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Repenser les 5 à 8 de demain à l’UdeS

Trois pistes de réflexion à considérer pour le retour des festivités.

Par
Thomas Chenel
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Quiconque a étudié ne serait-ce qu’une session à l’Université de Sherbrooke avant 2020 a déjà entendu parler des 5 à 8 hebdomadaires du jeudi. Ces événements où se mêlent franche camaraderie, alcool à profusion et musique forte ont longtemps été au centre de la vie étudiante sherbrookoise, au grand plaisir des propriétaires de bars et au désarroi du voisinage du quartier universitaire. C’est une tradition qui s’est renforcée sur le campus pendant des années, au point où la plupart des facultés ont développé leurs propres rituels et habitudes.

Chaque jeudi, de 17 h à 20 h (à l’exception de l’occasionnel 5 à 11, un événement à ne surtout pas manquer), la musique électronique et les shooters de fort animent la côte de la Faculté d’administration (quand la météo le permet), on peut entendre Cœur de Loup retentir de la Faculté de génie, et l’ambiance peine à lever dans le sous-sol défraîchi de la Faculté des sciences humaines. Ça a toujours été comme ça. Mais ça, c’était avant la pandémie.

Alors qu’on attend toujours leur retour, pourquoi ne pas profiter de la pause forcée pour réviser certains de ces rituels et les ramener au goût du jour?

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Évidemment, chaque université du Québec a vu sa vie étudiante se volatiliser au début de l’année 2020, mais dans le cas de l’UdeS, la perte des 5 à 8 était particulièrement significative. Alors qu’on attend toujours leur retour, pourquoi ne pas profiter de la pause forcée pour réviser certains de ces rituels et les ramener au goût du jour? Qu’est-ce qui pourrait être amélioré pour offrir une expérience plus sécuritaire, plaisante et inclusive à la communauté étudiante actuelle et future de l’UdeS?

J’ai eu beaucoup de plaisir à ces débuts de soirée arrosés en trois ans de bacc, et je considère à ce jour qu’ils ont été parmi les éléments les plus mémorables de mon parcours universitaire. Par contre, j’y ai aussi été témoin de comportements inacceptables et d’opportunités manquées. Je me suis vite rendu compte, en sondant la communauté étudiante, que je n’étais pas le seul.

Une meilleure offre sans alcool pour un party plus inclusif

« Pendant le confinement, j’ai beaucoup réfléchi à ma consommation d’alcool et à son impact sur ma santé mentale, et je suis certaine que je ne suis pas la seule », me lance d’emblée une ancienne étudiante en communication qui préfère rester anonyme.

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« Je pense que ce serait important que ceux et celles qui, comme moi, préfèrent limiter leur consommation d’alcool aient quand même accès à une sélection de breuvages intéressante. Par exemple, beaucoup de bières et de prêts-à-boire sans alcool ont été mis sur le marché ces dernières années. Ce serait déjà plus tentant que de devoir traîner sa gourde d’eau, et surtout plus festif. Pourquoi pas des mocktails, tant qu’à y être! »

On ne se le cachera pas, la consommation d’alcool est au cœur de ce que sont les 5 à 8, et on ne parle pas ici de déguster un verre de pinot noir en prenant le temps d’apprécier la robe et de déceler les arômes. La bière est pas chère, le fort non plus, bref, le but est de boire autant que possible avant la fin de l’événement pour bon nombre de participant.e.s. Puisque l’alcool vendu sert directement à financer les projets des associations étudiantes, on se dit qu’on le fait pour une bonne cause!

«Je me sentirais déjà plus à ma place, et je pourrais encourager mon association étudiante en contribuant financièrement.»

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Toutefois, cette culture de l’alcool omniprésente peut rendre l’événement difficile à apprécier pour quelqu’un qui ne boit pas. « Quand mes ami.e.s vont faire la file au bar, j’ai le choix entre me retrouver toute seule ou les suivre pour ne rien acheter. Ça me ferait plaisir de pouvoir les suivre pour m’acheter une eau pétillante ou une bière sans alcool, je me sentirais déjà plus à ma place, et je pourrais encourager mon association étudiante en contribuant financièrement. »

Évidemment, on tient à préciser qu’on ne parle pas ici d’abolir l’alcool, de baisser la musique et de forcer le corps étudiant à se choisir un jeu de société. Le party peut continuer avec autant d’ardeur, mais ce serait bien d’offrir autre chose que de l’alcool au bar, tout simplement. L’ex-étudiante pense que ce serait bénéfique tant pour les personnes qui s’abstiennent de boire que pour celles qui tentent de gérer un problème d’alcool, sans oublier le fait que ça donne la possibilité à tout le monde d’alterner entre boissons alcoolisées et non alcoolisées, permettant ainsi à qui le veut de maintenir une alcoolémie raisonnable.

