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Profession : chirurgien de machines à boules

Dans son atelier de l’ouest de Montréal, celui qu’on surnomme Pinball Rob remet à neuf des machines antiques.

Par
Billy Eff
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URBANIA et le MEM – Centre des mémoires montréalaises collaborent dans la création de l’exposition Détours – Rencontres urbaines, présentée au MEM (1210 St-Laurent). Cette expérience immersive dévoile la richesse humaine qui compose Montréal, à travers la rencontre de 25 personnes extraordinaires qui l’habitent.

Dans le même esprit, nous vous présentons aujourd’hui Rob, un citoyen qui, à sa manière, incarne l’unicité de Montréal. Si vous aimez son histoire, vous adorerez les portraits singuliers présentés dans l’exposition Détours – Rencontres urbaines.

Le 9 avril 2017, le monde du pinball professionnel découvre l’élément qui, peut-être, l’aidera à retrouver sa gloire d’antan. Un jeune prodige de 13 ans du nom de Escher Lefkoff devient champion du monde, battant aisément des gens qui jouent au « flipper » depuis bien avant sa naissance. La nouvelle suscite un intérêt renouvelé pour ce jeu méconnu de celleux né.e.s après la chute du mur de Berlin. Pleins d’espoir, des acteurs du milieu espèrent même que le jeu d’arcade suivra les pas des jeux vidéo pour devenir une industrie de plusieurs milliards de dollars.

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Montréal, bien sûr, n’échappe pas à la tendance. Depuis quelques années, le boulevard Saint-Laurent accueille à nouveau un bar à « machine à piastres », le North Star. Et durant la pandémie, celui qu’on surnomme Pinball Rob a ouvert discrètement sa boutique de vente et réparation de machines de pinball juste derrière le nouveau Centre de santé universitaire McGill, dans Notre-Dame-de-Grâce.

Montréal, ville de pinball

On pourrait passer devant Pinball Medics sans trop remarquer le magasin, si ce n’était de la boîte bleue munie d’un joystick et d’un écran derrière sa vitrine qui permet jour comme nuit aux passant.e.s de jouer une partie ou deux gratuitement. « Il y a une gang de gars qui ont essayé de la briser, la semaine dernière, raconte Rob. Ils croyaient qu’il y aurait de l’argent dedans. Mais je garde ça gratuit et c’est le fun, tu vois des familles qui passent, des parents qui jouent avec leurs enfants. »

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Électricien pendant une grande partie de sa vie, Rob a grandi dans un Montréal où le jeu vivait encore sa période de gloire. La rue Sainte-Catherine, d’Atwater à Saint-Laurent, comptait plusieurs douzaines de salons de pinball et d’arcades, me dit-il. « J’ai toujours eu une passion pour le pinball, depuis aussi longtemps que je me souvienne. Je n’avais simplement pas pensé que je pouvais en faire un métier. »

Transformer son passe-temps en profession

Il y a quelques années, Rob achète sa première machine de pinball, mais elle est en mauvais état. Électricien de profession et mécanicien de voiture de drag racing hobbyiste, il se dit que la réparer pourrait être un projet de fin de semaine intéressant.

« Je ne dirais pas que c’est compliqué, mais il faut savoir ce qu’on fait et y consacrer beaucoup de temps, indique-t-il. C’est de la vieille technologie, personne ne peut t’enseigner comment faire. Tu l’ouvres, tu regardes les schémas et des vidéos, tu lis le manuel. Un jour, tu gosses avec et une lumière s’allume, c’est vraiment de l’essai-erreur. Ça m’a pris six mois, réparer ma première machine! »

Plusieurs centaines de machines réparées plus tard, Rob estime qu’une remise en état d’une machine prend environ une cinquantaine d’heures. Il fait tout lui-même dans son atelier de NDG, desservant le Québec et l’est de l’Ontario.

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Il s’est associé avec Michael Loftus, fondateur de la boutique et arcade Pinball Medics à Ottawa. Avant d’ouvrir la boutique de la rue Girouard, Rob faisait des aller-retour entre Montréal et l’Ontario pour réparer des machines dans l’atelier de l’entreprise. La pandémie ayant rendu ce genre de trajet hebdomadaire plus compliqué, Rob investit ses nouveaux locaux et y installe un atelier dans le sous-sol.

