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Quand le « trauma bonding » entre collègues aide à survivre au travail
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L’année 2015 restera toujours gravée dans la mémoire de Charlotte. C’était l’année de sa première job, celle où elle a fait connaissance avec le milieu de la restauration et la liberté de recevoir ses propres paies. Mais c’est aussi une année où elle a perdu 15 livres, d’innombrables heures de sommeil et, selon elles, plusieurs mois d’espérance de vie.
Ce qu’elle n’oubliera jamais, pourtant, c’est l’intensité des amitiés qu’elle a tissées avec ses « collègues de misère », comme elle les appelle.
« Il n’y a rien comme un emploi qui draine ton âme, pour te faire les meilleurs amis du monde! »
Son sourire sincère et nostalgique que je partage masque tout de même un problème très réel : celui des conditions de travail infectes endurées par de nombreux.euse.s professionnel.le.s.
Créer des connexions profondes avec ses collègues en réponse à un travail traumatisant, c’est une expérience de vie que beaucoup d’entre nous ont déjà vécue… ou vivent toujours.
Les liens sacrés du 9 à 5 toxique
Considérant qu’on passe la majorité de notre temps d’éveil à travailler, il semble normal de créer des liens avec nos collègues. Mais quand on travaille dans un environnement fatiguant, stressant, voire carrément hostile, développer un crush amical avec un.e collègue qui partage notre réalité est une sensation unique.
C’est une oreille qui comprend exactement nos difficultés, une soupape qui dédramatise nos moments difficiles et la seule personne qui peut comprendre notre humour noir ultra-niché en lien avec le travail.
C’est une bouée de sauvetage pour garder la tête hors de l’eau et parfois, notre seule motivation à nous lever le matin.
Je ne sais pas si je serais capable de faire comprendre à quelqu’un qui n’a jamais survécu à un emploi traumatisant grâce à un.e collègue à quel point ce soutien moral est salvateur. Vous n’avez qu’à demander à des soldats ou au personnel soignant en première ligne pendant la crise de la COVID, en 2020.
Les chiffres parlent. Selon plusieurs enquêtes américaines, avoir un ou une meilleur.e ami.e à la job augmente le sentiment d’accomplissement, réduit les risques d’épuisement professionnel… et même d’accidents de travail! À mon avis, il serait temps que la CNESST rende hommage à ces BFF de job qui nous ont littéralement porté.e.s sur leurs épaules année après année, tout au long de notre parcours professionnel.
Étrangement, dans bien des cas, ces liens extraordinaires ne survivent pas aux démissions des un.e.s ou des autres.
C’est comme si ces amitiés si pures et sincères existaient uniquement pour ce but précis :
nous permettre de passer au travers une nouvelle année avec un autre emploi alimentaire beaucoup trop angoissant ou un.e autre boss cauchemardesque.
Les bons amis ne laissent pas leurs amis s’enfermer dans un milieu de travail toxique
Charlotte s’en souvient : ça n’a vraiment pas été facile de quitter son premier emploi, malgré les horaires invivables, la clientèle aux limites du harcèlement moral et les ampoules aux pieds. Abandonner ses partenaires d’infortune, manquer les futures discussions philosophiques hilarantes et les prochaines crises, ça laisse un bleu à l’âme.
Elle n’est pas seule. Toujours selon l’étude de Gallup, les gens ont moins tendance à chercher un nouvel emploi s’ils ont un bon ami chez leur employeur actuel.
Sur Reddit, plusieurs internautes ont déclaré préférer théoriquement haïr leur job que haïr leurs collègues.
C’est cute, mais si votre employeur est toxique, ne tombez pas dans le panneau. L’amitié au travail vous rend plus productif et il n’est pas question de laisser vos mécanismes de défense psychologiques mettre plus d’argent dans les poches de patrons qui se fichent de votre bien-être.
La beauté des amitiés que vous avez su créer en période de stress ne doit pas vous aveugler : vous méritez un emploi avec de meilleures conditions. Votre work BFF aussi.