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Rentrée universitaire : à quoi s’attendre, une fois les vapeurs d’alcool dissipées?

Souvenirs d’un parcours universitaire, adressés tant aux néophytes qu’aux nostalgiques

Par
Joëlle Basque
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J’aime l’université. Je l’aime tellement que j’y suis encore à faire de la recherche, à 34 ans, un doctorat et deux postdocs plus tard. Même si l’académie est devenue ma job, ça ne m’empêche pas de me souvenir de la fébrilité de la rentrée, du temps où j’étais encore étudiante. Ça doit être parce que je suis aux premières loges pour voir les initiations de près et apprécier le spectacle de jeunes un peu saouls qui hurlent des slogans grivois dans la cafétéria pendant plusieurs jours (et eyeroller pas mal fort lorsque je perçois des relents de misogynie dans ces slogans qui ne semblent pas avoir changés depuis 30 ans). Que voulez-vous, je trouve ça cute, les nouveaux étudiants qui portent leur linge neuf de la rentrée, même si ce n’est pas encore la bonne température #beentheredonethat #unclassique #quoiquecetteanneeyfaisaitpasmalfrette.

Une des plus belles périodes de notre vie.

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Je pige donc dans mes souvenirs pour préparer les jeunes sorciers encore en train de découvrir les dédales des pavillons quasi vétustes et labyrinthiques dignes de Poudlard (cc Jay du Temple) de nos belles universités québécoises. Mais aussi pour égayer les jeunes professionnel.le.s qui regrettent cette époque bénie où leur plus grande préoccupation était de se monter un horaire avec pas trop de cours le matin et de repérer le-la plus joli.e gars/fille dans chacun de leurs cours. Car malgré les moments de doutes où on se demande comment se démarquer dans cette horde de petits génies beaucoup trop motivés pour nous, les moments de désespoir quand on se tape une autre interminable soirée d’étude, les moments de crainte où on est terrifié à l’idée de faire une présentation sur un sujet qu’on a l’impression de maîtriser fuckall, le cliché est vrai, ça demeure quand même une des plus belles périodes de notre vie.

Le meilleur du pire du corps professoral

Les profs les plus marquants que j’ai eus étaient exigeants et inspirants, entre le chargé de cours trop séduisant pour son propre bien (et pour mon niveau d’attention dans le cours), et le prof blasé et trop imbu de lui-même pour se rendre compte que ses références culturelles étaient passées date de deux décennies au moins. Ça restera toujours mieux que celui qui avait avoué candidement avoir préparé son cours sur Wikipédia, ce que j’avais pu confirmer avec horreur en ouvrant mon ordinateur. Je vous souhaite plutôt d’avoir le ou la prof qui vous mindblown avec son savoir scientifique hallucinant dès qu’il.elle ouvre la bouche, ou alors avec sa façon de parler de penseurs dont la lecture des textes ne vous permettra plus jamais de voir le monde de la même manière (allô Foucault, de Beauvoir, Harendt, Derrida, Heidegger et les autres!).

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Les estifi de travaux d’équipe

Je vous souhaite de trouver des bons partenaires pour vos travaux d’équipes, pas comme ce gars qui m’avait crié dessus en pleine cafétéria parce que j’avais (sans le vouloir) révélé sa fainéantise au grand jour lors de notre rencontre avec la prof. Ou cette fille qui était arrivée une heure en retard à notre rencontre d’équipe un dimanche (après-midi!), sans remords aucun, car elle avait trop fêté la veille. La coéquipière dont vous avez besoin, c’est la fille qui ne va pas hésiter à faire une nuit blanche et peut-être même prendre des Wake-Ups aller courir dehors à -20 pour pouvoir rester éveillée et remettre le travail de mi-session à temps, celui qui vous vaudra la meilleure note de la classe. Ça prend des compagnons d’équipe qui deviennent vos amis, avec lesquels vous passez des soirées au Dieu du ciel! ou au Sainte-Élisabeth à rigoler et argumenter autour d’une bonne bière, et dont vous vous souviendrez encore des fous rires de fatigue de fin de session 15 ans plus tard.

Je vous souhaite des partys mémorables, des rencontres et des histoires d’amour excitantes, et plein de découvertes érotiques.

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Idéalement ne pas être la cruise de consolation

Je vous souhaite des partys mémorables, des rencontres et des histoires d’amour excitantes, et plein de découvertes érotiques (et consentantes). Je vous souhaite de ne pas être la cruise de consolation comme je l’ai été, quand je suis allée au centre sportif de l’université avec mes amies Beauté fatale et Plantureuse. Ces deux-là étant déjà en couple, c’est sur moi que se rabattaient les habitués du gym en quête de séduction, dont des jumeaux sosies de Marc Arcand qui se gonflaient les muscles à toute heure du jour. J’y ai peut-être pas trouvé l’homme de ma vie, mais j’ai beaucoup ri, souvent un peu jaune. Aucune séquelle, à part le fait que je me tiens désormais loin des salles de sports.

Refaire le monde, juste un peu

Je vous souhaite des camarades de classe un peu baveux qui critiquent les idées reçues, qui posent des questions pertinentes, qui rehaussent le niveau de la discussion. Je vous souhaite de vivre des moments historiques, qui vous permettront de confronter vos idées, de forger votre esprit critique et d’affirmer votre pensée politique. Mais je vous souhaite des moments idéalement pas aussi inquiétants que les attentats du 11 septembre (que j’ai vécu lors de ma première année à l’université) ou une guerre provoquée par l’«Ogre orange» (que j’ai peur de vivre en ce moment). Mettons plus comme des causes ou des événements qui vous prendront aux tripes et vous donneront des bonnes raisons de descendre dans la rue manifester, pour vous donner non seulement le sentiment mais la capacité, pendant un moment, de vraiment refaire le monde.

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L’université, ce n’est pas juste le moment où on se prépare pour notre job de rêve, quelle qu’elle soit. C’est le moment où on emmagasine assez de fun pour survivre à la vie professionnelle. Et où on apprend à devenir un meilleur humain. Un humain qui pense. Une humaine qui crée. Un humain qui bâtit un monde plus beau. Pas juste pour lui ou elle. Pour les autres, aussi.

Pour lire un autre texte de Joëlle Basque : «La ville de la semaine: Shippagan»

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