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Quoi faire avant de signaler un problème aux ressources humaines
Vous vivez des difficultés persistantes au bureau et vous ne savez pas vers qui vous tourner? Il se peut que vous ayez songé à solliciter l’aide des ressources humaines. Après tout, ne représentent-elles pas la passerelle entre vous et votre employeur? Ce n’est pas tout à fait vrai. Les ressources humaines travaillent pour la compagnie et non pour vous.
Est-il possible de faire appel à celles-ci pour régler votre problème? Oui et non. Ça dépend du genre de résultats auquel vous vous attendez et du doigté dont vous faites preuve dans vos interactions avec ce corps professionnel parfois insaisissable.
Voici quelques conseils pour vous éviter de mauvaises surprises lorsque vous amenez un problème aux ressources humaines.
Se demander si on doit vraiment parler aux ressources humaines
Quel est le rôle des ressources humaines au juste? Le volet principal de leurs activités concerne l’embauche et la gestion de la ressource humaine (vous, en l’occurrence). Cela implique la paie, les avantages sociaux (si vous en avez), les congés (si vous en avez), les politiques et les affaires légales liées au personnel. Leur but : que la compagnie fonctionne le mieux possible.
Si vous êtes en situation de conflit avec votre patron.ne, il est encore plus risqué de vous adresser aux ressources humaines.
Lors de conflits avec des collègues, il est rare que les ressources humaines interviennent. Généralement, on vous invitera à régler le problème par vous-même ou on vous conseillera pour que vous puissiez mieux vous en charger.
Si, encore pire, vous êtes en situation de conflit avec votre patron.ne, il est encore plus risqué de vous adresser aux ressources humaines. Elles n’agiront pas nécessairement pour protéger vos intérêts comme le ferait un syndicat, mais plutôt dans l’intérêt de la compagnie. Si on se penche sur l’origine des ressources humaines, on comprend qu’elles apparaissent comme une réponse en opposition aux mouvements sociaux des travailleurs et travailleuses, censée freiner la formation de mouvements syndicaux en fidélisant les employé.e.s.
Quand peut-on être sûr.e qu’il faut s’adresser au département des ressources humaines? Pour tout ce qui tombe clairement dans leur juridiction, il n’y a pas de problème.
Alison Green, l’autrice du blogue Ask a Manager, recommande de demander l’aide des ressources humaines dans ces cas bien précis : si vous subissez du harcèlement, une discrimination reconnue par la loi si vous avez un problème avec votre paie, vos avantages sociaux ou vos congés. Si vous êtes témoin d’un acte illégal lors de vos fonctions, c’est aussi aux ressources humaines que vous pouvez en faire part, comme c’est leur responsabilité d’enquêter par la suite.
Pour tout ce qui n’entre pas dans cette catégorie, les ressources humaines pourraient, en théorie, vous aider, mais il faut y réfléchir un peu plus longuement.
Se renseigner
Est-ce que tous les départements sont remplis de visages à deux faces à la solde du capital? Pas nécessairement. Les ressources humaines regroupent beaucoup de professions et d’écoles de pensée. Chaque département est différent et occupe une position différente par rapport à la direction de la compagnie. C’est donc important de connaître le fonctionnement de ses propres RH pour savoir à quoi s’attendre lorsqu’on leur rendra visite.
Malgré toutes les bonnes intentions des gens en ressources humaines, il n’est pas rare qu’ils aient en réalité très peu de pouvoir décisionnel.
Les ressources humaines de votre travail sont-elles très à cheval sur le côté légal et administratif de leur travail? Avez-vous des collègues qui ont déjà dû faire appel à elles? Leur expérience a-t-elle été positive? Le département a-t-il la réputation d’intervenir lorsqu’on lui présente un problème ou fait-il plutôt la sourde oreille? Ce sont toutes des questions qu’il serait utile de poser avant de contacter les RH.
