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Prendre un bain dans le Saint-Laurent en plein hiver

Immersion dans une tendance qui n’a pas froid aux yeux.

Par
François Breton-Champigny
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Alors que le printemps est à nos portes, plusieurs attendent avec impatience de pouvoir se faire dorer la couenne au soleil et de patauger dans un plan d’eau par une journée caniculaire.

Mais pour d’autres, la fin de l’hiver et la fonte des glaces viennent ruiner le party puisque la transition vers le printemps signifie que les bains de glace dans le fleuve Saint-Laurent tirent à leur fin.

Oui, oui, vous avez bien lu. Des gens s’immergent volontairement dans les eaux glacées de notre cours d’eau national en plein hiver pour en ressentir les effets bénéfiques (on ne parle pas ici d’une engelure partielle du cerveau qui ferait oublier que l’on est en confinement depuis plus d’un an, malheureusement).

On s’est entretenu avec des adeptes de cette tendance et un expert pour comprendre ce qui motive quelqu’un à se garrocher dans le fleuve quand le mercure est dans le négatif.

Une épreuve physique et mentale

Lorsqu’il a fait le choix de se « tourner vers la lumière » et de sortir de la toxicomanie il y a 8 ans, Jonathan Sbrollini a décidé de consacrer toutes ses énergies à « amener le meilleur » de l’être humain. « J’ai fait plein de formations à travers les années en conditionnement physique, en yoga, en méditation, en philanthropie et en toxicomanie », énumère l’intervenant en toxicomanie.

Armés d’un pic à glace, Jonathan et ses acolytes se taillent littéralement un carré dans le fleuve pour pouvoir s’y jeter dedans.

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Depuis quelque temps, Jonathan amène certains clients à la plage de Verdun pour les initier aux bains de glace. Armés d’un pic à glace, Jonathan et ses acolytes se taillent littéralement un carré pour pouvoir accéder à l’eau du fleuve pendant quelques minutes qui peuvent paraître interminables pour les débutants.

Rendu à ce point-ci de la lecture, vous vous êtes probablement enroulé dans une couverte en vous demandant « Ben voyons! Pourquoi quelqu’un prendrait le risque de se transformer en Pogo mal dégelé? ».

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À cette question, Jonathan apporte plusieurs réponses. « Ça apprend à être résilient dans des moments de “détresse intense”, à passer à travers des choses difficiles. Quand on saute dans l’eau gelée, notre corps entre en choc et on se met à hyperventiler. Il faut donc apprendre à contrôler sa respiration et ses réflexes de survie pour passer à travers ce “danger”. C’est une leçon qu’on peut appliquer à plusieurs évènements de nos vies par la suite. Il y a aussi tout le côté “reconnexion” avec l’environnement qui est intéressant lorsqu’on fait ça dans le fleuve. On se réapproprie notre territoire, en quelque sorte », croit ce Montréalais originaire de Lachine.

«Ça apprend à être résilient dans des moments de “détresse intense”, à passer à travers des choses difficiles».

L’intervenant spécifie qu’il n’initie pas tous ses clients aux bains de glace, une activité qu’il qualifie « d’extrême » et « d’assez radicale » si on est pas bien préparé. « Ça prend des gens qui veulent pousser leurs limites et qui sont prêts à souffrir. Il faut toujours s’assurer de toucher au fond et de ne pas être trop loin de la berge. Si on ne fait pas attention, on peut carrément mourir ».

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Se les geler pour aller mieux

« J’ai toujours été quelqu’un qui aime se dépasser et vivre des expériences intenses. J’ai beaucoup lu sur les bienfaits mentaux et physiques de l’immersion en eau glacée et j’ai voulu l’intégrer dans mon processus de “remise sur pied” général », explique Alex Auray, un des clients de Jonathan souffrant d’anxiété qui s’est récemment mis aux bains de glace.

Depuis sa première fois où il a tenu à peine 2 minutes dans le fleuve en pensant « choker » à tout moment, Alex fait maintenant des sessions de 5 minutes quotidiennement et prend régulièrement des douches très froides le matin pour commencer ses journées. « À part l’euphorie que je retire chaque fois que je réussi à tougher dans l’eau, j’ai réalisé que je suis capable d’aborder des situations stressantes beaucoup plus calmement depuis que je fais ça », affirme-t-il, ajoutant du même souffle avoir lui-même initié des amis à cette pratique.

«j’ai réalisé que je suis capable d’aborder des situations stressantes beaucoup plus calmement depuis que je fais ça.»

