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Replonger dans les vagues de la côte est américaine, vingt mois plus tard
Habituellement, le changement de couleurs des feuilles et le temps frais génèrent une certaine excitation pour les surfeurs et surfeuses de la province, puisqu’ils sont synonymes de la saison des ouragans, un moment de prédilection pour profiter des belles vagues qu’offre la côte est des États-Unis.
Mais pendant près de deux ans, les adeptes de la planche ont été confiné.e.s aux limites de leurs frontières provinciales et nationales pour chasser la houle, frustré.e.s de ne pas pouvoir rider des restants de tempêtes automnales entre deux bouchés de lobster roll hors de prix.
Heureusement pour eux et elles, les frontières entre nos deux pays ont finalement rouvert le 8 novembre dernier, leur permettant de profiter des dernières journées encore assez clémentes pour surfer avant que l’hiver ne vienne enserrer la grève de son étau glacé.
Faire avec les moyens du Nord
« J’ai tellement hâte! » À la veille de son départ pour le Maine, Renaud d’Amours est extatique de retrouver Higgins Beach, son « spot de plage » depuis qu’il est enfant. « Quand j’étais petit, je faisais surtout du boogie board et je jouais dans les vagues avec ma famille. C’est vraiment plus depuis une dizaine d’années que j’ai commencé à y retourner pour faire du surf », explique le Québécois.
«Le Maine s’est transformé en genre de QG pendant la saison des ouragans, où mes amis et moi nous réunissions le temps d’un weekend pour profiter du swell.»
Après un camp de surf au Nicaragua, Renaud a eu la piqûre pour ce sport. Il s’est alors mis à fréquenter la vague à Guy et l’Habitat 67, deux endroits reconnus pour le surf de rivière à Montréal, et à voyager outremer pour pratiquer sa nouvelle passion. « Le Maine s’est transformé en genre de QG pendant la saison des ouragans, où mes amis et moi nous réunissions le temps d’un weekend pour profiter du swell. »
Il va sans dire que la fermeture des frontières en 2020 a donc été reçue comme un gros bouillon salé dans le nez par le surfeur local. « Je me suis tout de même reviré de bord et j’ai trouvé des solutions, comme un voyage à Tofino dans l’Ouest canadien et plusieurs sessions à l’Habitat 67. Mais ce n’était clairement pas aussi jouissif qu’un roadtrip dans le Maine entre chums », confie Renaud.
D’ailleurs, à la manière de pas mal tous les sports de plein air, il a vu une nette augmentation dans l’achalandage à l’Habitat 67 et à la vague à Guy au cours des vingt derniers mois. « Un samedi ensoleillé d’été, ça pouvait prendre presque une heure avant de sauter sur la vague. Je ne dirais pas que c’est uniquement à cause du nombre de monde, mais disons que ça m’a pas mal moins donné le goût de surfer cette année », avoue Renaud, qui a trouvé d’autres sports comme le basket et l’escalade pour passer le temps. « Je suis assez énervé de faire la route à travers les White Mountains! Je me suis ennuyé! »
À environ 500 kilomètres de là, Pier-Luc Maltais prend une pause entre deux sessions de surf à Jenness Beach dans le New Hampshire pour l’entrevue. « Ce matin, les vagues étaient un peu petites, mais c’était bien le fun! J’attends de voir si j’y retourne cet après-midi », explique Pier-Luc en direct de son auto, avec vue sur la mer. « Quelques personnes du coin sont venues me voir lorsqu’elles ont aperçu ma plaque du Québec pour me dire qu’elles s’étaient ennuyées d’entendre parler français! », confie le jeune homme qui n’avait pas croisé d’autres Québécois.es au moment de l’appel.
«Quelques personnes du coin sont venues me voir lorsqu’elles ont aperçu ma plaque du Québec pour me dire qu’elles s’étaient ennuyées d’entendre parler français!»
Lorsqu’il a appris la date de réouverture des frontières avec le pays de Joe Biden, le travailleur autonome en sécurité informatique n’a pas perdu de temps pour organiser une escapade de quelques jours chez nos voisins du Sud. « On est parti mardi, puisqu’on se disait que lundi, ça serait la pagaille aux douanes. On était un peu stressé avec toutes les mesures à suivre pour l’aller et le retour, mais finalement, le douanier était super relaxe et on est passé rapidement », confie Pier-Luc, qui a même déjà trouvé une clinique afin d’effectuer son test de dépistage pour le retour au Québec prévu dimanche.