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Une sélection musicale plus diversifiée en génie

Léo est finissant au baccalauréat en génie mécanique de jour, et DJ de soir. Pour lui, la sélection musicale des 5 à 8 de génie, statique depuis plusieurs années, mériterait d’être mise à jour. On y entend les mêmes chansons chaque jeudi depuis qu’il est entré au bacc : « Ce serait vraiment l’fun de diversifier la musique, mais c’est pas facile à faire en génie. C’est comme changer la culture de la faculté, qui est déjà bien établie. »

En effet, la playlist du 5 à 8 fait partie intégrante de la culture étudiante en génie : le célèbre hit Cœur de Loup de l’artiste belge Philippe Lafontaine a une danse en ligne qui lui est dédiée, exécutée systématiquement par la foule chaque 5 à 8. Sans oublier que les paroles de Marine Marchande des Cowboys Fringants sont, sans équivoque, connues de tous et toutes et que le refrain vient inévitablement à être chanté à tue-tête à tout coup. Pour Léo, ça commence à être un brin redondant.

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Il faut d’ailleurs savoir qu’avant la pandémie, la Faculté de génie était de loin la plus populaire lorsque venait le temps de choisir sa destination du jeudi. Quand la température permettait un événement extérieur, c’est là qu’on trouvait la plus grosse foule à tout coup, surtout vers la fin de la soirée. « On s’en va en génie », voilà une phrase forcément prononcée vers 18 h 30, 19 h. Le phénomène migratoire pouvait être franchement impressionnant à voir. Les étudiant.e.s en génie n’étaient donc pas les seul.e.s à pratiquer ces rituels : la culture de la faculté s’est propagée partout sur le campus. Essayer de changer la musique en génie, c’est donc un peu comme aller à l’encontre d’une vieille tradition, c’est pas évident.

« Je pense aussi que ça pourrait être une bonne idée d’incorporer plus de musique live aux 5 à 8. Offrir une vitrine aux musicien.ne.s et aux DJ issu.e.s de la communauté étudiante, ou sherbrookoise en général. C’est sûr qu’on ne pourrait pas leur offrir une super rémunération, mais si certain.e.s sont partant.e.s, pourquoi pas? » Qui sait, peut-être que Léo aura un rôle à jouer dans la sélection musicale au retour des 5 à 8!

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Éradiquer le harcèlement : la responsabilité de chacun.e

La vague de dénonciations visant les inconduites sexuelles qui a touché le Québec à l’été 2020 a poussé beaucoup de monde à l’introspection. Est-ce que ça va se traduire dans le comportement des étudiant.e.s au retour des 5 à 8? Julie (nom fictif), ancienne étudiante, espère que oui. « Je ne pourrais pas compter sur mes doigts le nombre de fois que j’ai entendu des commentaires dégradants ou que j’ai été témoin de harcèlement, que ce soit à mon égard ou à celui d’autres femmes dans les 5 à 8 pré-pandémie. »

«On veut un retour des 5 à 8 qui soit festif et sécuritaire pour tout le monde.»

Évidemment, le harcèlement sexuel ne se limite pas aux partys étudiants, mais disons que certains facteurs facilitateurs en font des environnements potentiellement problématiques. L’alcool, l’excitation, la soif de nouvelles rencontres, la musique et la frénésie chaotique ambiante contribuent à créer un contexte propice aux débordements. Le changement ne peut s’opérer que par une entente collective à ne plus tolérer ces comportements : ceux-ci doivent être dénoncés, une éducation par les pairs doit être propagée, et l’acceptation passive doit cesser.

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Julie demeure optimiste face au retour des 5 à 8 : « Je pense qu’il y a eu une certaine prise de conscience au sein de la communauté étudiante ces dernières années, alors j’ose croire que les gens seront plus éduqués à ce sujet. J’espère juste que les bottines suivront les babines et que les comportements reflèteront ce changement de perspective. On veut un retour des 5 à 8 qui soit festif et sécuritaire pour tout le monde. »

Au final, on prend le temps de repenser certains aspects des 5 à 8 parce qu’ils sont importants. Ils unissent les étudiant.e.s des différentes facultés, sont un moteur de belles rencontres et de moments mémorables, et sont uniques à l’UdeS. Après les deux années qu’on vient de passer, on a cruellement besoin de ravoir des événements rassembleurs sur le campus. Cette fois, assurons-nous simplement que tout le monde puisse y avoir du plaisir.