Ce n’est pas pour me vanter, mais je passe un méchant bel été. Je reviens d’un voyage idyllique de deux semaines en France avec ma petite famille et mes parents. À la mi-juillet, je suis allée au Festif de Baie-Saint-Paul avec deux chums de filles. Pendant ce temps, mon chum d’amour est allé chez sa mère avec les petits, qui y ont mangé des poignées de gadelles.
Le moins qu’on puisse dire, c’est qu’on est bien entourés. L’appui côté temps, affection, écoute, conseils (et bouffe, salut, Maman!) de nos familles est inestimable. Je n’imagine même pas comment on ferait si on en était privés.
C’est pourtant le cas de plusieurs parents. Leurs propres parents ne semblent pas souhaiter offrir une présence ou même donner du temps à leurs petits-enfants.
Pourquoi? Aucun des parents à qui j’ai parlé n’a osé le demander à ses aïeuls.
« C’est très difficile de parler de nos déceptions, de nos attentes et de nos espoirs à nos parents, remarque Philippe*. Ce n’est pas une génération qui a appris à prendre la critique. Ils sont rapides sur la gâchette : “ C’est ça, on est les pires grands-parents au monde! ” »
Ouvrir la discussion est pourtant la meilleure façon d’améliorer la situation familiale.
Selon la psychologue Suzanne Vallières, autrice de Le psy-guide des grands-parents, il peut être utile d’essayer de comprendre pourquoi ces derniers s’absentent de la vie de leurs petits-enfants : problèmes de santé? Manque de temps? C’est parfois difficile à envisager, mais les parents peuvent avoir leur part de responsabilité dans la situation.
« Certains grands-parents prennent leurs distances parce qu’ils ne peuvent pas s’occuper de leur petit-enfant sans que les parents essaient de tout contrôler », explique la psychologue dans Naître et grandir.
Est-ce qu’ils s’en tapent?
De son côté, Philippe aimerait bien ne pas tout devoir contrôler lors des rares fois où ses parents gardent ses trois enfants de 7, 9 et 12 ans. Les séances de gardiennage sont accompagnées d’une charge mentale énorme pour le papa, qui doit prévoir et emballer toute la nourriture, jusqu’à la moindre collation.
Philippe habite à 600 mètres de chez ses parents. Si la petite famille s’invite souvent pour une baignade l’été, que les grands-parents soient à la maison ou pas, les interactions s’arrêtent pas mal là.
« Considérant la proximité géographique, ça n’arrive pas souvent qu’on soupe ensemble », souligne le papa.
Ça pousse à faire de douloureuses réflexions : est-ce qu’ils s’en foutent complètement, de leur famille? Ou est-ce un manque de volonté?
Quand ça te tente pas…
Stéphanie, maman de deux garçons de 7 et 12 ans, ne compte plus les déceptions depuis que sa mère est devenue grand-mère.
Sitôt arrivée dans la chambre d’hôpital de sa fille avec son bouquet de fleurs rempli de fourmis, la mère de Stéphanie s’est consacrée à l’obtention urgente d’un papier signé du médecin lui accordant une journée de congé rémunérée pour nouveaux grands-parents. À peine un regard pour le nouveau-né : elle ne s’intéressait qu’au formulaire.
« Elle était vraiment agressive avec ça, se souvient Stéphanie. C’était fatiguant. Et une fois qu’elle a eu son papier, elle est restée 30 minutes. »
Le petit est né début mai. Sa grand-maman ne l’a vu pour la seconde fois qu’au Noël suivant. Elle lui a quand même offert un gros cadeau : une mini Mini Cooper à conduire lui-même (à six mois?), achetée en spécial chez Costco.
« On habitait dans un condo, je me demandais où j’allais mettre ça! » s’esclaffe Stéphanie.
La maman a moins ri à la naissance de son deuxième : crise d’appendicite à 36 semaines de grossesse, péritonite, opération d’urgence. Avec ses cicatrices toutes fraîches, l’accouchement n’a pas été jojo.
