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Sauter (littéralement) à pieds joints dans sa passion
Ah, la cour de récré du primaire! Un univers parallèle où le ballon-chasseur, la tague ou la corde à sauter sont toutes des occasions d’établir qui sera le ou la plus cool de l’école.
Si la dernière est plutôt associée à un jeu enfantin où l’on scande une chanson parlant de crème glacée, de limonade sucrée et de cavalier, ou à un entraînement de cardio peu palpitant, des adeptes de la corde, communément appelés «jumpers», se sont réapproprié le sport à leur manière depuis quelques années.
On s’est entretenu avec trois membres de la petite communauté montréalaise de «jumpers» qui s’est formée pendant la pandémie pour mieux comprendre ce qui pousse ces adultes à bondir de joie (ouf, désolé) au rythme d’une corde en plastique.
Une communauté cordée serrée
«Avant, pour moi, la corde à sauter, c’était juste le genre de chose que je faisais avant mes cours de boxe pour me réchauffer. Mais avec les gyms fermés pendant la pandémie, j’ai dû me trouver quelque chose d’autre pour faire mon cardio et c’est là que j’ai redécouvert la corde», explique d’emblée Léa Nguyen, une «jumper» nouvellement conquise par le sport il y a quelques mois.
C’est à travers des vidéos sur YouTube et des comptes Instagram que la trentenaire s’est initiée à la corde à sauter version fun et adulte. «Je trouvais ça vraiment impressionnant. Il y a des tricks super techniques et je me suis dit que ça serait un beau défi d’essayer de les imiter».
«Il y a des tricks super techniques et je me suis dit que ça serait un beau défi d’essayer de les imiter».
Après seulement quelques semaines de pratique, Léa s’est impliquée dans un défi sportif en novembre dernier organisé pour Le bec, un OBNL qui offre des services de soutien aux personnes œuvrant dans le domaine des communications et du marketing. «J’ai choisi de faire de la corde tous les jours pendant 30 jours pour amasser des fonds. C’était le plus long stretch que j’ai fait et ça m’a donné encore plus la piqûre pour le sport», confie-t-elle.
Depuis, la «jumper» s’est non seulement trouvé une nouvelle passion, mais un groupe d’adeptes tout aussi «trippeux» qu’elle. «Il y a une grande communauté aux États-Unis, au Royaume-Uni et aux Philippines, mais ici, c’est encore très peu connu. On est seulement une petite gang à Montréal à faire ça et on se connait pas mal tous. C’est le fun! On s’encourage et on s’amuse ensemble!».
Redécouvrir la corde à sauter quand on est adulte
«Il y a une grande communauté aux États-Unis, au Royaume-Uni et aux Philippines, mais ici, c’est encore très peu connu.»
Tout comme Léa, Geneviève Lugaz a commencé la corde à sauter pendant la pandémie. Mais contrairement à l’autre «jumper», la maman n’était pas particulièrement prédestinée à tomber en amour avec ce sport. «Ça faisait quelque temps que je me disais que si je voulais suivre mes préados de 9 et 12 ans, je devais trouver un moyen de me mettre en forme, mais j’ai zéro un bagage sportif. Je n’ai jamais eu d’intérêt dans quelque sport qu’il soit jusqu’à ce que je découvre la corde», raconte cette résidente de Rosemont qui est également copropriétaire de la boutique de jouets et d’accessoires pour enfants Des enfantillages.
C’est justement Léa, une cliente du magasin, qui l’a initié au sport l’hiver dernier. «Elle nous taguait dans ses stories et en fouillant un peu, j’ai découvert un monde assez éclectique de passionnés et ça m’a donné envie d’essayer».
Ça n’a pas pris deux bons pour que l’entrepreneuse comprenne qu’elle venait de rajouter une corde à son arc personnel de passions. «C’était comme une mini épiphanie. Je me suis mise à en faire quasiment tous les jours et à casser les oreilles de mon entourage avec ça sans arrêt», avoue Geneviève en riant, qui ajoute avoir choisi des entraînements spécifiques à l’amélioration de ses «skills» de corde durant ses journées de «repos». «Ce qui était une activité qui devait me prendre 15 minutes par jour m’en prend 1h-1h30 finalement!»
«C’était comme une mini épiphanie. Je me suis mise à en faire quasiment tous les jours et à casser les oreilles de mon entourage avec ça sans arrêt»
En plus de tous les attributs physiques, la mère de famille soutient que la corde à sauter lui permet de mieux canaliser son énergie, d’avoir une meilleure estime d’elle-même et de mieux dormir. «Je ne me considère pas comme une grande anxieuse, mais ça crée une forme d’exutoire pour mon quotidien qui est des fois assez chargé. Ça fait du bien».
Est-ce que cette activité lui a ramené son coeur d’enfant? «D’une certaine manière, oui! J’adorais faire ça quand j’étais jeune et de recommencer à en faire m’a permis de retrouver ce sentiment qui était enfoui depuis trop longtemps».
«La dernière fois que j’avais fait de la corde et que j’avais eu du plaisir, c’était quand j’avais 5 ans», estime pour sa part Antoine Millette, un autre «jumper» des Laurentides qui a repris la corde pendant la pandémie.
«La dernière fois que j’avais fait de la corde et que j’avais eu du plaisir, c’était quand j’avais 5 ans»
À l’opposé de Geneviève, Antoine avait déjà foulé le sol avec une corde à sauter à plusieurs reprises par le passé à titre d’échauffement pour ses entraînements de crossfit. «J’ai vu des vidéos passées sur les réseaux sociaux de gens qui faisaient des acrobaties avec une corde à sauter et je me suis dit que ça avait l’air le fun», explique cet ancien skateur et snowboardeur qui a toujours aimé faire des «tricks».
Sa «saveur» pour se démarquer au sein de la communauté de «jumpers» est de faire une bonne partie de ses vidéos sur des chansons de rap québécois, un style de musique qu’il affectionne particulièrement. «J’essaie humblement de faire découvrir des artistes d’ici aux gens qui me suivent tout en leur montrant ce dont je suis capable».
S’il se réjouit que la vie normale reprenne son cours, ce papa de 32 ans ne se voit pas ranger sa corde de si tôt. «Les gyms sont ouverts ici et je n’ai même pas envie d’y retourner. J’aime mieux faire ma corde chez moi sur mon balcon tranquille. C’est vraiment mon sport maintenant».
Les trois adeptes s’entendent pour dire que leur passion mérite de rejoindre le plus grand nombre de gens dans un futur rapproché. «Ça serait le fun de se réunir entre “jumpers” dans un parc et se partager des trucs en personne et non en virtuel. C’est super COVID proof en plus vu qu’on doit à peu près être à deux mètres de distance des autres de toute façon!», estime Léa Nguyen, qui aimerait bien organiser un petit rassemblement de «jumpers» québécois sous peu.
«On a déjà du fun virtuellement en étant juste une petite gang d’adeptes. Je pense que le plus de “jumpers” on est, le mieux c’est», pense pour sa part Antoine.
Avec l’été qui s’amorce et les pénuries de matériaux sportifs qui font rage, l’idée de se trouver un petit coin tranquille avec une corde à sauter pour faire suer le méchant est assez alléchante.
P.S: si un petit air de «Crème glacée, limonade sucrée…» vous vient, lâchez-vous lousse. Ça fait du bien de reconnecter avec son coeur d’enfant parfois.