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Réussir ses études, une histoire de zones?

Jaune, orange, rouge. On compare notre palette de couleur.

Par
Gali Bonin
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« Présentiel (adjectif et nom masculin) : Se dit d’un enseignement à suivre sur place et non à distance » (Dictionnaire Larousse)

Si avant cette année, personne n’avait même entendu ce mot, il est aujourd’hui devenu un des plus utilisés de tout le Québec. En zone rouge, quand on l’entend, c’est la plupart du temps précédé du duo adverbial « ne … pas », comme dans la phrase : « Non, vos cours ne seront pas en présentiel cette session. » Exemple devenu emblématique de l’usage de ce terme.

Toutefois, cette réalité n’est pas celle de tout le Québec. Si pour les étudiants de McGill ou de l’Université de Montréal, ce terme évoque la nostalgie d’une époque révolue, ceux du cégep de Baie-Comeau y entendent plutôt un accommodement raisonnable. En fait, le rapport qu’entretiennent les étudiants avec le mot « présentiel » n’est qu’une question de contexte : jaune, orange et rouge, comment se vivent les études selon les zones COVID?

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Jaune : « Je n’ai pas vu de différences entre ma session d’automne 2019 et cette session »

« Face à un feu jaune clignotant, le conducteur […] doit diminuer la vitesse de son véhicule » (Code de la sécurité routière, alinéa 362)

Les zones jaunes sont évidemment les zones qui sont les moins affectées par la pandémie. En ce sens, les institutions d’éducation postsecondaires peuvent se permettre des choses qu’on n’ose même pas s’imaginer en rêve en zone rouge : « À Baie-Comeau, on est le seul cégep au Québec qui est 100% en présentiel. »

«À Baie-Comeau, on est le seul cégep au Québec qui est 100% en présentiel.»

C’est ce que m’a affirmé Alex Marin, président de l’association étudiante du cégep de Baie-Comeau. Sans grande surprise, cela s’accompagne tout de même de mesures sanitaires assez strictes. Les étudiants doivent porter le masque durant leurs déplacements et des lunettes de protection lorsqu’ils sont à moins d’un mètre et demi d’autres personnes. Toutefois, même avec ces mesures sanitaires, ce ne sont pas toutes les régions du Québec qui pourraient se permettre un tel luxe. En date du 13 décembre, la Côte-Nord comptait un total de 240 cas depuis le début de la pandémie. Comme le résume bien Alex : « On est passé de zone verte en zone jaune pour le principe de passer en zone jaune ».

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Même si trois cas ont éclos au cégep durant la session, l’établissement a choisi de ne pas renvoyer les étudiants à la maison : « [La santé publique] nous a dit “pourquoi on vous fermerait […] si les mesures sanitaires sont respectées?” » explique Alex. Le cégep a plutôt raffermi les règles déjà en place. Ainsi, pour pouvoir enlever leur masque, les étudiants doivent désormais respecter une distance de deux mètres au lieu d’un mètre et demi, comme c’était le cas au début septembre.

Malgré les mesures sanitaires, Alex considère que les étudiants se sont très rapidement adaptés : « je n’ai pas vu de différence entre ma session d’automne 2019 et cette session. » Évidemment, tout cela rend la vie des étudiants et des professeurs bien plus facile et, malgré la distanciation et les masques, tous en bénéficient : « l’enseignement en présentiel c’est vraiment mieux. La charge de travail est moins grande et le contact avec les autres étudiants permet de casser l’isolement qu’on peut retrouver à la maison », conclut Alex.

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D’orange à rouge : « J’ai accumulé les beaux moments avant de me faire chier »

« En face d’une main orange fixe, un piéton ne peut s’engager sur la chaussée » (Code de la sécurité routière, alinéa 444)

Viennent ensuite les zones orange que Québec définit comme étant le « Palier 3 – Alerte ». Plusieurs zones orange sont devenues des zones rouges au passage de la deuxième vague de COVID cet automne. C’est le cas du Saguenay-Lac-Saint-Jean qui est passé au rouge le 30 octobre dernier. L’Université du Québec à Chicoutimi (UQAC) avait dès la rentrée pris des mesures préventives : « L’UQAC avait pris comme posture [d’offrir] le moins de cours en présentiel possible », explique Jean-Simon Gagné-Nepton, un étudiant au baccalauréat à l’UQAC. « Sauf exceptions, les seuls cours qui [étaient] offerts en présentiel, [c’étaient] les laboratoires et les cours qui demandaient d’avoir accès à du matériel et à des locaux », continue-t-il.

