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Se comparer aux autres nous fait prendre de mauvaises décisions financières
C’était dans une conférence de presse. Tout ce qu’il y a de plus normal. En présentant sa nouvelle série documentaire Mais pourquoi?, diffusée sur les ondes de Z Télé, Maripier Morin a par le fait même dévoilé son salaire de millionnaire aux journalistes… qui n’en demandaient clairement pas tant. Stupeur et étonnement, surtout quand la populaire animatrice a invité les personnes présentes à en faire autant. L’équivalent, selon l’étiquette québécoise, de montrer ses bobettes à une salle pleine d’inconnus. Bruits de criquets, à part pour le brave Philippe Papineau du Devoir qui a osé.
C’est là un drôle de paradoxe. On a beau être HYPER mal à l’aise de jaser cash, est-ce que ça nous empêche de nous comparer aux autres financièrement? Pantoute. Malgré le tabou des tabous qu’est l’argent au Québec, que celui qui n’a jamais envié le salaire de Maripier, le nouveau joujou de son voisin ou la maison super jolie de sa vague connaissance sur Instagram jette la première pierre. Et c’est loin d’être un phénomène qui se passe seulement dans notre belle province. C’est tellement vrai que selon une étude américaine de la Federal Reserve Bank of Philadelphia datant de 2016, les voisins de gagnants à la loterie ont significativement plus de chances de faire faillite à coups d’achats pour avoir l’air aussi riches qu’eux. Quand même, hein?
Une pression bien réelle
« C’est weird à dire… C’est comme si à 33 ans, je me suis demandé ce que je pouvais montrer pour prouver aux autres que j’ai réussi. »
Hugo, journaliste de 33 ans, l’admet avec humilité. Oui, il se compare aux autres financièrement et oui, ça le pousse parfois à prendre des décisions différentes – sans nécessairement virer fou non plus. « Ça entre dans une drôle de spirale de réflexion, bienvenue dans ma psychanalyse personnelle! », lance-t-il en riant. « Quand on a entamé la trentaine ma blonde et moi, on s’est dit “OK, on a une situation stable, on ne veut pas se marier, on ne veut pas d’enfants tout de suite… On fait quoi?” Mes deux soeurs plus jeunes ont déjà une maison, la plupart de mes amis aussi, alors que je suis encore en appart sur le Plateau… On a décidé d’acheter. Je pense que nos proches nous trouvent quand même très agréables même si on est locataires! Mais c’est weird à dire… C’est comme si à 33 ans, je me suis demandé ce que je pouvais montrer pour prouver aux autres que j’ai réussi. »
Une pression à laquelle Francis, consultant en stratégie marketing de 27 ans, a dû apprendre à résister dès ses premières journées sur les bancs d’école des HEC. « Il y a une notion d’élite assez spéciale à cette école, qui peut pousser à faire des achats vraiment irréfléchis. T’sais quand des gens arrivent avec des sacs à dos à 500 dollars… J’aurais pu facilement tomber dans le besoin d’être à “la hauteur”. Je me suis rapidement rendu compte qu’il fallait que je me protège de cette pression, parce que ça peut être sans fin! Je n’avais aucune envie de courir après cette balle-là toute ma vie. » Une réflexion qui lui donnerait sûrement droit à un high five de Brigitte Felx, planificatrice financière chez RBC, si elle l’entendait.
Se comparer, c’est pas beau
Vous me voyez déjà venir avec ma tonne de briques : croire que l’herbe – ou la santé financière – du voisin est plus belle que la sienne, ça n’apporte pas grand-chose à part de l’angoisse. C’est même une des pires idées pour votre compte en banque selon Brigitte. « Je conseille fortement de ne pas tomber dans l’achat émotif. Il faut établir son style de vie. Chaque cas est tellement unique! En s’asseyant pour faire un budget, et voir ce qu’on peut vraiment se permettre ou pas, n’importe qui peut constater les impacts des dépenses irréfléchies sur son compte en banque. » Et ainsi, s’éviter bien des fins de mois à se régaler de Kraft Dinner.
« J’ai vu des gens riches qui font 50 000 dollars par année, et des pauvres qui ont un revenu annuel de 150 000 dollars. Je pense que le fait de vivre au-dessus de ses moyens, en voulant montrer qu’on peut suivre des personnes qui ont beaucoup de cash, peut mener à cette étrange réalité, réfléchit tout haut Francis. C’est tellement facile d’avoir accès au crédit pour flasher! Je le vis beaucoup dans mon domaine, par exemple. Tout le monde a envie d’être dans la gang des gens en suits qui vont travailler en Mercedes ou des travailleurs autonomes qui voyagent constamment. Il y a plusieurs cliques, et ça vient avec son lot de pression. »
« J’ai vu des gens riches qui font 50 000 dollars par année, et des pauvres qui ont un revenu annuel de 150 000 dollars. »
Et souvent, avec le silence qui entoure toutes les questions d’argent. Comme la roue tourne! « Personne n’en parle, et c’est vraiment poche. C’est un cercle particulièrement vicieux. Si quelqu’un essaie de jaser argent, l’autre interlocuteur risque pas mal d’être super mal à l’aise… », ajoute Francis. Un malaise qui en pousse certains à se taire et éventuellement, à s’enliser dans le manque de connaissances financières. Ironiquement, une situation qui en éloigne plusieurs d’un compte en banque bien garni.
Entre comparaison… et modèles
On a compris, se comparer aux autres financièrement, C’EST MAL. Mais est-ce que la seule option pour arriver à une santé financière est de se mettre des œillères en criant « LALALA » dès que vous entendez le mot dollar? « Certainement pas! Personnellement, j’ai toujours pu compter sur mon père banquier pour me donner des conseils financiers, raconte Brigitte Felx. Quand j’étais étudiante, ma première paie du Dunkin Donuts m’a rapporté un gros 16$. Il a tout de suite voulu que je place 50% du total. Je ne comprenais tellement pas pourquoi! Aujourd’hui, je saisis vraiment l’importance de l’épargne! »
Avoir des modèles de vie financière, comme une cousine particulièrement wise à la Bourse ou un oncle qui trippe stratégies d’épargne, ça peut s’avérer très positif! Pas de papa banquier en vue? « C’est là qu’un planificateur financier peut vraiment aider à mieux gérer son budget, en conseillant les meilleures avenues pour arriver à ses objectifs à soi, sans regarder chez le voisin. Si on n’a personne dans notre entourage pour nous guider un peu, ça vaut vraiment la peine», renchérit Brigitte Felx. Et cette aide nous permettra sûrement d’acheter cette bouteille de vin hors de prix ou ce voyage en Europe qu’on zieute depuis un petit bout!