Malgré toutes les bonnes intentions des gens en ressources humaines, il n’est pas rare qu’ils aient en réalité très peu de pouvoir décisionnel au sein de leur organisation. Dans sa thèse de doctorat, Homo Managerialis : Une ethnographie des gestionnaires de ressources humaines, Kim Turcot DiFruscia offre un regard privilégié sur le monde des ressources humaines, dont les citations parfois glaçantes resteront avec vous longtemps.
Elle y constate que le côté « humain » (c’est dans le nom) des ressources humaines leur vaut souvent un traitement de « fonction subalterne » qui ne contribuerait pas autant au succès d’une entreprise que, par exemple, le marketing ou les finances. Elles ont peut-être moins l’oreille des patron.ne.s que vous ne le pensez.
Cette réputation explique aussi une volonté de professionnalisation et de « stratégisation » de la gestion des ressources humaines, pour mieux valoriser la profession. Dans cette optique, les compagnies deviennent les clientes des gestionnaires en ressources humaines, qui offrent leur conseil sur comment optimiser la performance des employé.e.s.
Quelle place cela laisse-t-il pour lesdit.e.s employé.e.s dans l’équation? Pas beaucoup, effectivement.
Documenter le problème
Sachant maintenant cela, vous êtes tout de même plus outillé.e pour présenter votre problème aux ressources humaines de manière à ce qu’elles aient intérêt à intervenir. Tout en gardant en tête que le but de ce département est d’éviter des pertes de productivité à la compagnie, il serait judicieux de lui exposer votre problème en lui montrant clairement les effets négatifs que la situation provoque. Si votre intérêt en tant qu’employé.e et l’intérêt de votre employeur coïncident, les ressources humaines ne se retrouvent pas dans une situation où elles doivent choisir entre les deux (et finalement choisir votre employeur).
Prenez note de tout incident, de la date et l’heure, de qui a dit quoi à qui ainsi que de l’impact de chaque fait et geste.
Un dossier béton est toujours recommandé, peu importe la nature de la situation que vous voulez présenter au département de ressources humaines. Prenez note de tout incident, de la date et l’heure, de qui a dit quoi à qui ainsi que de l’impact de chaque fait et geste en lien avec le problème. Il y a de fortes chances qu’on vous questionne à propos du problème. Plus vous aurez des réponses claires à offrir, moins vous risquez d’être surpris.e par la réaction des RH.
Gérer ses attentes
J’aimerais vous dire que de parler aux ressources humaines n’aura aucune conséquence sur votre vie au travail, mais malheureusement, il se peut que ce soit le cas. Il est donc important de se demander si le problème est grave au point de subir certaines répercussions. Si c’est le cas, il faut parfois se préparer au pire scénario.
D’abord, il faut savoir que les ressources humaines ne sont pas tenues par le secret professionnel comme le seraient votre médecin ou votre psychologue. Ce que vous leur dites pourrait être rapporté à la personne concernée ou à votre supérieur.e, même si vous demandez de garder le secret. Dans le meilleur des mondes, les gestionnaires en ressources humaines devraient vous informer qu’iels ne peuvent garantir le secret et l’anonymat, mais si ce n’est pas fait, vous saurez.
Les personnes qui soulèvent trop de problèmes sont souvent étiquetées comme trop exigeantes ou difficiles.
Il se peut aussi que les ressources humaines interviennent de manière très discrète, peut-être même sans que vous vous en rendiez compte. Comme leur fonction est de permettre un fonctionnement de la compagnie sans anicroche, il est souvent mieux pour elles de ne pas attirer trop l’attention sur leurs interventions.
Sachez aussi que le fait que vous vous soyez plaint.e aux ressources humaines risque de rester à votre dossier et pourrait jouer contre vous, car encore une fois, les RH ne représentent pas un parti neutre entre vous et vos patron.ne.s. Les personnes qui soulèvent trop de problèmes sont souvent étiquetées comme trop exigeantes ou difficiles.
Si malgré tout cela, votre situation est si désagréable que vous êtes prêt.e à risquer ces conséquences, vous pouvez parler à vos ressources humaines… Ou commencer à jeter un coup d’œil à de nouvelles opportunités professionnelles, tant qu’à y être.