Si plusieurs services de réparation de machines de pinball à domicile sont offerts sur internet, c’est un service différent que propose Rob, selon qui la compétition est inexistante dans cette industrie au Québec. En plus d’être le plus grand magasin de pièces de pinball au Canada, la compagnie remet à neuf chaque machine qui entre dans ses ateliers.

Les vieilles ampoules cèdent leur place à des LED, plus efficaces. Les flippers, la vitre, le plunger, tout est remplacé par des pièces plus durables. Il suffit de jouer avec l’une des nombreuses machines vintages remises en état par Rob dans son magasin pour constater que la jouabilité n’a rien à voir avec les vieux pinballs que l’on trouvait auparavant dans les clubs vidéos d’un coin à l’autre de la province. C’est un peu comme conduire un vieux modèle de voiture remis à neuf.

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Un engouement propulsé par la familiarité

Si des gens de tous âges passent par le magasin et qu’il n’y a pas de démographie claire, Rob avoue que ce sont beaucoup d’hommes d’âge moyen qui achètent ces machines. « C’est une grosse scène, mais elle est cachée. C’est beaucoup de gens de mon âge, dans leur cinquantaine, qui les ont récupérées quand le gouvernement a sorti les pinballs des bars, dans les années 90, dit Rob. Il y en a plein qui collectent de la poussière dans des sous-sols. »

« Les gens retournent toujours à leur zone de confort, ajoute-t-il. Ces gens arrivent à un moment de leur vie et ressentent certaines émotions qui les poussent à revenir à des trucs qui leur plaisaient, plus jeunes. »

L’engouement renouvelé pour ce passe-temps niché est réel : selon l’Association internationale de flipper pinball (IFPA), entre 2006 et 2017, le nombre de compétitions à travers le monde est passé de 50 à 4 500, et le nombre de compétiteurs et compétitrices est passé de 500 à 55 000. Ce qui veut dire, comme vous pouvez vous en douter, que la demande, et donc le prix, des machines de pinball d’époque a augmenté. Une machine remise à neuf par Robert chez Pinball Medics vous coûtera en moyenne 6 000 $, avec garantie.

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« Si je te vends une machine, tu achètes avant tout une amitié, intime Rob. Parce qu’aussi longtemps que ça m’est possible, je m’occuperai de ta machine. Tu viendras au magasin jouer avec différentes machines, on va entretenir une relation à long terme. C’est pour ça que je ne considère pas Kijiji comme étant une compétition : ils te vendent un produit mal réparé, et ils ne sauvegardent même pas ton nom et numéro de téléphone! »

Depuis la fin septembre, les curieux et curieuses peuvent venir chaque vendredi au Pinball Medics de Notre-Dame-de-Grâce pour jouer librement aux différentes machines. Dans la boutique d’Ottawa, une arcade rattachée à un bar est ouverte tous les jours. « Tu te prends une bière, des ailes de poulet, et tu joues au pinball toute la soirée avec tes amis, c’est un autre vibe! », conclut Rob, en ajoutant que lui et son associé travaillent depuis un bon moment à l’ouverture prochaine du Musée canadien du pinball, près de Hawkesbury.

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Le portrait de Rob vous a donné le goût de plonger dans le Montréal insolite? Rendez-vous au MEM – Centre des mémoires montréalaises (1210 St-Laurent) pour visiter l’exposition immersive Détours – Rencontres urbaines (billets disponibles en ligne). Vous y découvrirez 25 personnes extraordinaires qui contribuent à donner une âme toute particulière à leur ville.

Lisa Grushcow, première rabbine ouvertement lesbienne du Canada, Lazylegz, danseur de breakdance à béquilles, Junko, artiste multidisciplinaire qui fait naître des œuvres d’art d’un tas de ferraille, Ramzy Kassouf, maraîcher urbain, Clifford Schwartz, propriétaire du bar country le Wheel Club… nos protagonistes ont des parcours de vie uniques, et de belles histoires à vous raconter.

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