Le 1er octobre, les Québécoises et les Québécois iront griffonner leurs sélections dans les bureaux de vote de la province afin d’élire le nouveau gouvernement des prochaines années.
Cette rare participation citoyenne est, du moins c’est ce qu’on nous dit, l’apanage de notre belle liberté démocratique, quelque chose comme un grand cadeau que l’on doit chérir et absolument exercer afin de se sentir entendu lors des grandes prises de décisions.
Et c’est là que je débarque.
J’ai 34 ans et je n’ai pas souvenir d’une élection ou d’un vote qui a concrètement changé la donne, que ce soit au provincial, au fédéral ou même au municipal. Il y a, évidemment, des nuances et des petites brises qui ont engendré des ajustements, mais des changements réels, profonds ou marquants, c’est un peu de la pure fantaisie.
Malgré les belles promesses, les idées prometteuses, les bonnes intentions et les beaux discours.
J’ai 34 ans et je n’ai pas souvenir d’une élection ou d’un vote qui a concrètement changé la donne, que ce soit au provincial, au fédéral ou même au municipal.
Ceci dit, n’allez pas croire que je suis tout simplement amer des Libéraux ou de la politique en général. C’est plus fort que ça. C’est une déception, une peine d’amour voire un deuil. Parce qu’une partie de moi croit que la politique peut et devrait servir le citoyen et la collectivité, mais le grand défaut de la politique, c’est qu’elle est menée par des individus qui, ultimement, penseront à eux et à leurs proches avant de penser aux autres.
Ce qui fait qu’on tourne en rond en changeant la marquise au sommet d’un appareil politique qui, essentiellement, sert les industries, la croissance économique et l’asservissement des individus via le travail, l’endettement et le clivage entre les classes.
SHOW DE BOUCANE
Une campagne électorale, c’est un concours de popularité bien plus qu’une évaluation de compétences. Pas étonnant qu’on se retrouve à entendre de beaux parleurs dans les médias tout en décriant le fait qu’ils étaient, jusque-là, de petits faiseurs. Notre démocratie est ainsi structurée, on vote une fois de temps en temps et on regarde le train aller ensuite, sans l’option de pouvoir descendre à la prochaine station.
Peut-on alors pointer la démocratie du doigt et espérer un retour de la monarchie ou de l’oligarchie? Juste l’écrire semble ridicule et, vous le devinez, ce l’est. La démocratie n’est pas problématique, c’est seulement qu’elle n’est pas réellement exercée.
Vous me direz « oui, mais la commission Charbonneau », sauf que je suis plus sévère avec ma fille quand je la prive de dessert que les conséquences de la commission sur la vie des politiciens accusés.
Illustrons avec une mise en situation. Disons que vous achetez un condo tout neuf sur plan et que votre seul choix à l’achat serait de déterminer la couleur des murs à l’intérieur. Tout le reste serait à la discrétion de l’entrepreneur. Le choix des armoires, des décorations, des meubles, etc. Sur papier, vous avez choisi un condo qui vous parle avec une couleur qui vous ressemble, mais au final, est-ce que vous allez vous sentir à la maison après les choix de votre entrepreneur qui, pourtant, avait votre bénédiction?
C’est ce que ça m’inspire une campagne électorale. On sélectionne un premier ministre et son parti. Ensuite on regarde le tout aller. Il n’y a pas d’imputabilité ou de consultations. Vous me direz « oui, mais la commission Charbonneau », sauf que je suis plus sévère avec ma fille quand je la prive de dessert que les conséquences de la commission sur la vie des politiciens accusés. Les promesses restent des promesses et à part recevoir une mauvaise presse, les effets négatifs sont inexistants. Dieu sait que la mauvaise presse ne dure jamais longtemps et que le cycle électoral permet de tout effacer ou presque quand on entre en opération séduction six mois avant le passage des citoyens aux urnes.