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Lorsque l’état d’alerte maximale a été déclaré à la fin octobre, tout ce qui se donnait en présentiel a été transféré en ligne. Ce n’était pas sans quelques difficultés d’adaptation : « pour le moral, c’est difficile comme partout! », avoue Jean-Simon. Toutefois, les professeurs se sont montrés très accommodants, en diminuant par exemple la durée de leur cours de trois à deux heures.

Avertis de la deuxième vague par la situation à Montréal et à Québec, les habitants du Saguenay ont eu tout de même plus de temps pour se préparer au reconfinement : « On voyait ce qui arrivait, alors tranquillement je me suis préparé. Je suis allé au restaurant quelques fois, à la microbrasserie avec des amis […] J’ai accumulé les beaux moments avant de me faire chier » raconte Jean-Simon en riant.

Rouge : « tout est à distance et on n’a plus rien à voir avec l’Université »

« Face à un feu rouge, le conducteur […] doit immobiliser son véhicule » (Code de la sécurité routière, alinéa 359)

De toutes les universités québécoises, les montréalaises étaient de loin les plus précautionneuses, et ce, dès le début de la session. Bien que Montréal et Québec ne sont passées en zone rouge qu’au début octobre, la majorité des programmes de l’UdeM se faisait entièrement à distance : « tout est à distance et on n’a plus rien à voir avec l’Université », racontent Violette Le Clair et Capucine Thévenin, deux étudiantes en science politique à l’UdeM. Venues de Paris faire leurs études à Montréal, ni l’une ni l’autre n’a encore mis les pieds sur le campus depuis leur arrivée en septembre dernier.

«Je trouve que c’est hyper difficile d’avoir perdu tout le contact social de l’université. Ça endommage le principe même de nos études.»

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Ici encore, le confinement rend les études plus difficiles pour le moral : « moi je trouve que c’est hyper difficile d’avoir perdu tout le contact social de l’université. Ça endommage le principe même de nos études. », estime Violette. En revanche, Capucine voit un bénéfice aux études à distance : « psychologiquement c’est pas facile, […] mais au niveau scolaire, moi je préfère. Ça demande plus d’autonomie et d’organisation, mais une fois que j’ai réussi à bien m’organiser, je trouve que [je performe] mieux. »

Bien qu’elles considèrent l’expérience assez éprouvante pour la santé mentale, Violette et Capucine disent reconnaître que l’administration et les professeurs ont fait beaucoup d’efforts pour se faire accommodant : « les profs sont trop gentils, trop attentionnés, hyper compréhensifs », commence Capucine; « ils sont toujours à nous envoyer des messages de soutien en nous disant “bon courage!”, “on sait que c’est pas facile”, etc. », complète Violette.

Malgré la zone rouge et le confinement, les deux ne se voyaient pas rester en France pour cette session. « Que je fasse mes cours toute seule en France ou ici dans une coloc avec du monde, je trouve cela plus sympa [d’être ici] », avoue Violette en souriant. Sans trop de surprises, elles passent une grande partie de leur temps libre à marcher, ce qui leur permet de découvrir Montréal sous un autre œil. Pas de bar, pas de café, pas de restaurant, les baladeuses se tournent vers les grands espaces verts de la ville comme le Mont-Royal.

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Elles ne sont d’ailleurs pas les seules. De toutes les étudiants et étudiantes en zone rouge que je connais, presque tous et toutes se sont tournés vers les balades et les parcs. Comme si, dans l’espoir d’un retour rapide à la zone verte, on se tournait vers les espaces verts.

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