Exceptionnellement, la grand-mère a accepté de garder le grand frère de quatre ans pour l’occasion. Le petit garçon a toutefois été témoin des nombreux appels de sa grand-maman, qui informait à grands cris tout son cercle de connaissances que sa fille avait failli mourir.
« Le petit était juste à côté! se désole Stéphanie. Il a développé de l’anxiété par la suite », poursuit-elle.
Cette fois-ci, et malgré les demandes de sa fille, la grand-mère n’est pas venue la visiter à l’hôpital, même si ça aurait été chouette d’y amener le grand frère, histoire qu’il rencontre le nouveau bébé.
On était en été, et il n’y avait donc pas de possibilité de facturer une journée syndicale. C’est du moins la théorie de Stéphanie. Sa mère, elle, a dit avoir peur de faire la route toute seule. Elle a finalement rencontré son second petit-enfant six mois plus tard.
Depuis, la famille se voit aux fêtes de Pâques, de Noël, et à celle du plus vieux, qui coïncide avec la fête des Mères. Lors de ces occasions, la mère de Stéphanie s’assoit avec son verre de vin et « attend qu’on la serve ».
« Au début, ça me faisait de la peine, explique Stéphanie. J’étais jalouse de voir des grands-parents qui s’occupaient bien des enfants. »
Stéphanie a depuis appris à vivre avec, ou plutôt sans.
Le manque d’écoute quant aux besoins
« Mon beau-père, c’est juste un vieux câlice : on va régler ça tout de suite », lance Gisèle, qui ne mâche pas ses mots lorsqu’on la lance sur le sujet de ses beaux-parents.
Trois années sur quatre, il oublie leur fête. Les enfants de Gisèle, 8 et 11 ans, ne le voient presque jamais. « C’est le genre d’homme qui croit que quand ses enfants ont eu 18 ans, sa job était faite », illustre Gisèle.
La belle-mère de Gisèle, elle, veut aider… mais à sa manière. Jusque là, tout va bien : les grands-parents peuvent bien décider ce qui est en leur capacité de donner en termes de temps et d’aide. Là où ça accroche, c’est que la belle-maman souffre d’un manque d’écoute flagrant.
« Ma belle-mère a le cœur sur la main. Elle aide tout le monde, mais selon ses termes à elle », résume Gisèle. « Elle voulait me refiler la bassinette de son fils né en 1988, et elle était outrée que je ne veuille la prendre, même si elle n’était plus aux normes! », poursuit-elle.
C’est pas qu’ils ne les aiment pas!
Comme St éphanie, Philippe voit d’autres grands-parents s’impliquer auprès de leurs petits-enfants, et se prend à rêver : et si ses parents prenaient l’initiative d’une semaine de camping avec la marmaille? Et s’ils prenaient part aux activités parascolaires de l’école? Et s’ils venaient juste une fois célébrer la fête de son plus vieux, plutôt que de partir en voyage au même moment ?
« Ce n’est pas qu’ils ne les aiment pas, tempère Philippe. Mais ils ne font pas partie de leur quotidien. »
Comme Stéphanie et comme Philippe, Gisèle insiste : ce n’est pas que la grand-maman n’aime pas ses petits-enfants, loin de là. Ce n’est pas non plus de la mauvaise volonté.
C’est quoi, alors?
Philippe a d’abord pensé que c’était générationnel : un besoin de liberté, d’autonomie après une dure vie de labeur. Après tout, ses parents l’ont eu jeune. « C’est drôle, le message que ça envoie : est-ce que c’est ça que j’étais pour mes parents, une contrainte? », s’interroge le papa.
« Ce n’est pas la vision que j’ai pour moi quand je serai grand-parent à mon tour, estime Philippe. Je suis triste de voir qu’ils ne bâtissent pas de lien avec mes enfants. Je ne suis pas fâché : je suis juste déçu. »
*Par souci de confidentialité (et de ne pas gâcher des liens déjà ténus, vous comprendrez…), les prénoms des parents qui se sont confiés ont été modifiés.
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