs est qu’elles sont gérées par des gouvernements. Cela veut dire que l’État aurait un contrôle quasi-complet sur le réseau sur lequel la devise opère. Les banques centrales pourraient donc suivre en temps réel les achats des utilisateurs, et dans des pays aux gouvernements peu scrupuleux, pourraient décider à qui permettre d’utiliser le dollar digital ou pas. Ça pose un sérieux problème de respect de la vie privée.

Mais cela pourrait aussi vouloir dire que l’on aurait en tout temps une vue d’ensemble sur la force de nos économies, tant à une échelle nationale que régionale ou locale. Cela est plus simple avec un dollar digital, où tout est comptabilisé en temps réel, que de « suivre » les déplacements d’un dollar physique.

Un nombre grandissant d’entre nous ont déjà pris pour habitude de « dématérialiser » notre argent, fonctionnant plus souvent avec une carte plastique émise par une banque, ou même avec des systèmes comme Google Pay et Apple Pay, qui n’utilisent que la puce NFC de notre téléphone. Une transition vers une MBNC canadienne serait donc relativement simple. Mais beaucoup de chemin reste à faire : notamment les enjeux éthiques et les détails techniques du système utilisé et des mesures de sécurité qu’il comporte.

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Ça prendra encore quelque temps avant qu’on voit apparaître un digi-dollar canadien, mais c’est à peu près certain que c’est ce que le futur nous réserve !