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Pour Jonathan Lachapelle, fondateur du groupe Facebook Wim Hof Montréal, nommé en l’honneur du célèbre « homme de glace » qui a popularisé une technique de respiration et de thérapie au grand froid, les bains de glace dans le fleuve ont carrément changé sa vie. « J’ai commencé à faire des bains de glace dans ma cour arrière avec des amis il y a environ un an et ça fait deux ans que je m’intéresse aux techniques de respiration et aux traitements à la douche froide », raconte ce couvreur de profession.

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Après le décès de l’un de ses meilleurs amis, Jonathan a traversé un épisode dépressif et s’est tourné vers des avenues alternatives à la médication pour se relever. « À un moment donné, je suis tombé sur les enseignements de Wim Hof qui expliquent que l’exposition au froid peut aider à traiter des troubles dépressifs et à “redémarrer la machine”. Je n’y croyais pas trop trop au début, mais après avoir essayé ses techniques de respiration, j’ai tout de suite remarqué une différence dans mon anxiété généralisée ».

Il n’en fallait pas plus pour que Jonathan « tombe en amour » avec les techniques de « l’homme de glace » le plus connu au monde et décide de suivre une formation pour apprendre les bases de ses enseignements afin d’initier d’autres adeptes. « J’ai créé un groupe Facebook pour les personnes qui sont souhaitent tenter l’expérience et pour “spread the word” sur les bienfaits des techniques de Wim Hof. Habituellement, on va en gang chez quelqu’un qui a un espace pour faire des bains de glace dans le nord, mais avec la COVID, c’est rendu impossible donc on s’est dit qu’on tenterait le coup dans le fleuve pour avoir plus d’espace ».

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Prendre sa glace égale

Si on en croit les témoignages de Jonathan Sbrollini, Alex Auray et Jonathan Lachapelle, les bains de glace semblent avoir des effets positifs indéniables. Mais l’enthousiasme vis-à-vis ce type de pratique est-il justifié ? Oui et non selon François Bieuzen, physiologiste et expert en récupération à l’Institut national du sport du Québec qui s’intéresse aux impacts du froid sur la récupération corporelle depuis 15 ans.

« Il y a bel et bien des impacts positifs documentés et prouvés quant à l’utilisation des bains froids, mais il faut faire attention de ne pas tout mettre dans le même panier », prévient le physiologiste.

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L’immersion en eau très froide aurait notamment des effets analgésiques pour certains types de douleur musculaire et de courbatures, comme après un marathon par exemple, et des effets bénéfiques sur le système nerveux central. « Ça déclenche une sorte de cascade de réactions hormonales et chimiques qui stimulent le bien-être. C’est même prouvé que les bains glacés peuvent aider à améliorer les syndromes dépressifs », explique François Bieuzen.

«Ça déclenche une sorte de cascade de réactions hormonales et chimiques qui stimulent le bien-être».

Le physiologiste de l’INS Québec amène cependant un bémol. « Certains soutiennent que les bains de glace peuvent aider à faire fondre la masse adipeuse, donc à maigrir. D’autres estiment qu’ils aideraient à stimuler le système immunitaire. Dans les deux cas, des études intéressantes ont été menées, mais les résultats n’ont pas été concluants. Il faut donc faire attention avant d’affirmer de telles choses ».

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Comme bien des choses dans la dernière année, les bains de glace dans le Saint-Laurent n’ont pas échappé à un élan de popularité si on en croit Jonathan Sbrollini. « Avant, j’y allais tout seul avec ma blonde et maintenant, du moment que je publie quelque chose sur Instagram, je me fais bombarder de messages de gens qui veulent l’essayer, amène l’intervenant en toxicomanie. Je crois que la pandémie a fait en sorte que plusieurs personnes se sont retrouvées privées d’activités stimulantes du jour au lendemain et que les bains de glace sont venus combler ce besoin-là ».

«C’est comme n’importe quoi d’extrême: si tu pousses trop les limites, ça peut être dangereux.»

S’il se réjouit de voir de plus en plus de curieux essayer cette activité, Jonathan espère que les gens sauront bien juger les enjeux inhérents à cette pratique. « C’est comme n’importe quoi d’extrême: si tu pousses trop les limites, ça peut être dangereux ».

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Après tout ça, on espère secrètement que François Lambert va bientôt passer à la prochaine étape et qu’il s’immergera dans le fleuve à l’occasion d’une vidéo virale. Si tu le fais François, possible d’envoyer un petit shoutout à URBANIA s’il te plaît?

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