« Ça fait environ trois ans que je surfe plus sérieusement, poursuit-il. Vu que ma job me permet de travailler à distance, je me suis installé à Magog en Estrie au début de la pandémie, en partie pour être plus près des lignes et aller surfer plus facilement. Mettons que j’avais hâte que ça rouvre! »
Une autre question qui tracassait l’esprit du surfeur amateur concernait l’acceptation des surfeurs locaux à la vue d’un Québécois dans l’eau. « Des fois, on sent qu’on gosse un peu les personnes de la place parce qu’on vient “voler” leurs vagues, mais je n’ai pas senti d’animosité de leur part. Au contraire, je me sentais bien accueilli! », se réjouit-il.
« Surf shop recherche Québécois.E avec good vibes »
Quiconque a déjà foulé le sable de Jenness Beach a jeté un œil au Summer Sessions, un surf shop avec pignon sur rue juste en face de la plage qui accueille les nombreux surfeurs et touristes.
Alexandra Lachance, une Québécoise qui a troqué le bitume montréalais pour l’air salin afin de suivre son mari Ryan McGill, copropriétaire du Summer Sessions, ne le cache pas : elle s’ennuyait pas à peu près d’entendre des client.e.s s’exprimer dans la langue de Falardeau. « Je suis responsable du café et de tout l’équipement du côté femme à la boutique, donc j’entends très souvent des gens parler français en temps normal. Mais là, ça faisait presque deux ans que je n’avais pas eu de discussion dans ma langue natale en personne, donc quand deux clients du Québec sont arrivés mardi matin, je me suis garrochée pour leur parler », raconte Alexandra au bout du fil.
L’été 2020 était rempli de questionnements pour les entrepreneurs derrière le Summer Sessions, notamment par rapport à l’ampleur du vide qu’allait laisser le manque de touristes du Nord pour la business. « Du côté café, j’estime qu’environ la moitié de mes clients sont canadiens pendant la saison estivale et ça monte à environ 25-30 % pour le surf shop, ce qui est quand même non négligeable. Donc on avait peur que ça paraisse dans nos finances », explique Alexandra.
«Du côté café, j’estime qu’environ la moitié de mes clients sont canadiens pendant la saison estivale et ça monte à environ 25-30 % pour le surf shop, ce qui est quand même non négligeable. Donc on avait peur que ça paraisse dans nos finances»
Mais, tout comme ici, les Américain.e.s des « quatre coins du pays » se sont rués sur les activités de plein air, ce qui est venu combler le manque de touristes de l’autre côté de la frontière, selon Alexandra. « On aurait dit que tout le monde s’est mis à surfer! Nos ventes d’équipement de surf ont même été meilleures que d’autres années, étonnamment », explique l’entrepreneure, qui avoue cependant avoir beaucoup moins vendu de bagels au sésame et de lattes, deux items du menu spécialement prisés par ses confrères et consoeurs de la Belle Province.
Si la saison 2020 a finalement été faste pour le Summer Sessions, la saison 2021 fut un peu plus ardue. « Avec la vaccination et l’allègement des mesures, la vie normale a tranquillement repris son cours et les gens ont délaissé un peu plus le surf pour retourner jouer au baseball, au basket ou dans les camps de vacances pour les jeunes. On est donc bien heureux de retrouver nos amis du Québec avec des good vibes pour la fin de la saison! », ajoute Ryan McGill avec entrain.
Au moment d’écrire ces lignes, Alexandra, Ryan et leur bambin Noa organisaient un voyage vers des cieux plus tropicaux au Nicaragua afin de « décrocher et surfer » pendant la saison morte. « On fait tout le temps un voyage en hiver et on s’est dit que ça serait une belle destination avec un bébé. Mais j’ai quand même hâte de pouvoir traverser les douanes en auto comme dans le bon vieux temps pour aller voir ma famille », avoue Alexandra.
Si la saison des ouragans tire à sa fin et que les pentes enneigées remplaceront bientôt les vagues mouvementées de l’océan pour les adeptes de glisse, une chose est sûre : il risque d’y avoir de fortes averses de Québécois.es sur la côte est à l’automne 2022.