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Scooters électriques sur les pistes cyclables : légal ou pas?
Vous roulez sur la piste cyclable, tout bonnement, pour aller au travail, à l’école ou encore à votre rendez-vous chez votre médecin de famille (Dieu soit loué si vous en avez un), quand soudain, VROOOOOM. Ce qui vous apparaît être un bolide de course tout droit sorti du circuit de la F1 vous double et manque de vous projeter au sol devant les passants qui marchent sur le trottoir près de vous.
Ayant frôlé de peu la honte de votre vie – ainsi que quelques éraflures – vous rejoignez peu de temps après à la lumière la personne assise sur son ridicule petit scooter électrique qui a failli être votre bourreau.
Cette situation, loin d’être une exception pour nos ami.es à vélo, je l’ai vécue dans la peau « du méchant » : lors d’un après-midi, j’ai arpenté les pistes cyclables et les trottoirs de Montréal sur un scooter pour voir si l’espace se partage entre les cyclistes, les piétons et les scootéristes.
DOCILES
Lundi après-midi, cela fait maintenant presque 30 minutes que je roule sur les pistes cyclables avec mon scooter, allant tantôt à 20km/h, tantôt à 32, tel un p’tit bum. J’ai eu droit à un lointain « bravo champion » de la part d’une piétonne et à quelques regards désapprobateurs, mais jusqu’ici, je m’en tire plutôt bien. Ce qui m’étonne le plus, considérant la quantité assez élevée de personnes que j’ai croisées, c’est l’acceptabilité sociale vis-à-vis mon moyen de transport et la manière dont je l’utilise, comme si les gens avaient peur de me confronter.
Je les comprends : moi aussi, si je voyais un gars sur une mobylette louée porter du linge de lycra moulant et une caméra Gopro sur son torse, je n’oserais pas m’interposer. Je penserais sûrement : « un autre influenceur voyage qui essaie de nous vendre des maudites escapades à rabais » et le laisserais aller se perdre dans les rues cahoteuses du Vieux-Montréal.
Toutefois, je me suis dit que pour le bien de la cause, j’allais devoir provoquer. Pousser les gens au summum de leur inconfort pour obtenir les réactions les plus sincères. Piqués à vif, les gens se permettent de dire ce qu’ils pensent.
INJURES
Si j’avais mené cette expérience dans le temps de la COVID, je me serais probablement retrouvé sur les ondes de TVA Nouvelles en manchette avec le mot « Ostrogoth » tatoué à la peau. J’ai roulé sur les trottoirs en criant aux gens de se tasser de la voie, je me suis déplacé à contresens sur le REV de Saint-Denis (oui, c’est super dangereux) avant de klaxonner plusieurs véhicules ici et là, sans oublier tous ces pauvres vélos que j’ai dépassés en leur disant d’aller plus vite.
« Get the fuck out », « crétin », « la piste cyclable c’est là-bas, l’grand » ou encore « tu te magasines des claques » : en devenant le pire cycliste du monde l’instant d’un après-midi, je me suis attiré les foudres de plusieurs individus. Mais pas assez à mon goût. Par demi-heure, j’ai en moyenne croisé 65 piétons et 48 cyclistes, pour un total d’environ 452 personnes sur deux heures. Sur ces 452 personnes, 22 seulement ont osé remettre en question ma façon d’occuper l’espace (de manière plus ou moins douce). Considérant le laps de temps imparti ainsi que les actions irresponsables que j’ai commises, c’est très peu.
Mon constat : ici, pour la plupart du monde, c’est vivre et laisser vivre, celui-ci préférant probablement s’en remettre aux autorités policières pour s’occuper du cas des hors-la-loi. Mais celles-ci peuvent-elles intervenir lorsqu’un scooter électrique se promène parmi les cyclistes?
LÉGAL OU PAS?
Bip bip bop. Au bout du fil, un policier du poste de quartier 20 qui n’a aucune idée de la quantité de lois que je viens d’enfreindre :
La question qui nous brûle les lèvres : c’est légal ou pas les maudits scooters électriques sur les pistes cyclables?
Si le vélo électrique est muni d’un pédalier, c’est légal. S’il ne l’est pas, c’est illégal.
[À noter qu’il considère l’engin comme un vélo électrique et non comme un scooter, même s’il a toutes les caractéristiques d’un scooter. Rendu là, c’est un peu l’équivalent de m’acheter une perruche et de dire à tout le monde qu’il s’agit d’un grand Ara]
Mais ici, on ne parle pas de vélos électriques, mais bien de scooters qu’on peut louer à 50$ pour deux heures et qui peuvent atteindre des vitesses faramineuses. Je ne suis pas un expert, mais il me semble qu’il y a quelque chose qui cloche là-dedans.
Sur la piste cyclable, la limite de vitesse est établie à 20km/h, mais ce sont des régulations qui peuvent changer selon votre secteur. Mais si l’engin est muni d’un pédalier et qu’il va à la vitesse réglementaire sur la piste cyclable, on a pas de raison d’intervenir.
Vous êtes conscients qu’il y a beaucoup de ces scooters qui ont des pédaliers non fonctionnels qui tournent dans le beurre [comme celui que j’avais, qui n’était même pas capable d’effectuer un tour complet]?
Dans ce cas-là, c’est sûr que si le pédalier est décoratif, c’est illégal.
Donc vous vous faites leurrer par de vulgaires pédaliers décoratifs?
Possible, je ne pourrais pas vous dire.
Face au flou de la définition de ce qu’est un « vélo électrique » ainsi que l’absence d’encadrement de l’utilisation de ces mobylettes de l’enfer, tout porte à croire que ces véhicules sont tombés entre deux craques et qu’il en revient au bon jugement des personnes qui les conduisent d’en assurer la cohabitation avec les autres usagers de la route. Même ceux du type « Jacob devient le pire cycliste du monde ».
Et tant et aussi longtemps que le ministère des Transports du Québec ne statuera pas en ce sens, j’ai la forte impression qu’on n’a pas fini de voir des scooters frôler nos roues de vélos.