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Raya : l’application de rencontre la plus capitaliste

Deux utilisateur.rice.s du réseau social « des célébrités » partagent leur expérience.

Par
Florence La Rochelle
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« La différence avec les autres apps, c’est que tu peux te sentir plus vite comme de la merde », lance Jules*, en se remémorant son passage sur l’application de rencontre Raya. Le Montréalais dans la trentaine qui travaille dans le monde des communications a fréquenté la plateforme pendant 9 mois.

« Ça fait un peu “culte” », affirme Naomie*. Elle aussi trentenaire, elle habite la métropole et travaille dans le milieu du cinéma. Elle a pour sa part utilisé Raya pendant 2 ans.

Raya, c’est une application de rencontre privée et payante, dotée d’un processus d’adhésion très sélectif. Le réseau n’offre de places sur sa plateforme qu’à un certain groupe d’individus, qui ont soit « une job créative, ou de l’argent », estime Naomie. Son bassin d’utilisateur.rice.s se situe principalement aux États-Unis, mais son réseau s’étend dans la majorité des pôles culturels à travers le monde.

Je me suis entretenue avec Naomie et Jules pour en savoir plus sur cette application qui attire les personnes les plus branchées, fortunées et séduisantes de la planète – et qui a déjà eu une liste d’attente de 100 000 utilisateur.rice.s, soit dit en passant.

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Pénétrer le club Raya

Non, ce n’est pas simple, accéder aux célibataires de « l’élite ». Sur Raya, tout un processus a été mis en place pour soigneusement sélectionner les « élu.e.s », qui doivent se soumettre à un processus de sélection pour rejoindre le réseau de rencontre.

Naomie explique qu’à ce moment, on « valide ton identité, regarde ce que tu fais comme travail, vérifie ton compte Instagram et te demande de suivre le compte de Raya ». Jules précise que l’application demande aussi l’accès à ta liste de contacts, question de voir si elle comprend quelqu’un qui est déjà membre.

Sur quoi se base l’algorithme qui semble être manipulé par un mystérieux comité de sélection? Difficile à dire, et cet obscur mécanisme a quelque chose d’à la fois excitant et ridicule : « Ça donne l’impression qu’il y a un grand bouncer devant le club Raya qui dit : “Toi, oui. Toi, non.” », explique Jules.

Ensuite, on te laisse un peu dans le vide, ne sachant pas trop quand le statut de ton application sera déterminé. Pour certaines personnes, c’est une question de semaines. Pour d’autres, de mois. Naomie et Jules ont leur petite hypothèse quant à ce qui permettrait d’être accepté.e plus rapidement : la « popularité » des personnes qui ont référé un.e utilisateur.rice, mais difficile de l’affirmer avec certitude.

« C’est enivrant quand tu es accepté, mais c’est dégueulasse quand tu l’es pas. Ça devient une attaque personnelle », lance Jules, qui a mis 2 à 3 mois avant de recevoir son acceptation.

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Pour Naomie, qui a été référée par une personne dont la page Instagram frôlait les 10 000 abonné.e.s, « ça a pris une semaine ou deux ».

Ce n’est qu’une fois ce mystérieux processus achevé que l’application invite ses usager.ère.s à payer des frais d’adhésion au coût de pas moins de 24,99$ par mois pour la version régulière, Raya+ coûtant pour sa part 49,99$ par mois. Un menu « à la carte » est aussi mis à la disposition des utilisateur.rice.s, qui peuvent s’offrir des « super j’aime » et la possibilité de visionner plus de profils pour les modiques sommes de 4,99$ et 7,99$!

Swiper l’élite

Une fois sur l’app, les règles sont simples, mais strictes : les utilisateur.rice.s doivent être discret.ète.s et sont menacé.e.s d’expulsion à la troisième capture d’écran. Discuter de ses matchs publiquement? Mauvaise idée. Des personnalités américaines qui l’ont fait ont par ailleurs été bannies.

