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Quand est-ce qu’on doit arrêter de se mettre tout nu devant ses enfants ?

Cachez cette foufoune que je ne saurai voir.

Par
Brigitte Hébert-Carle
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L’autre jour, à la pataugeoire, j’enfilais le costume de bain multicolore de sirène à ma fille. Elle était nue-fesses, tandis que son ami du même âge venait de découvrir qu’il avait un prépuce et voulait absolument me montrer sa fonctionnalité : « Regaaaaarde, regaaaaarde, la maman de Béatrice! ».

En quatre ans, je ne me suis jamais vraiment posé de questions sur les limites de la pudeur avec mon enfant. J’y vais à l’instinct, la nudité devenant presque superficielle. On s’entend, on est loin de l’enfance dans les camps de nudistes de Stéphane Rousseau, mais je change parfois ma fille en public et on prend des douches ensemble. Récemment, elle a passé certains commentaires sur mon corps, ou tout simplement révélé de grandes vérités comme : ​​« Les filles ont des vulves et les garçons ont des pénis ».

Tout ça se déroule naturellement, sans malaise, sauf que je me suis demandé : est-ce qu’il y a un âge limite pour se montrer nu devant nos enfants?

Pudeur, questionnements et petits malaises

Selon Geneviève Côté, sexologue et psychothérapeute, la pudeur chez l’enfant se manifeste généralement entre 4 et 7 ans. Évidemment, il est possible que ça arrive plus tôt ou plus tard, selon l’environnement dans lequel l’enfant évolue.

« Avec la pudeur, l’enfant apprend le respect des limites de son corps, du corps des autres, l’apprentissage des règles en société et des limites à respecter chez les autres », me dit-elle.

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C’est un peu le même principe que le consentement : on ne force pas un enfant à faire un câlin ou à en recevoir un s’il n’en veut pas. Il faut respecter les limites. Tout comme on ne force pas non plus la nudité à un enfant pour qui ça créerait un malaise. Ça va de soi. Même si j’ai encore de la misère à faire comprendre la notion de consentement de câlins à ma fille avec notre chat. Tout ça, c’est un work in progress.

Entre 3 et 7 ans, la curiosité de nos bouts de chou cogne à la porte plus souvent que des faux représentants de Bell. C’est là qu’ils vont développer des comportements psychosexuels et on doit les respecter, explique Mélanie Bilodeau, psychoéducatrice. « Par exemple, l’enfant peut commencer à s’intéresser aux parties génitales de l’autre, il va souhaiter faire de l’exploration, il va être curieux », ajoute Mélanie. Il veut comprendre, se comparer, et parfois même toucher.

Même si on sait que c’est de la pure curiosité ou de l’exploration, on ne doit cependant jamais laisser un enfant toucher à nos parties intimes.

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Pour Geneviève Côté, les questionnements de nos enfants sont de parfaites occasions à saisir pour faire de la pédagogie. On peut en profiter pour introduire la notion d’intimité et expliquer que « mon corps, c’est mon corps et ce n’est pas le tien ». Si l’enfant commente la forme de notre corps, avec des phrases du genre : « Maman, t’as un bedon rond », c’est le moment de jaser diversité corporelle et de normaliser les différences corporelles. Si c’est un commentaire sur un corps adulte, comme : « Tes seins sont plus gros que les miens », profitez-en pour parler de prépuberté. « C’est normal que le corps se transforme quand on grandit. Toi aussi, un jour, ça va t’arriver. »

Se mettre tout nu ou pas, là est la question

En ce qui a trait à l’âge maximal pour partager le bain avec son enfant ou pour se montrer commando devant lui, la sexologue nuance : « Il y a deux courants de pensée : les psychanalystes pensent en grande majorité qu’il faut arrêter de se montrer nu devant notre enfant vers 1 an. Toutefois, je penche plutôt vers l’autre courant de pensée, soit que l’âge varie selon les familles ». Mélanie Bilodeau abonde dans le même sens :

« Il n’y a pas d’âge limite dans la mesure où tout le monde est à l’aise. C’est quand le parent vit un malaise ou que l’enfant vit un malaise. Quand l’enfant commence à nommer son besoin d’intimité, à ce moment-là, il faut le respecter. »

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L’important est donc de rester à l’écoute de son enfant. Qu’il l’exprime avec des mots ou par le non verbal, il faut être à l’affût des signes. Par exemple, si notre coco détourne le regard, qu’il rougit face à notre nudité, c’est un signe clair qu’il est temps de changer ses habitudes. « Même chose pour les bains entre frère et sœur. Il est de notre devoir de parent de vérifier souvent avec le plus vieux si c’est toujours correct qu’il prenne son bain avec le plus jeune », ajoute Geneviève Côté.

Et dans les endroits publics?

Pour Mélanie Bilodeau, l’intimité de l’enfant commence dès sa naissance. Vers l’âge de deux ans, elle croit qu’il serait préférable d’arrêter de changer nos enfants en public. On s’entend, une couche vite vite sur le coin d’une table, ça va, mais de mettre notre enfant flambant nu à la pataugeoire et de le laisser se sécher les foufounes au gré du vent, ce n’est pas une bonne idée.

Leur enseigner l’intimité à un jeune âge, c’est protéger nos jeunes de possibles violences sexuelles. « Tout le monde a accès à des cellulaires. Votre enfant peut se faire prendre en photo par n’importe qui, n’importe quand », avertit la psychoéducatrice.

« On ne sait malheureusement pas qui est à côté de nous dans les endroits publics. »

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Plus l’enfant apprivoise la pudeur et établit des limites claires en ce qui a trait à son intimité, plus il sera facile pour lui de se faire respecter plus tard. Savoir dire non et choisir avec qui on partage notre intimité, c’est la base de la prévention des agressions sexuelles. Ma fille commence à comprendre, d’ailleurs. C’est la première à nous mettre dehors de la salle de bain quand elle veut faire pipi en déclarant : « Sortez, c’est mon intimité! ». Je pense avoir bien amorcé le travail, mais dorénavant, je vais me garder une plus grande gêne à la pataugeoire, juste au cas où un kodak baladeur passerait par là.