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Quand le conflit israélo-palestinien s’infiltre dans le contenu jeunesse

Quand le conflit israélo-palestinien s’infiltre dans le contenu jeunesse

C'est ce qui se passe aux États-Unis.

Par
Arianne Maynard-Turcotte
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Et si Passe-Partout avait un parti pris? Pas sur les brocolis ou les souliers à velcro, mais sur le conflit israélo-palestinien.

Ça peut sembler farfelu, mais c’est la controverse dans laquelle est plongée la YouTubeuse Miss Rachel depuis déjà quelques semaines.. Et ça divise. Ok je l’avoue, Miss Rachel n’a pas vraiment de parti pris (vous allez voir), c’est un raccourci.

Une comptine sur les lapins qui divise

Si vous avez un enfant en bas de 4 ans, votre algorithme vous a certainement fait découvrir Miss Rachel. Sinon, sachez simplement que Miss Rachel, c’est la YouTubeuse préférée des tout-petits. Une Passe-Partout américaine en salopette de jeans et au bandeau rose qui enseigne à ses 15 millions d’abonnés à bien prononcer les syllabes et à reconnaître les couleurs.

Mais si je vous parle de Miss Rachel, c’est parce qu’elle se retrouve d’une controverse en raison d’une vidéo d’elle et de sa nouvelle amie de 3 ans, Rahaf, qui chantent et dansent sur une comptine de lapin. Le problème? Rahaf est Palestinienne. Originaire de Gaza, la fillette de 3 ans a perdu ses jambes durant une frappe aérienne des forces armées israéliennes. Rahaf a dû être évacuée vers les États-Unis, où elle vit en ce moment avec sa mère chez une famille d’accueil.

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Miss Rachel est tombée sur une vidéo de Rahaf qui regardait son émission dans son salon du Missouri. Touchée, la YouTubeuse a organisé une rencontre à New York où elles ont bondi ensemble comme des lapins. Vous imaginez qu’il n’en fallait pas plus pour que certains appellent au boycott et pour qu’elle reçoive, évidemment, mais malheureusement, des menaces de mort.

Justifié, le boycott?

Miss Rachel n’a pourtant jamais caché son soutien aux enfants de Gaza. À de nombreuses reprises, la créatrice a publié des messages et des vidéos sur ses réseaux sociaux à leur sujet et a même récolté des fonds pour leur venir en aide. Si elle dit que ces sorties ont généré un élan de solidarité, force est de constater qu’il a aussi généré son lot de backlash.

Un groupe qui lutte contre l’antisémitisme a demandé au Procureur général des États-Unis d’ouvrir une enquête sur la créatrice, l’accusant d’être un agent du Hamas infiltré pour répandre de la propagande propalestinienne.

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Un agent secret qui chante les couleurs de l’arc-en-ciel avec Elmo, j’ai hâte de voir ça.

Invitée à répondre à ces accusations sur les ondes de CNN, Miss Rachel a déclaré : « Je me soucie profondément de tous les enfants : Israéliens, Palestiniens, juifs, musulmans, chrétiens. Je ne serais pas Miss Rachel si je ne parlais pas en leur nom et en leur nom à tous. »

Et ses converses blancs suivent ses babines: elle a déjà utilisé sa plateforme pour inviter les gens à se recueillir suite au décès d’enfants israéliens. Mais ça? Ça n’a pas fait de vagues.

Et Passe-Partout, dans tout ça?

Depuis le 7 octobre 2023, la tension générée par le conflit israélo-palestinien ne fait qu’escalader et diviser. On accuse des institutions, des personnalités publiques ou des partis politiques sur leur prise de position (ou sur leur silence, c’est selon) sur le conflit.

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Même le récent remake de Blanche-Neige et les 7 nains a vu sa campagne de promotion entachée par le conflit (Rachel Zegler, l’actrice interprétant Blanche-Neige, s’affiche ouvertement comme étant pro-Palestine alors que Gal Gadot, qui interprétait sa belle-mère, est Israélienne).

Pour Miss Rachel, qui nous a habitués à un univers d’arc-en-ciel et de positivisme, parler de la situation à Gaza, c’est un geste ouvertement politique.

Miss Rachel n’est pas qu’un personnage, c’est une créatrice de contenu indépendante qui ne dépend d’aucun studio ou de diffuseur (Netflix, mettons). Elle est donc dans en meilleure posture que plusieurs autres personnages pour enfants (Bluey, par exemple) pour décider ce qu’elle dit ou pas sur ses plateformes. Surprise : les créateurs de contenu jeunesse ont, eux aussi, des valeurs et des opinions (parlez-en à J.K Rowling). Qui sait, peut-être que le petit gars chauve dans CocoMelon a voté pour Trump?

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Toutefois, la question que je me pose est la suivante : les créateurs de contenu pour enfants ont-ils le droit d’afficher ouvertement leurs valeurs et opinions politiques? Peuvent-ils, et doivent-ils, aborder des sujets complexes, politiques ou sensibles, à travers des personnages destinés aux tout-petits?

Si Passe-Montagne disait qu’il aimait les papillons, les souliers neufs et la taxe carbone, on ferait quoi? On lui dirait de se mêler de ses marionnettes?

La vérité, c’est qu’il y a toujours eu des messages (voire des morales douteuses) dans les comptines, les contes et les émissions destinés aux enfants. On y parle de partage, de consentement, de respect, d’environnement… mais rarement de politique internationale.

Le scandale (!) de Miss Rachel nous invite à réfléchir à la manière dont on choisit d’introduire ou d’épargner les enfants de la réalité qui les entoure. Un enfant pourrait visionner la vidéo de Miss Rachel et simplement apprécier la chanson ; un autre pourrait demander à ses parents pourquoi la petite fille est amputée. Après, c’est aux parents de choisir quelles informations ils partagent ou pas. Après tout, à la vitesse à laquelle ils grandissent, ils le découvriront bien assez vite.

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