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Profession : marqueuse d’arbres malades

Passer ses journées au coeur des forêts de l’Alberta, on a déjà vu pire. 

Par
Mathilde de Kerchove
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Passionnée par la nature et tout ce qui y touche, Christine ne pouvait pas rêver mieux comme profession. Elle passe chaque hiver au cœur des forêts de l’Alberta, à traquer les arbres touchés par l’épidémie de dendroctone du pin, un insecte perce-bois indigène des régions occidentales. Un travail extrêmement physique et parfois effrayant, mais qui permet à ceux et celles qui l’exercent de vivre au grand air et d’être en immersion totale dans la nature.

On a jasé avec Christine, qui fait ce métier depuis 20 ans.

Trouver les arbres contaminés

Chaque automne depuis le début de l’épidémie du dendroctone du pin, le gouvernement de l’Alberta lance un programme pour éviter la catastrophe dans ses forêts. Des hélicoptères volent au-dessus des bois pour repérer les arbres rouges, couleur qui signifie qu’ils sont infectés et en voie de mourir. « Une fois qu’ils les ont listés, ils envoient les coordonnées géographiques de chaque arbre à ma compagnie et celle-ci nous envoie dans la forêt, explique Christine. C’est tout ce qu’on a pour trouver les arbres malades au milieu de ceux en bonne santé. »

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Muni.e.s uniquement d’un GPS, Christine et ses collègues sont alors envoyé.e.s chacun.e dans une zone. « On est jumelé avec un ou une autre collègue puis on conduit environ deux heures dans un camion pour arriver à la lisière de la forêt, poursuit-elle. Ensuite, on entre seul dans les bois et on trouve la manière la plus rapide d’aller à pied jusqu’au premier arbre rouge. De là, on crée un rayon de 50 mètres, dans lequel on inspecte chaque arbre. Et puis on marque tous ceux qui sont touchés pour les répertorier. Mes collègues viennent ensuite les abattre et les brûler pour éviter que l’épidémie se répande. »

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Entre 10 et 20 km par jour

Véritable guerrière de la forêt, Christine n’a rien à envier aux candidat.e.s de Survivor. En effet, cette marqueuse d’arbres passe parfois 30 jours consécutifs au cœur de la forêt, sans un seul jour de pause. « Je commence ma journée très tôt. Je me lève vers 5 h pour être sûre d’avoir un maximum d’heures de lumière, car c’est impossible de travailler quand le soleil se couche; il fait beaucoup trop froid puisqu’en journée, il fait déjà -35, et puis on se perdrait, c’est trop dangereux », explique-t-elle.

Ainsi, les employé.e.s font entre trois et cinq sites par jour avant de rejoindre leur camion. « On doit vraiment enchaîner les jours de travail, car ça représente une tâche monstrueuse et qu’il faut la faire vite. C’est pendant l’hiver que la bibite dort dans l’arbre. Et puis, comme il faut brûler les troncs, on ne peut pas le faire pendant l’été », mentionne Christine en référence aux feux de forêt fréquents dans la région pendant la saison estivale.

Pendant ses jours de travail, cette marqueuse d’arbre parcourt entre 10 et 20 km, le tout en dehors des sentiers et dans plusieurs dizaines de centimètres de neige. De quoi garder la forme avant l’été!

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Cougar et gaz acides

Guerrière, oui, mais consciente du danger aussi. Si Christine est complètement fan de son métier, elle connaît aussi les menaces que ce dernier représente. « Il y a pas mal de choses qui pourraient déraper pour quelqu’un de seul pendant des journées entières dans la forêt, souligne-t-elle. Il faut rester prudent, mais il ne faut pas y penser constamment non plus, sinon on bloque et on fait mal son travail. »

Pendant une dizaine de jours lors de son dernier contrat, Christine a d’ailleurs croisé à plusieurs reprises des traces de cougar. S’il s’agit d’un animal magnifique à observer dans un documentaire animalier, ce n’est pas le genre de rencontre qu’on aime faire seul.e dans la forêt. « Sur 20 ans en forêt, je n’en ai jamais vu, mais c’est ma phobie, raconte la marqueuse d’arbres. Finalement, j’ai appris que quelqu’un de la région avait été attaqué par un cougar. Ça devait sûrement être celui dont j’avais vu les traces. »

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Au-delà des bêtes sauvages, d’autres dangers sont à prendre en compte. Christine se souvient particulièrement d’une mauvaise expérience avec des gaz acides. « Il y a des pipelines dans cette région et donc il peut y avoir des gaz acides dans les forêts qui peuvent nous intoxiquer. Quand j’ai commencé mon métier, la première chose qu’on m’a dite sur ces gaz, c’est que si ça sent l’œuf pourri, c’est mauvais signe et il faut partir. Mais certains ne sentent rien du tout, et ça, c’est le pire », explique-t-elle.

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Un jour, alors qu’elle était – heureusement – accompagnée de son partenaire (il leur arrive rarement d’être en binôme), Christine a senti sa tête tourner et a eu une envie soudaine de se mettre en boule dans la neige. Son état a directement alerté son partenaire, qui les a emmenés loin de la zone. « Si j’avais été toute seule, j’aurais sûrement été intoxiquée », conclut Christine.

Enfin, il ne faut pas oublier qu’une fois dans la forêt, il est très compliqué pour les employé.e.s d’être joignables. « Une branche dans l’œil ou une jambe cassée, ça peut arriver plus vite qu’on ne le croit, dit Christine. Et si ça se passe à 5 km du camion, il faut se débrouiller. » Une fois la journée terminée, la compagnie contacte systématiquement les employé.e.s pour s’assurer qu’iels sont bien sorti.e.s de la forêt.

Malgré ces risques et dangers énoncés par Christine, ce métier peut aussi en faire rêver plus d’un.e.s. Pour se porter candidat.e, aucune formation n’est requise. Juste une passion pour la nature, comme possède notre experte. « Je fais tout ce que j’aime dans mon métier : marcher, ce qui me permet de me vider la tête, de me relaxer et être en pleine immersion dans la forêt. Pour moi, c’est idéal. »

Alors, prêt.e. à postuler?

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