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Depuis quand Strava est devenu toxique?

On a parlé à des gens qui entretiennent une relation amour-haine avec l’application. 

Par
Clara Têtu
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Je me suis récemment demandé si l’application Strava était un outil de motivation, un journal de souvenirs ou une source de pression additionnelle?

Photos fournies par Clara Têtu
Photos fournies par Clara Têtu
Photos fournies par Clara Têtu

Sur Strava, on voit de tout : des coureurs qui se lèvent à l’aube pour gravir le Mont-Royal, des personnes qui enregistrent leur moindre activité (genre, une marche en après-midi jusqu’à l’épicerie), d’autres qui découvrent une nouvelle passion pour la nage, ou encore ceux qui célèbrent un nouveau record personnel en terminant leur premier marathon. Une fois, j’ai même vu une activité d’accouchement dans mon feed!

« Personne ne commence en même temps, mais on commence tous à la même place : au début. Je suis toujours content de voir les gens bouger et s’améliorer. » – Philippe, 27 ans

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Si l’humain fait quelque chose, il y a une application pour tracker ses moindres gestes. Pour les livres, il y a Goodreads. Pour les films, c’est Letterboxd. Puis, pour l’activité physique, il y a Strava.

« J’aime Strava. C’est ma façon de garder contact et d’échanger avec mes ami·e·s proches. N’ayant pratiquement aucun réseau social, c’est ma façon de laisser ma marque dans ce monde virtuel. C’est aussi la petite poussée qui est (malheureusement) parfois nécessaire pour me faire enfiler mes souliers et sortir courir. J’ai passé 2 semaines sans utiliser Strava et j’ai réalisé que ma relation avec l’application est saine, voire bénéfique pour ma santé, mais aussi qu’il est complètement faux de penser que les allées et venues des 200 personnes qui consultent mon profil sont importantes pour moi. Je conserve l’application, mais un ménage s’impose. » – Vincent, 28 ans

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Comme tous les autres réseaux sociaux, Strava peut nous inciter à scroller sans fin en analysant les performances sportives de nos ami·e·s… mais aussi de parfait·e·s inconnu·e·s. L’aspect malsain peut survenir lorsqu’on sent la dopamine qui plafonne en recevant un kudos (l’équivalent d’un like) et on finit toujours un peu par se comparer aux autres.

Photos fournies par Clara Têtu
Photos fournies par Clara Têtu

« Je me souviens que je suis rapidement devenue très self-conscious de mon pace. Lors d’une sortie, j’ai couru vraiment lentement et j’avais honte de montrer mon pace. Pour le justifier, au moment de publier mon activité, j’ai précisé dans la description que j’avais fait un arrêt, mais que j’avais oublié d’arrêter mon temps. » – Noémie, 27 ans

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Combien d’entre nous avons déjà remis en question notre volume d’entraînement, notre pace ou notre fréquence cardiaque? Cette comparaison constante sur l’application peut entraîner un sentiment d’exclusion et (surtout) de frustration.

« J’ai remarqué que l’influence de Strava sur ma santé mentale dépend du contexte dans lequel je me trouve. En 2022 et en 2023, lorsque j’avais une blessure importante, Strava amplifiait mon sentiment de vulnérabilité et d’inactivité. Je perdais tranquillement mon identité d’athlète et je me comparais de façon excessive à d’autres personnes, autant sur Strava qu’ailleurs.

Par contre, Strava devient un outil de travail quand mes entraînements se déroulent bien puisqu’il me permet d’en conserver un historique, selon le plan déterminé avec mon coach. Je suis plusieurs coureuses professionnelles qui m’inspirent. Elles me rappellent de ne pas me mettre de limites en termes de mileage par semaine. Je me dis qu’elles n’ont pas plus de cœur, de poumons ou de jambes que moi! Je pense que l’utilisation saine de cette plateforme dépend de ta connaissance de toi et de tes limites. » – Julie, 28 ans

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Au lieu de se sentir inspiré.e, on peut finir par se percevoir comme inférieur·e· ou inadéquat·e. Des proches m’ont même déjà rapporté que Strava leur faisait perdre l’envie et le plaisir de bouger.

