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Qu’est-ce que ça veut dire «se placer à l’abri de ses créanciers»?
Le mot «faillite» a trouvé une place particulière dans l’actualité des dernières semaines. On a aussi entendu parler d’insolvabilité et de créanciers et on a vu des entreprises «se placer sous la protection de la Loi sur la faillite» ou «se placer à l’abri de ses créanciers».
Encore aujourd’hui, la compagnie David’s Tea, a justement annoncé son intention de se placer à l’abri de ses créanciers.
C’est bien beau tout ça, mais qu’ossa veut dire pour moi? Est-ce que faillite rime nécessairement avec fermeture? Et quel est l’impact de cette fameuse loi sur l’entreprise et ses consommateurs? On décortique le tout, en essayant de ne pas vous endormir!
La faillite commerciale
Commençons par la base.
C’est une procédure judiciaire qui survient lorsque les dettes d’une entreprise excèdent ses actifs ou que ses revenus sont insuffisants pour payer ses dettes au fur et à mesure de leur échéance. C’est donc un moyen légal par lequel une entreprise se libère de ses dettes. Tout ça ne se fait toutefois pas par magie.
Il est possible de le faire de façon volontaire en cédant les biens de l’entreprise insolvable à un syndic autorisé en insolvabilité (SAI) chargé de régler la faillite, ce qu’on appelle la cession volontaire. Les biens de l’entreprise seront donc cédés au profit des créanciers, pour rembourser une partie de la dette accumulée.
«Créanciers? Syndic?», on en reparle plus bas!
Le cheminement inverse est aussi possible. Un ou des créanciers peuvent déposer une requête devant un tribunal provincial, en vue d’obtenir une ordonnance de séquestre contre le débiteur, on dit alors que celui-ci fait l’objet d’une requête de mise en faillite.
Vous comprendrez que c’est souvent la dernière étape envisagée par une entreprise qui a des problèmes financiers. Des options de redressement seront d’abord évaluées. Il y aura aussi des propositions et ententes qui peuvent être signées avant une faillite (et une fermeture définitive).
Le petit lexique de la faillite
Débiteur
La compagnie qui doit de l’argent. Si sa dette devient trop grosse pour ses revenus, cette entreprise n’a pas encore déclaré faillite, mais l’option de le faire ne doit pas être bien loin dans son esprit. C’est elle qui doit rencontrer le SAI pour jaser finances et déterminer les prochaines étapes.
Failli
C’est un débiteur qui a déclaré faillite. Un SAI déterminera la situation actuelle de la société et les possibilités qui s’offrent à elle. On évalue la situation financière de la compagnie. Quels sont les actifs? Quels sont les montants des dettes? Quel est le nombre de créanciers garantis? Etc.
Créancier(s)
On leur doit de l’argent. Habituellement, dans un tel contexte, c’est ben rare qu’ils soient contents. Trois types de créanciers existent: garantis, non garantis et privilégiés.
Se placer sous la protection de?
Il y a deux lois sous lesquelles les entreprises peuvent «se placer» lorsque leur cash flow tombe dangereusement dans le rouge. La Loi sur la faillite et l’insolvabilité (LFI) et la Loi sur les arrangements avec les créanciers des compagnies (LACC), communément appelée la Loi C-36, qui font toutes deux parties du régime d’insolvabilité du Canada.
La LFI couvre les cas d’insolvabilité commerciale et personnelle. Comme on peut le lire dans la politique du droit de l’insolvabilité du Canada, cette loi «régit la façon dont les actifs du débiteur sont liquidés par un syndic et dont les produits sont distribués d’une manière juste et équitable entre les créanciers».
La LACC, de son côté, fournit un cadre législatif de réorganisation de restructuration des affaires et des finances d’une entreprise, sous la supervision du tribunal. Pour y accéder, ladite entreprise doit avoir des dettes de plus de 5 millions de dollars.
Aldo, Stokes, Reitmans, SAIL Plein Air, Sportium, Frank And Oak, ça vous dit quelque chose? Ils ont tous demandé la protection des tribunaux contre leurs créanciers selon l’une ou l’autre de ces deux lois. Quelques exemples, auxquels s’ajouteront peut-être d’autres entreprises qui flirtent avec la faillite.
En gros, ces lois permettent aux entreprises de prendre un pas de recul face à leurs créanciers, d’examiner la situation et de revoir leurs affaires pour continuer d’opérer tout en remboursant leurs dettes. Dans le cas où c’est impossible, ces lois déterminent comment leurs actifs seront liquidés.
Mais concrètement?
Ça permet aux entreprises de respirer un peu afin d’établir un plan de match pour la suite.
Dans le cadre de la LACC, le tribunal émet une ordonnance qui assure à l’entreprise concernée une protection de 10 jours contre ses créanciers. Suspension des procédures pour récupérer les dettes existantes. Pas de nouvelles procédures d’exécution contre l’entreprise. Et pas de paiements de remboursement.
Pendant ce temps, l’entreprise peut poursuivre ses activités, payer ses employés et servir ses clients sous la supervision du tribunal.
«Se placer sous la protection de» ne veut pas nécessairement dire faillite. L’ordonnance émise dans le cadre de ces lois donne le temps aux entreprises de préparer un plan de transaction ou un plan d’arrangement. Il est donc question de restructuration.
Plusieurs étapes et scénarios sont envisageables avant la concrétisation d’une faillite. Règle générale, les petites et moyennes entreprises invoqueront la LFI, tandis que les restructurations d’envergures se dérouleront selon les dispositions de la LACC.
Le cas des Aldo, Stokes, Reitmans et compagnie reste donc à suivre au cours des prochaines semaines. Survivront-ils à cette période plus creuse avec la mise en place d’un plan de restructuration sachant plaire à tous ou à l’inverse, devront-ils réellement déclarer faillite?