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Visiblement, le fondateur, Daniel Gendelman (qui a mis du temps à révéler qu’il était derrière le buzz Raya), a compris comment utiliser la loi de l’offre et de la demande à son avantage : le nombre limité d’utilisateur.rice.s, la nature confidentielle et secrète de la chose rendent l’expérience particulièrement excitante. « En plus, tu peux juste voir 15 profils par jour », explique Naomie. Selon ses dires, on retrouverait sur l’application beaucoup d’athlètes, de mannequins, d’artistes, et d’agents.

« C’est beaucoup axé sur la créativité et la musique », explique-t-elle avant de préciser que chaque profil ne présente que quelques photos, une très brève description, et une musique d’ambiance soigneusement sélectionnée par chaque usager.ère.

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Quand elle ne tombait pas sur des artistes ténébreux, Naomie croisait plutôt des dudes avec des yachts. « Ça marcherait jamais : j’utilise Communauto tous les jours », explique-t-elle en pouffant de rire.

« Au début, c’est excitant », explique Jules, qui affirme avoir eu sa petite dose d’adrénaline lors de ses premières utilisations, comme tous.te.s les usager.ère.s qu’il connaît. « Tu as accès à un bassin tellement large, parce que c’est international. Localement, il y a très peu de monde, ou du moins, c’est rien par rapport au bassin des autres applications », explique-t-il. « Ballet dancer from Russia. Amazon Prime Executive from Chicago », énumère Naomie, pour illustrer le genre de profils qu’elle voyait sur Raya.

Les utilisateur.rice.s peuvent aussi choisir un « mode », qui indique si la personne recherche une relation amoureuse, ou professionnelle. « C’est à mi-chemin entre Hinge et LinkedIn », explique Naomie. Selon eux, beaucoup d’utilisateur.rice.s se cachent derrière des intentions professionnelles, « même si c’est clairement une app de rencontre », lâche Jules.

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Pour de faux ou pour de vrai?

Pour les deux Montréalais, leur passage sur Raya n’a été qu’un long investissement de temps (et d’argent) qui n’a généré que peu de résultats. Naomie n’a rencontré qu’un seul utilisateur en personne. Jules, zéro.

« C’est beaucoup plus difficile de matcher avec quelqu’un. Tu as l’impression d’être devant une vitrine, mais de ne jamais vraiment faire partie du truc », dit Jules, qui ne cache pas avoir senti l’impact négatif de l’utilisation de l’application sur son estime personnelle.

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« C’est toujours un peu du : “M’as-tu vu, j’ai visité 72 pays!”. Les gens sont constamment en voyage, ont deux maisons… Ta vie peut vite paraître banale et plate. »

Smash ou pass?

Les deux trentenaires ne tirent toutefois pas la même conclusion de leur passage sur Raya.

Pour Naomie, Raya demeure une application où elle a l’impression de pouvoir rencontrer des gens qui ont un mode de vie semblable au sien, c’est-à-dire dicté par un travail exigeant dans une industrie créative qui la passionne. « Sur Raya, tu vois l’ambition des gens », déclare-t-elle. C’est aussi ce qui avait motivé Jules à s’inscrire, initialement : « Il faut que deux personnes puissent se “rencontrer”, qu’elles aient des affinités. »

Mais départager le vrai du faux, surtout sur des réseaux sociaux comme Raya, qui font la promotion d’apparences léchées, ce n’est pas si simple :

« Je me fais beaucoup avoir par le look des gens… », admet Naomie. « Et je pense que beaucoup de monde trippent sur “l’idée” d’une job dans le milieu du cinéma. »

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Un commentaire qui fait écho chez Jules, qui affirme que « c’est pas mal un crowd qui mise sur l’illusion, la représentation ». Avec le recul, il voit très bien, aujourd’hui, que le succès de l’application repose sur l’envie d’appartenir à une élite socio-économique, ce qui attire les individus en quête de statut social et de validation au sein de cercles exclusifs. Pour lui, cet attrait s’est vite transformé en une déception qui lui a laissé un goût amer. « L’envie était plus intéressante que la réalité, finalement. […| C’est de la vraie merde. »

*Prénoms fictifs.