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Qui fait de l’argent pendant le week-end du Grand Prix?

Celles et ceux au bas de l’échelle en profitent-ils réellement?

Par
Jasmine Legendre
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Ah! La fin de semaine de la F1! Le week-end qui fait miroiter des milliers de dollars aux tenanciers de bars, restaurants, hôtels et magasins de haute-couture à Montréal. Parce qu’aux dires des organisateurs, il s’agit de l’événement touristique le plus important de l’année. Allô les bidous!

Pour répondre aux 66M $ dépensés par les touristes et les organisateurs pendant la fin de semaine, on crée ou on maintient 640 emplois, juste pour ces quatre jours intensifs. Mais à qui va tout cet argent?

On a posé la question aux travailleurs et travailleuses au bas de l’échelle, ceux et celles qui doivent souvent faire de très longues journées de travail pour répondre aux exigences de la clientèle internationale qui débarque avec beaucoup de cash.

Payant être escorte? Pas vraiment.

On en parle chaque année à l’approche du Grand Prix : le travail du sexe. Il y a quelques années, notre collaboratrice Mélodie Nelson a tenté l’expérience d’être escorte pendant le week-end de la F1. Une seule fois. Elle ne le fera plus jamais.

« C’était une perte de temps et d’illusions. »

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« À l’époque je travaillais que de jour (9 à 5 dans un appart), mais je croyais que la F1 serait très payante alors j’avais demandé à travailler le vendredi soir et le samedi soir aussi. […] Dans une journée normale, je pouvais avoir entre 5 et 10 clients (donc au moins 1000$), mais je n’ai eu que deux clients le vendredi et à peu près la même chose le samedi. C’était une perte de temps et d’illusions », explique-t-elle.

Le problème, c’est aussi le cheap labor. Plusieurs riches clients internationaux vont plutôt faire affaire avec des sugar babies qui, elles, offrent de passer tout le week-end avec eux. Ce sont donc les clients réguliers qui reviennent voir les escortes pendant le Grand Prix. Donc non, pas plus d’argent. Mélodie passe maintenant le week-end de la F1 avec ses amies de l’industrie, en pantoufles et en mangeant du popcorn, bien loin de la frénésie pas payante.

Travailler sur le site, payant pour les longues journées

Pour les étudiants qui cherchent à faire la piasse en une fin de semaine, le Grand Prix peut être payant pour ceux qui n’ont pas peur de l’épuisement.

Chris y a travaillé l’an dernier pour faire une activation pour une grande marque de bière. « On avait un bar où on en servait gratuitement aux gens sur Crescent. C’était vraiment de longues journées, mais c’était pas mal payant. En trois jours, je dois avoir fait environ 600$. »

La twist pendant le week-end de la F1, c’est les heures supplémentaires.

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Pour avoir déjà travaillé dans l’univers promotionnel, ce n’est pas un travail extrêmement bien payé. Tout dépendant de la marque représentée et de l’agence pour laquelle on travaille, ça peut aller jusqu’à 20 $ de l’heure. Mais la twist pendant le week-end de la F1, c’est les heures supplémentaires. C’est là qu’on peut faire une passe de cash.

En hôtellerie, c’est l’offre et la demande

Sandrine a déjà travaillé dans l’un des grands hôtels du centre-ville de Montréal. Pour elle, la fin de semaine du Grand Prix est synonyme d’exubérance. Certains hôtels triplent le prix de leurs chambres, passant de 300 $ pour une nuit à 900 $ (et même jusqu’à 1050 $ selon nos conversations avec une concierge).

Certains hôtels triplent le prix de leurs chambres, passant de 300 $ pour une nuit à 900 $.

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Sandrine, elle, était hôtesse pendant l’événement. « La clientèle change et augmente, même pour un hôtel 5 étoiles, explique-t-elle. Les clients sont plus fortunés et veulent dépenser. Mes horaires et mes tâches ont doublé pour ce moment-là, si ce n’est pas triplé. C’était comme ça pour toute l’équipe de la restauration. En tant qu’hôtesse je n’avais pas de tip selon mon contrat, mais cette semaine la j’en ai eu! Une grosse enveloppe avec environ 500 $. »

Si ça vous semble beaucoup, elle précise que ce n’est rien si l’on compare à la cagnotte que font les barmans et les serveurs pendant la fin de semaine. « C’est eux qui ont eu pitié et qui me l’ont donné. Les clients sont terribles dans cette période. Ils sont extrêmement demandants, mais payent comme des fous. Ils savent qu’ils vont payer donc ils demandent des choses qui ne font pas de sens. À au moins trois reprises, on m’a demandé si je voulais aller magasiner après mon travail et acheter de belles choses, aller dans des boutiques de luxes pour me gâter et après passer la soirée avec eux. »

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Parlant de boutiques, il est là, l’argent

Fabrizio travaillait autrefois dans un des magasins de haute-couture du centre-ville. La fin de semaine du Grand Prix, c’est comparable au temps de Fêtes, selon lui. « Il n’était pas rare de vendre des montres à 100 000 $ », fait-il savoir.

Les grands magasins ont souvent des partenariats avec la F1, ils sont présents dans les paddocks et les vendeurs allongent leur journée pour fermer le magasin plus tard. « C’est stratégique », explique Fabrizio.

« Pendant le Grand Prix, je pouvais faire facilement 2500 $ de commissions. »

« Pendant le Grand Prix, je pouvais faire facilement 2500 $ de commissions alors que dans une fin de semaine normale, je faisais 300-400 $ [à 3 % de commission sur ses ventes]. Ça allait au montant de l’achat. J’ai déjà vendu pour 60 000 $ à une famille saoudienne qui a habillé ses enfants », révèle-t-il.

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Ça, c’est sans compter les services rendus pour leurs clients. Parfois, il allait livrer directement leurs achats à l’hôtel et il se faisait donner un 20 $ de plus. « Je me suis déjà fait pousser un brun, personnellement ».

Évidemment, les restaurants croulent sous le cash!

C’est probablement les serveurs qui détiennent le record des journées les plus payantes (mais des plus exigeantes aussi). Audrey travaillait à l’auberge Saint-Gabriel, là où a lieu le plus gros party de la F1, et où on peut apercevoir des Guy Laliberté et des Garou.

Elle était hôtesse, mais c’était très, très payant. « La richesse et l’argent que tu vois passer là-bas me donnaient aucun espoir pour l’humanité, raconte-t-elle. Certains veulent avoir une table assise et te glisse un 50 $ dans la main, d’autres ont déjà une facture de 10 000 $ à 14h, après le brunch. Chaque fois qu’une table dépensait plus que 5000 $, une serveuse déguiser en Super Woman se faisait transporter dans le bar par deux gars. »

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Les serveurs pouvaient se faire des centaines, voire des milliers de dollars par shift de travail. Cela dit, dans certains restaurants, ça prend un moment avant de voir la couleur de cet argent-là. « Il y a trop d’argent à gérer et l’inventaire prend un temps interminable à faire ».

Audrey qualifie la F1 d’une expérience sociologique, tellement c’est hors de l’ordinaire.

Audrey qualifie la F1 d’une expérience sociologique, tellement c’est hors de l’ordinaire. C’est une classe à part qui envahit Montréal, le temps d’une fin de semaine. Oui, certains emplois sont payants, mais il faut être prêt à payer le prix : des clients exigeants, qui n’attendent rien de moins qu’un service à la hauteur de leur porte-feuille.