LE VOTE BLANC
Oubliez le discutable jeu de mots de la candidate péquiste Michelle Blanc et parlons du vote blanc, ou l’option «None of the Above». Le tout est drôlement bien résumé dans cet extrait d’un film mettant en vedette l’humoriste américain Richard Pryor : Brewster’s Millions.
Ici, Pryor doit dépenser son argent et il décide de faire campagne au municipal afin de déloger la corruption des deux candidats contre lui. Son choix, ici, est de ne voter pour aucun des deux et l’idée, pourtant farfelue dans cet exemple, pourrait exprimer une réelle prise de pouvoir de la part de la population.
On ne peut pas, d’une main, critiquer les inégalités sociales, le 1% et l’ascension de l’élite et, de l’autre, voter dans une structure qui est établie pour les favoriser et faire «rouler la machine».
Si aucun parti n’est élu, peut-être qu’il faudrait revoir la proposition que l’on fait aux citoyens. Revoir le système de parti, de candidat, de ministre, bref, tout revoir. On ne peut pas, d’une main, critiquer les inégalités sociales, le 1% et l’ascension de l’élite et, de l’autre, voter dans une structure qui est établie pour les favoriser et faire «rouler la machine». Notre appareil électoral, jusqu’à preuve du contraire, n’est pas en place pour élever la collectivité, mais pour préserver le modèle actuel où la consommation est encouragée parce qu’elle crée de l’emploi, fait rouler l’économie et développe les richesses – supposément.
Quand je dis que je ne vote pas, systématiquement, on critique ma décision en soulignant le fait que je n’exerce pas mon devoir de citoyen et, après ça, je n’ai plus le droit de chialer quand les choses vont mal. Mais c’est plutôt l’inverse. J’ai le droit de pointer du doigt les problèmes parce que je refuse d’encourager cette mascarade. Peu importe les slogans de campagnes, la couleur des pancartes, le contenu du programme ou les convictions du parti, ça ne rejoint pas la population sauf quelques semaines avant les élections quand il faut faire la belle afin de recevoir sa balance du pouvoir.
Peut-être que le problème, ici, est justement dans l’attribution d’un pouvoir. Mais je n’ai pas de solution magique, je suis juste tanné d’avoir l’impression d’être le dindon de la farce dans cette équation. On me parle une fois aux 3-4 ans, on espère une réponse de ma part et ensuite plus rien.
Je n’ai rien contre tes convictions ou le parti pour lequel tu milites, mais j’en ai contre la joute politique et ce cirque tellement moins des préoccupations collectives qu’on se demande pourquoi on s’acharne encore à perpétuer ce modèle instauré dans le temps où on réglait les conflits territoriaux en tuant les dissidents et en violant leurs femmes.
Vous me direz que votre parti est différent, qu’il faut lui donner une chance, l’élire au pouvoir et on va voir du changement. Peut-être, mais probablement pas. Quand ce n’est pas la politique provinciale, ce sera le manque de communication avec le fédéral ou les frictions avec les instances municipales. Sinon, on parlera des dégâts de l’ancien gouvernement et des difficultés non anticipées en campagne qui retarde les projets si prometteurs sur papier. Sinon, ton parti sera minoritaire avec les mains liées ou il sera frileux de perdre son premier mandat. Je n’invente rien, c’est, après tout, la ritournelle habituelle. Ton parti tellement différent a le même défaut que tous les autres : il joue le même jeu.
Don’t hate the player, hate the game. Je n’ai rien contre tes convictions ou le parti pour lequel tu milites, mais j’en ai contre la joute politique et ce cirque tellement loin des préoccupations collectives qu’on se demande pourquoi on s’acharne encore à perpétuer ce modèle instauré dans le temps où on réglait les conflits territoriaux en tuant les dissidents et en violant leurs femmes.
Donc voilà, réveillez-moi dans six semaines. Anyway, tout de la campagne sera effacé quand le Canadien de Montréal fera une transaction ou que Carey Price visitera le bureau du docteur.