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crédit Philip Hatzis

Repousser ses limites avant même de les connaître

Pourquoi tant de débutant.e.s visent le Ironman?

Par
India Lafond
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L’autre jour, en plein entraînement de natation, j’ai lancé un truc un peu fou à un triathlonien expérimenté :

— J’ai envie de faire un demi-Ironman, l’an prochain.

Son regard? Un mélange de surprise et d’un brin de scepticisme.

— Tu fais du triathlon, en ce moment?

— Euh… non.

— Alors, pourquoi viser un demi-Ironman tout de suite? C’est comme vouloir grimper l’Everest comme première montagne en te lançant dans l’alpinisme.

Ouch.

Mais il n’avait pas tort. Faire un demi-Ironman sans jamais avoir enfourché un vélo de route, courir un marathon sans même avoir testé un 10 km, sauter directement dans l’ultra-trail sans jamais avoir couru en sentier, ça arrive de plus en plus. Mais pourquoi?

Je ne suis pas là pour juger (après tout, je fais clairement partie de la gang), mais je voulais comprendre d’où provient cette envie soudaine de se dépasser. Alors, j’ai creusé la question avec ceux qui osent et ceux qui les observent.

L’appel du Grand Défi

— Quand tu penses au Ironman, à quoi penses-tu?

— L’impossible. Ou le défi physique le plus intense.

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Voilà la réponse que me donne James, un entraîneur de CrossFit de 20 ans.

Pour notre entretien, James m’accueille dans son salon. C’est un gars humble qui parle avec les yeux brillants d’enthousiasme. Celui-ci m’explique avoir couru son premier semi-marathon l’été dernier après avoir été encouragé à le faire par des amis.

« Je me suis inscrit au semi-marathon deux semaines avant. Le lendemain de mon inscription, j’ai couru un 10 km. Puis un 5 km. Un autre 10, et j’ai fait mon semi. »

Quelques mois plus tard, il devenait officiellement marathonien. Et maintenant? Il vise son tout premier triathlon : un demi-Ironman qui aura lieu en ce mois de juin.

Un détail : il n’a jamais nagé ni pédalé sérieusement auparavant.

« J’ai juste le goût de découvrir. »

Mais la motivation ne provient pas toujours de la simple envie de relever un défi. Chacun a son parcours et sa raison de vouloir se dépasser. Et je n’avais pas la moindre idée que mon entrevue avec James allait prendre cette direction-là.

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« Ma mère a eu un cancer du stade 4. Malgré les traitements, son humeur n’a jamais été affectée. Mon but, c’est de montrer à ma mère que je ne suis pas assis sur le divan. Que je suis capable de faire ces choses-là. »

Silence. Je vous avoue qu’à cet instant bien précis de notre discussion, j’avais le motton.

Une quête de soi

Mais pourquoi tant de gens se lancent-ils de tels défis? J’ai posé la question à Bruno Ouellet, psychologue sportif.

« Ces défis-là, c’est une manière de se forger une identité. Des fois, tu te pousses. Des fois, tu te pousses trop. Pis c’est pas grave. Des fois, tu te blesses. Ça fait partie de la game. Moi, j’appelle ça “le grand voyage”. »

Puis, il enchaîne : « Ce n’est pas la vie ou la mort, ces aventures-là. Si tu l’abordes comme ça, le risque n’est pas si grand. »

Sans le savoir, James est venu mettre un gros check sur la théorie de Bruno : « J’ai l’impression d’être comme un enfant qui teste ses limites. Je vois ce qui fait mal et ce qui ne fait pas mal. »

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L’influence des réseaux sociaux

Bien entendu, Instagram, Strava et TikTok jouent un rôle immense dans cette folie du dépassement de soi. Face à ce constat, une question s’impose : est-ce une bonne ou une mauvaise influence?

« Les réseaux sociaux mettent la barre tellement haute que tu peux avoir l’impression que ce n’est pas pour toi. Mais, à l’inverse, tu vois aussi des gens ordinaires accomplir des trucs incroyables. Et ça, ça peut être inspirant », m’explique Bruno.

Il me parle aussi du « Y horizontal ». Le concept, c’est que derrière chaque décision, il y a une branche qui descend vers l’ego, soit là où il y a quelque chose que l’on cherche à prouver aux autres. Puis, il y a une autre branche monte vers le haut : la maîtrise personnelle.

« Il s’agit du mastery : je le fais parce que j’en ai envie et parce que j’aime ça. Finalement, la motivation se situe davantage dans une perspective d’apprentissage et d’expérience. »

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Ainsi, j’ai compris que l’influence des réseaux sociaux pouvait être positive, mais qu’il fallait que ça vienne de la bonne place.

Et la dopamine dans tout ça?

Peut-on devenir à cette satisfaction que l’on éprouve suite à un entraînement particulièrement éprouvant? La réponse est oui.

Oh que oui.

Pourquoi? Parce que chaque défi relevé, chaque ligne d’arrivée franchie, c’est comme une médaille invisible qui relâche en nous un véritable rush de dopamine. Et une fois qu’on a fait l’expérience de cette sensation, difficile de s’en passer.

« La dopamine, c’est un neurotransmetteur qui agit un peu comme une récompense. Quand tu fais quelque chose que t’aimes, quand tu atteins un objectif, t’éprouves un sentiment de satisfaction. Ce sentiment-là, si tu le revis encore et encore, ça te donnera le goût de recommencer dès le lendemain », m’explique Bruno.

C’est à ce moment que j’ai un déclic : pour plusieurs, carburer à l’intensité, c’est un mode de vie. C’est comme un cycle où chaque nouveau défi qui se présente alimente le suivant.

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La folie nécessaire

Rêver grand, c’est excitant. Mais entre l’audace et la folie, la frontière est aussi mince qu’un fil de fer.

Au terme de ma petite enquête, je réalise que le fait de se lancer dans de tels défis est beaucoup plus qu’une simple mode ayant pris d’assaut les réseaux sociaux. En fait, c’est un miroir de notre société qui carbure au dépassement de soi et en exige toujours plus.

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Certains peuvent y voir une prise de risque excessive tandis que d’autres pourraient y voir un véritable moteur de motivation. Dans tous les cas, une chose est sûre : repousser ses limites, c’est aussi apprendre à se découvrir soi-même.

En guise de conclusion, je vous laisse sur cette phrase de Bruno qui m’a particulièrement marquée : « Si on n’arrête pas de dire aux gens de faire juste des choses réalistes, la vie risque d’être plate. Ça prend des fous pour réinventer le monde. Ça prend des gens qui font des choses un peu incroyables. »

Alors, why not?

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