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Redorer le blason de l’industrie minière

L'environnement au coeur des priorités de la restauration minière.

Par
Simon Taurines
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Janvier 2017. Je débarque sur le tarmac de l’aéroport de Rouyn-Noranda. Il fait -40°C et je suis en train de me demander ce que je fais ici, moi le Toulousain du sud-ouest de la France. À ce moment-là, j’ai l’air d’un naufragé. Je viens de laisser ma vie, ma famille, mes amis pour un aller simple vers le Québec. Mais pas n’importe où au Québec, en Abitibi-Témiscamingue. Pourquoi en suis-je arrivé à faire ce voyage de l’autre côté de l’Atlantique? Tout simplement par amour pour l’écologie et l’environnement.

Dans quelques jours, j’entamerai une maîtrise en écologie à l’UQAT, avec comme sujet la restauration écologique d’une mine d’or. Il fait froid, j’entre dans l’aéroport et une chaleur m’envahit. Non pas celle des calorifères de l’aéroport, mais la chaleur de l’Abitibi, celle des humains qui la peuplent. Je ne connais personne ici, mais un comité d’accueil m’attend dans le hall d’entrée.

Je monte dans la voiture et nous prenons la direction de l’UQAT. Au croisement de la 117 et du boulevard de l’Université, je vois la silhouette du bâtiment se dessiner. Certains vous diront que l’architecture rappelle celle d’un bateau. Ce qui est sûr, c’est qu’aujourd’hui, je n’ai plus l’air d’un naufragé.

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L’IRME : un institut de recherche dans une région isolée avec une ambition internationale

Je mets les pieds pour la première fois à l’Institut de recherche en mines et environnement (IRME), un des bâtiments phares de l’UQAT. Un département jeune, audacieux, ambitieux, mais surtout humain. Actuellement, ce département de l’université est un des fleurons de la restauration minière au Canada. Il doit cette réussite aux acteurs humains de ce département, à une conjoncture mondiale favorable et à un partenariat industriel unique avec les compagnies minières de la région.

Je savais à peine dans quoi je m’embarquais. Tout fraîchement diplômé d’un bac en écologie, je découvrais le monde des mines et les problématiques sociales et environnementales qui l’entourent.

Les mines, c’est un monde sous terre, qui souffre d’une réputation sulfureuse. Mais en 2020, il y en a eu du chemin de fait, même s’il en reste encore gros à parcourir.

Les mines, c’est un monde sous terre, qui souffre d’une réputation sulfureuse.

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On peut critiquer, mais dans les faits, on n’a pas vraiment le choix d’extraire nos ressources naturelles souterraines. Nos téléphones intelligents et nos ordinateurs sont remplis de métaux. Les outils de notre quotidien ont besoin de ressources minières pour fonctionner. Même la transition énergétique a besoin de métaux, les voitures électriques et leurs batteries au lithium en sont l’exemple.

On peut toutefois travailler à améliorer les méthodes d’extraction ou de restauration des mines. Au Québec, on est reconnu pour le faire de manière responsable, sur le plan humain, comme environnemental.

La preuve en est avec l’IRME qui développe chaque jour de nouvelles solutions pour compenser, réduire, réparer, améliorer, optimiser le fonctionnement du secteur minier et ses impacts sociaux ou environnementaux.

Des étudiants qui changent le monde

Parmi les exemples de projets étudiants réalisés à l’IRME, on peut citer celui de William Fresser, récemment diplômé de la maîtrise en génie minéral. Il a étudié le phénomène d’érosion éolienne et a évalué le déplacement de poussières dans les aires d’entreposage de résidus miniers de quatre sites partenaires, se situant en Abitibi et en Baie-James. Sa recherche a permis d’estimer la quantité de matière sortant des parcs à résidus pendant des événements de vents puissants.

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À la suite de ses travaux, l’une des mines a approfondi cette thématique et est actuellement en train d’intégrer des solutions de contrôle de l’érosion éolienne dans la gestion de ses résidus miniers. William a peut-être évité un déplacement important de contaminants dans la nature, empêchant une contamination de tout le réseau alimentaire de l’écosystème et du gibier chassé par les communautés autour de la mine.

