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Premiers pas

Par
Pascal Henrard
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Je ne me souviens pas de mes premiers pas. Mais je regarde ce papa qui court après son bébé de 10 ou 12 mois et je remarche dans ma tête comme si c’était la première fois.

Quand on est haut comme trois pommes, les adultes sont des géants, le monde est infini, la margelle du trottoir est une falaise insurmontable et la table du salon ressemble à la rive inatteignable d’un fleuve impétueux caché sous les poils du tapis shag. Pourtant, ça n’empêche pas bébé d’avancer.

Le monde des adultes n’est pas celui des enfants. Mais quand on grandit, c’est le seul qui nous reste. Un monde trop grand, trop complexe, avec trop de règles, trop de barrières, un monde contaminé, tiraillé, excessif, épuisé. Un monde sans l’insouciance ni la légèreté de nos premiers émois.

Même pas à pas, ce monde-là, on ne l’apprivoise jamais tout à fait.

C’est beau un bébé qui découvre l’art de se tenir debout et qui est confronté à l’inexorable loi de la gravité. Un pas, une chute. Bébé se relève, sans complexes, tendu sur la pointe des mains, la couche pointée vers le ciel, il pousse sur les bras, double vrille, lâché des mains, levée des bras, équilibre presque parfait. Rechute. Fou rire.

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Recommencer inlassablement les mêmes mouvements. Pour apprendre. Apprendre encore. Un bébé n’arrête jamais d’apprendre.

Quand est-ce que, devenu adulte, on arrête d’apprendre pour croire qu’on sait tout?

Le bébé file entre les tables du café où je suis attablé. Son papa le saisit par les aisselles, le lève dans les airs et le fait tourner comme un manège. Ça y est, il vole. Le bébé rit aux éclats. Il n’a pas peur. À son échelle, il est à 15 mètres du sol. Objet volant hilare. Si papa lâche, il se fracasse. Mais le bébé fait confiance aux autres. Il ne sait pas encore que la malhonnêteté, le mensonge et la corruption existent.

J’aimerais qu’un géant me prenne à bout de bras comme un papa, qu’il me fasse valser dans les airs comme un bébé. Pour voir le monde de haut. Ne plus sentir le poids des responsabilités. Regarder l’univers qui tourne avec légèreté et insouciance. Monter au ciel, danser avec les nuages, voir les choses d’un autre angle et retomber sur les pieds.

Je rirais aux éclats. Comme si l’année venait de recommencer.

Pour suivre mes envolées sur Twitter: @pascalhenrard

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