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Quoi faire lorsqu’on est témoin de microagressions au travail
Vous savez désormais à quoi peuvent ressembler les microagressions au travail, comment les personnes qui les reçoivent pourraient se sentir et pourquoi ces dernières ne souhaitent pas toujours les dénoncer. Prochaine étape? Agir.
Première étape : prévenir
Mieux vaut prévenir que guérir. C’est le message que scandent toutes les personnes à qui nous avons parlé : la conférencière et autrice antigrossophobie Edith Bernier, le professeur Martin Blais et la postdoctorante Émilie Morand de la Chaire de recherche sur la diversité sexuelle et la pluralité des genres, l’entrepreneur social et avocat Fabrice Vil ainsi que Marie-Ève Veilleux, une personne en situation de handicap impliquée pour l’accessibilité universelle.
«En donnant les outils et les bonnes informations, il y a un méchant paquet de choses qui vont commencer à se régler par elles-mêmes.»
Même si on peut réparer nos gestes et nos paroles, il n’y a rien de mieux que d’éviter les actions et les propos blessants. Edith Bernier, qui donne des conférences en milieu de travail à propos de la grossophobie, estime que des discussions qui abordent directement les enjeux soulevés par les microagressions sont nécessaires : « J’ai confiance qu’en donnant les outils et les bonnes informations, il y a un méchant paquet de choses qui vont commencer à se régler par elles-mêmes. »
Fabrice Vil a plusieurs idées pour faire de la prévention des microagressions en milieu de travail. « On ne le dira jamais assez, mais des personnes en position de leadership sensibilisées aux défis auxquels peuvent être confrontés différents groupes, ça fait en sorte que quand un problème se présente, il y a une meilleure capacité de saisir les nuances des enjeux », souligne-t-il.
La formation, tant pour les gestionnaires que les employé.e.s, des politiques claires avec des mécanismes établis pour que les gens soient à l’aise de parler et des espaces au bureau qui favorisent « des conversations improbables » font également partie de ses recommandations.
Martin Blais et Émilie Morand proposent aussi « de mettre en place des groupes de soutien d’employé.e.s, par exemple des groupes LGBTQ+ », parce qu’« à partir du moment où les gens ont un espace de parole sécuritaire, ils peuvent se confier », ce qui « permet de valider le vécu des personnes, mais aussi de “prendre la température” du milieu de travail ».
Travailler de la maison = espace sécuritaire?
Et ce n’est pas parce qu’on est en télétravail que ces différentes mesures ne peuvent pas être prises. Les questions de mobilier ou d’accessibilité ne se posent peut-être pas et personne n’ira jouer dans l’afro d’un.e collègue sans son consentement en travaillant à distance, mais les microagressions ne sont pas toutes éclipsées : elles se présentent seulement différemment.
«On doit être alerte face à nos comportements, on doit apprendre à connaître nos propres angles morts.»
Pour Marie-Ève Veilleux, qui vit avec un handicap, la vie est tout de même beaucoup plus simple en n’ayant pas à se rendre au bureau. Cette dernière a des conseils pour les personnes qui veulent prendre une posture d’allié.e : « On doit être alerte face à nos comportements, on doit apprendre à connaître nos propres angles morts, dit-elle. Ça demande une flexibilité dans l’accueil de l’autre. » Elle propose, par exemple, d’aller suivre des personnes avec diverses formes de handicap sur les réseaux sociaux, « pour élargir votre champ des possibles et arrêter d’être surpris qu’on existe! ».
Reste à savoir comment agir et, surtout, quand, parce que la dernière chose qu’on veut, c’est de se présenter en sauveur.se, malgré « qu’il y a quand même des contextes où on n’a pas le luxe de se passer des allié.e.s », croit Martin Blais.
Réparer les torts
Selon les différentes personnes interviewées, il ne faut pas présumer de ce que ressent la personne qui s’est fait microagresser. Tout le monde a ses propres sensibilités, et ce qui dérange quelqu’un laissera peut-être quelqu’un d’autre indifférent. À l’inverse, « ça se peut que la personne fasse comme si de rien n’était, indique Fabrice Vil. Les personnes qui vivent ces situations-là ont développé des manières de faire pour camoufler leur malaise ».
La première chose à faire quand on est témoin d’une microagression, c’est donc d’aller voir la personne visée et de lui demander comment elle se sent en ayant une écoute attentive et sincère. On ne veut surtout pas créer un problème là où il n’y en a pas en faisant une intervention que personne n’a demandée.
L’important est de prioriser la personne visée par la microagression plutôt que nos propres sensibilités.
Dans certains cas, on peut tout de même s’interposer; l’important est de prioriser la personne visée par la microagression plutôt que nos propres sensibilités, pense Fabrice Vil. Plus un comportement ou un propos est déplacé de manière évidente, moins on risque de faire naître une situation désagréable. « Je pense aussi qu’il y a des affaires pour lesquelles on peut être proactif ou proactive sans avoir à demander, comme les fameux bras de chaises dans la salle de réunion [qui peuvent empêcher des personnes aux corps plus larges de s’installer confortablement] », souligne Edith Bernier.
S’excuser
Et surtout, un.e allié.e ne doit pas prendre la place d’une personne appartenant à un groupe marginalisé qui s’exprime elle-même sur les enjeux la concernant. « Il y a des personnes en situation de handicap qui sont super vocales par rapport aux microagressions, indique Marie-Ève Veilleux. Des fois, il y a des gens qui sont tellement vocaux, ça va les discréditer, mais il faut être capable, comme allié.e, d’appuyer leurs propos. »
« Il ne faut pas parler à la place des personnes, confirme Martin Blais. Mais on peut quand même sensibiliser les collègues au fait que ça a des conséquences et qu’il faudrait peut-être se mettre dans la peau des personnes qui reçoivent à répétition ce genre de commentaires. »
Par ailleurs, on peut se faire pardonner une microagression en s’excusant et en écoutant l’autre. « Ça doit être authentique, croit Marie-Ève Veilleux. Et ça ne doit pas me demander d’éduquer les gens, parce que ça va juste me rajouter une autre microagression. » Martin Blais va dans le même sens : « Il faut simplement prendre sa responsabilité et faire de vraies excuses, pas de justification. »
Alors, armez-vous de sensibilité et de vos lunettes woke, ayez ces conversations pas toujours confortables, soyez à l’écoute et sachez vous excuser!