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Quand se reconnecter à ses racines autochtones passe par le chocolat

Rencontre avec Marianne Chevalier, chocolatière originaire de la Première Nation Wolastoqiyik Wahsipekuk. 

Par
Laetitia Arnaud-Sicari
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« À 40 ans, j’étais tannée de faire des bijoux. Ça marchait bien, mais ce n’était pas ma passion », se livre en toute franchise Marianne Chevalier, assise en face de moi.

On est dans l’un des locaux aux airs industriels de l’immeuble du 2177 rue Masson, proche de l’avenue des Érables. Marianne s’y est installée le 1er novembre dernier pour partir sa propre business : MIHKU Chocolats et gourmandises. Mais ce n’est pas sa première fois.

« J’ai rarement été salariée. J’ai pas mal toujours été entrepreneure.

Pendant 7 ans, j’ai eu une entreprise avec mon amie qui s’appelait Rose Cactus. On faisait des foulards. Puis j’ai eu une entreprise en tissage, puis après, en bijoux », m’explique celle qui travaille également à temps partiel comme chocolatière à la boulangerie Arhoma.

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La chocolaterie de Marianne n’a pas d’emplacement fixe pour la vente de ses produits, qui varient entre barres de chocolat, tartinades et chocolats chauds aux saveurs boréales. Les points de vente se situent dans la métropole, dans Lanaudière, en Montérégie et dans la Capitale-Nationale.

« Pourquoi tu t’es tournée vers le chocolat? », lui demandé-je, curieuse.

« Ah, j’ai toujours fait [des pâtisseries].

Depuis que je suis enfant, je fais des gâteaux et maintenant, j’en fais mon métier », répond-elle, droit au but.

Son enfance et son adolescence, elle les a vécues sur la Rive-Sud de Québec, à Lévis. « C’est après le cégep que je suis venue à Montréal. C’était la voie logique. J’avais besoin de nouveauté et c’était plus dynamique. J’avais 19 ou 20 ans », se remémore Marianne.

« Mais, je commence à ressentir le besoin d’aller ailleurs. J’aimerais ça, dans 2 ou 3 ans, aller à Cacouna, dans le Bas-Saint-Laurent. Ça m’arrive de pleurer tellement que c’est beau. C’est aussi là où se trouve le centre administratif de ma nation. Ça me permettrait d’être plus proche de mes racines », me confie-t-elle, émue.

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Quête d’identité

Les racines dont parle Marianne sont ses origines de la nation Wolastoqiyik Wahsipekuk. C’est récemment que la chocolatière a appris d’où elle venait exactement.

« Tout le monde a toujours su que la grand-mère de ma mère était Autochtone, mais c’était comme un secret.

On n’en parlait pas », conte-t-elle.

L’arrière-grand-mère maternelle de Marianne s’est mariée à un Blanc, causant la perte de son statut d’Autochtone en raison de lois « sexistes », m’explique-t-elle. « Le frère de mon arrière-grand-mère s’est marié à une Blanche. Il est resté Autochtone et ses enfants aussi. »

Comme la grand-mère de Marianne ne parlait pas non plus de ses racines, personne dans la famille de la chocolatière ne savait de quelle nation elle appartenait. « Je me rappelle, quand j’étais jeune, on allait en Gaspésie avec ma mère. C’était dans les années 80. On passait devant un musée micmac à chaque fois. Ma mère croyait qu’elle était Micmaque vu que c’était la communauté la plus proche d’où elle est née, à L’Islet, dans Chaudière-Appalaches », enchaîne Marianne.

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Il y avait aussi le fait que la Première Nation Wolastoqiyik Wahsipekuk « n’existait pas » avant 1989, année où elle a été reconnue officiellement comme la 11e Première Nation dans la province par l’Assemblée nationale.

Aujourd’hui, les membres de la communauté se trouvent au Québec (environ 780 personnes dans la province), au Nouveau-Brunswick et dans le Maine, aux États-Unis.

Ça fait maintenant près de 5 ans que Marianne détient son statut d’Autochtone. Pour l’obtenir, c’est la nation qui a dû la reconnaître comme telle. « Ils sont contents quand les gens reviennent [vers leurs origines]. Il y en a qui n’ont pas grandi [avec les savoirs ancestraux] et qui se sont fait reconnaître sur le tard », ajoute-t-elle.

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Renouer avec soi

« J’ai beaucoup hésité [avant de faire ma demande de statut].

Je me demandais si j’étais légitime.

C’est en parlant avec les gens de ma nation que j’ai compris qu’ils me voulaient », poursuit Marianne.

Même si elle a été reconnue comme l’une des leurs, la chocolatière est toujours habitée par un « sentiment d’imposteur ». « Tu sais, j’ai été élevée comme une Blanche. Je n’ai pas eu la même réalité que quelqu’un qui a grandi sur une réserve, mettons. […] Me rapprocher de ma nation m’a aussi permis d’être plus consciente des effets de la colonisation [sur les communautés autochtones] », estime-t-elle.

Il y a 3 ans, Marianne, sa mère, sa sœur et sa nièce ont suivi des cours pour apprendre la langue wolastoqey, un pas de plus pour se reconnecter avec leurs origines. « Ce sont deux jeunes de ma nation qui donnaient des cours sur Zoom chaque semaine pendant 5 mois. On était une douzaine. Il fallait qu’on se trouve chacun un nom. Donc j’ai choisi Mihku, ça veut dire écureuil. J’aime les écureuils. J’ai pensé à ça quand j’ai créé mon entreprise », partage-t-elle en riant.

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Bien qu’elle connaisse seulement quelques bribes de wolastoqey parce qu’elle est « poche en langue », Marianne a tout de même décidé de traduire les ingrédients sur le site web de son entreprise et sur les emballages de ses produits. « Traduire mes emballages, ça me rattache à ma culture et ça me donne plus de légitimité avec mon statut. Il n’y a plus personne qui parle la langue, au Québec. C’est super triste », se désole-t-elle.

Un jour, Marianne rêve de déménager sa chocolaterie à Cacouna pour se rapprocher de sa nation et y avoir pignon sur rue.

Mais pour le moment, elle se concentre sur le développement de produits estivaux afin de devenir la meilleure chocolatière possible.

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