« En septembre, j’ai couru seule mon premier demi-marathon avec juste ma volonté, du soleil et un gel acheté en vitesse. J’ai posté ma course sur Instagram. On m’a félicitée… et conseillé de montrer mon “vrai” pace. C’était mon vrai pace. Ça m’a gossée, qu’on me discrédite parce que j’avais fait des arrêts. » – Catherine, 25 ans

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Pour plusieurs d’entre nous, le sport et les activités de plein air sont avant tout une manière de prendre soin de notre santé mentale et physique. Toutefois, lorsque nous sommes distrait.e.s par l’envie de publier notre activité, de la renommer, d’y attacher des images, ne risquons-nous pas d’oublier le plaisir brut de bouger? J’ai parfois l’impression que Strava est un casseur de party.

Photos fournies par Clara Têtu
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Certaines personnes développent même une obsession pour le suivi des données relatives à leurs activités, en laissant de côté le fameux « pourquoi », soit la raison profonde qui nous pousse à bouger.

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J’ai même déjà entendu une amie dire la phrase « j’ai mal à mon graphique Strava » après avoir vu son volume d’entraînement chuter à cause d’une blessure. Cette remarque, bien qu’inoffensive, témoigne de la pression subconsciente que nous pouvons ressentir en nous mesurant constamment.

« Si je vais courir une journée et que je ne me sens pas vraiment en forme, que je décide d’arrêter ma course et de ne pas me rendre à X nombre de kilomètres, je ressens de la pression. Je trouve que c’est “gênant” et je remets en doute la pertinence de ma publication sur Strava. Ensuite, si je n’ai pas beaucoup de Kudos sur cette activité, je perçois que les gens me trouvent poche.

En bref, je pense que Strava t’amène à voir ton évolution dans le sport. Par contre, quand ça va moins bien, je ne publie pas pour moi, je publie plutôt pour les autres. » – Sophie, 25 ans

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En revanche, Strava est aussi une application qui peut servir de journal personnel dans lequel on peut créer et garder des souvenirs, avec des images et des descriptions détaillées. Elle nous aide à découvrir de nouveaux sentiers, à trouver la motivation de sortir malgré le froid pendant l’hiver et à soutenir nos proches dans leurs efforts pour prendre soin d’eux et rester actifs.

Photos fournies par Clara Têtu
Photos fournies par Clara Têtu
Photos fournies par Clara Têtu

Lorsqu’elle est utilisée de manière saine et équilibrée, Strava est un environnement positif de partage et d’encouragement pour des membres avertis.

« En tant qu’athlète amateur, Strava a changé la donne pour moi en matière de course à pied. J’ai remarqué à quel point elle a un impact sur mes performances et ma motivation. Je trouve que Strava est un super outil pour me motiver à sortir courir, même quand l’envie n’est pas vraiment là.

Pour garder une bonne relation avec Strava, je pense qu’il est crucial d’avoir une attitude positive. Avec le temps, j’ai appris à apprécier mes propres progrès sans me soucier de ce que font les autres. Un autre conseil que je donnerais à tout le monde, c’est de bien choisir les personnes que vous suivez. Il n’y a rien de mal à rendre votre compte privé pour vous concentrer sur vos propres statistiques. Strava devrait être un outil de motivation, pas une source de stress. » – Victoria, 28 ans

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Je nous souhaite donc d’utiliser Strava en ayant conscience de ses impacts sur notre santé mentale, d’oublier notre montre ou notre téléphone à la maison de temps en temps, de moins se comparer aux autres utilisateur.rice.s qui partagent leurs données et de bouger un peu plus pour soi.

J’aimerais que Strava redevienne un safe space.

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