William a peut-être évité un déplacement important de contaminants dans la nature, empêchant une contamination de tout le réseau alimentaire de l’écosystème et du gibier chassé par les communautés autour de la mine.

Chloé Larochelle, une étudiante au doctorat en génie minéral, a étudié comment un recouvrement multicouche en sol pouvait améliorer la restauration d’un site minier de la région. À l’aide d’une technique de restauration novatrice résultant de ses recherches, la mine pourrait économiser sur les coûts de restauration tout en réduisant grandement son empreinte environnementale.

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Alban Duvernois, étudiant à la maîtrise en génie mécanique, est en train de développer une méthodologie de prédictions des risques environnementaux dans les phases d’exploration minières. Il tente d’identifier les sources de risques environnementaux et d’établir un modèle géoenvironnemental, pour permettre aux compagnies de faire une gestion intégrée des futurs rejets et eaux minières, avant même de lancer les opérations d’exploitation. Ces travaux ont pour objectif de permettre une gestion plus efficace des rejets, de réduire leurs impacts et les coûts associés à leur stockage et à la restauration des sites miniers.

Au cœur du changement

En 2019, les Nations Unies ont défini la période 2021-2030 comme décennie pour la restauration des écosystèmes. C’est aujourd’hui le levier principal pour la lutte contre les changements climatiques globaux. Je m’applique donc depuis le début de ma maîtrise à l’UQAT à évaluer l’utilisation de matériaux comme le BRF (bois raméal fragmenté) pour reconstruire les sols organiques après fermeture des mines et ainsi aider la forêt à recoloniser ces sites perturbés.

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Aujourd’hui, je mets l’accent de mes recherches sur la croissance et la survie de plantules d’arbres établies sur des résidus miniers. L’objectif à long terme c’est le retour complet de l’écosystème boréal. Mon rêve c’est que dans 25 ans quelqu’un qui passe sur un site minier en Abitibi ne puisse pas dire à première vue : « ici, il y avait une mine ».

L’IRME, c’est une véritable mine d’or du savoir!

Cette myriade de sujets d’étude fait en sorte que personne n’a le même domaine qu’un autre, ce qui limite la compétition et renforce les liens entre les individus autour d’un objectif commun : celui de faire avancer la science et le monde des mines de demain.

Si l’IRME fonctionne bien, c’est aussi parce qu’il y a autour de ces relations entre les enseignants et les étudiants, un ensemble de personnes qui facilite ces interactions. Ce sont les mains derrière ces travaux de recherche, ceux qui n’ont jamais – ou alors très rarement – leur nom crédité sur les papiers scientifiques.

Si je me demandais ce que je faisais ici à -40 sur le tarmac en Abitibi un jour de janvier 2017, j’ai vite réalisé que l’UQAT et l’IRME c’est ce dont je rêvais pour finir mes études.

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Yvan Poirier et Alain Perreault, tous les deux techniciens à l’URSTM (unité technique de l’Université, principal prestataire technique de l’IRME) en ont vu passer des étudiants. Les deux se connaissent depuis la petite enfance. Ils sont de la région. Autour d’une bière, l’été, on a souvent jasé de ce qu’était Rouyn avant, son évolution, celle des mines en région, du secteur industriel.

Avec le temps, ils sont devenus des amis des étudiants, certains partent même chasser avec eux. Je cite Yvan et Alain parce qu’ils prennent plus de place, mais ils sont 21 à nous motiver, à nous accompagner à 5h du matin sur les sites miniers pour nous aider à réaliser nos expériences, à nous soutenir et parfois à essuyer nos caprices ou nos erreurs.

Si je me demandais ce que je faisais ici à -40 sur le tarmac en Abitibi un jour de janvier 2017, j’ai vite réalisé que l’UQAT et l’IRME c’est ce dont je rêvais pour finir mes études. Je suis heureux de voir que je ne me suis pas trompé.