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Pratiquer le naturisme en famille

Pratiquer le naturisme en famille

Après tout, on naît tout nu.

Par
Marie-Ève Martel
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Les parents d’Arnaud Beauchamp étaient déjà naturistes lorsqu’il est venu au monde. Il a donc baigné dans le mouvement dès sa tendre enfance, et il en garde un précieux souvenir. Sa famille est d’ailleurs propriétaire du centre écologique et naturiste La Pommerie, à Saint-Antoine-Abbé, où il a passé de nombreux étés.

« C’était le paradis, dit-il. J’avais beaucoup d’autonomie et une grande confiance. Tout le monde se connaissait et j’étais en sécurité. »

Adolescent, il a vécu des étés mémorables. « On était une gang d’ado, environ une quinzaine, qui jouaient au volleyball ou qui se baignaient, relate Arnaud. Si c’est difficile physiquement de vivre nu parmi des gens de ton âge, moi, j’ai trouvé ça très thérapeutique », dit celui qui s’est éloigné du milieu au début de sa vie d’adulte, pour mieux y retourner au tournant de la trentaine.

Pour sa part, Viviane (nom fictif) expérimente avec le naturisme depuis une dizaine d’années avec son conjoint.

« On a commencé à notre appartement, puis dans les baignades naturistes, dit-elle. Ensuite, on a acheté une maison avec pour principal critère d’avoir une cour privée où pouvoir être nus. »

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En 2022, la venue au monde de leur enfant n’a rien changé. « On est nus à la maison, et on l’emmène à La Pommerie », indique Viviane.

Pour celle-ci et son conjoint, initier leur enfant au naturisme est une manière de lui faire voir la nudité humaine « comme quelque chose de naturel et non d’intrinsèquement sexuel ». « On veut qu’il trouve ça normal d’être nu, et ce, dans différents contextes qui n’ont rien de sexuel », précise-t-elle.

Dissocier nudité et sexualité

« Le naturisme est un désir de liberté, soutient David (nom fictif). Pour nous, les vêtements sont une entrave qui nous sont imposés par convention sociale. »

« Il est très difficile de déterminer si la pudeur est innée ou acquise », renchérit Arnaud.

Pour preuve, de nombreux enfants ont naturellement le réflexe de se déshabiller.

« Plusieurs parents sont venus à la Pommerie et ont réalisé qu’ils avaient élevé leurs enfants dans la peur de la nudité, poursuit Arnaud. Ils ont alors pris conscience du rôle qu’ils avaient joué à inculquer cette honte d’être nu. »

Grandir dans une famille ou un milieu naturiste a pour effet de changer la perception qu’on peut avoir de notre propre corps et des idéaux physiques, affirment nos interlocuteurs.

« Les enfants sont ouverts à la différence : on est tous différents, on a des formes différentes, mais on est avant tout un être humain », croit David, dont la conjointe a aussi adopté le mode de vie naturiste avec ses enfants.

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« Quand on est naturiste, on dissocie la nudité et la sexualité, précise Arnaud. Nous, quand on voit des corps nus, ça ne nous excite pas. À la manière d’une œuvre d’art, on peut le trouver beau, mais ça ne signifie pas qu’on veuille le toucher ou le posséder. »

Selon lui, c’est l’absence d’exposition à la diversité des corps qui instille le dégoût. « Quand tu vois différentes silhouettes, des cicatrices, des vergetures, de la cellulite, des seins tombants ou inégaux, des bourrelets, une certaine familiarité s’installe. Plus tu vois de diversité, plus la douceur s’installe dans ton regard », détaille Arnaud, qui affirme que cette vision l’a « aidé » dans ses relations amoureuses tout au cours de sa vie d’adulte.

Si c’est ce que l’enfant veut

Les parents naturistes n’imposent pas leur mode de vie à leurs enfants : le consentement est primordial, souligne David, qui a adopté cette pratique avec sa conjointe au début de leur relation, après plusieurs années de curiosité.

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La conjointe de David a deux enfants, Cindy et Sébastien (noms fictifs), qui étaient âgés de huit et deux ans et demi lorsqu’il est entré dans leur vie.

Sébastien étant alors très jeune, la nudité ne semblait pas le déranger. « Il aimait bien prendre son bain avec n’importe quel adulte, relate David. Le contact avec la nudité s’est très bien passé, aussi bien avec sa maman qu’avec moi. »

David n’était toutefois pas à l’aise de se montrer nu devant sa belle-fille. « Je tenais à respecter son intimité, même si ma conjointe et son fils se promenaient nus dans la maison », confie le résident de la Montérégie.

« Le malaise a duré cinq secondes. C’est la seule fois que je me suis exposé volontairement devant les enfants », dit-il.

Quelque temps plus tard, Cindy a fini, tout naturellement, par adopter le naturisme, comme le reste de sa famille.

La sécurité d’abord

Le clan a donc entrepris, avec l’aval de tous ses membres, de fréquenter des sites naturistes familiaux.

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« On a décidé d’aller dans un camping naturiste, et les enfants étaient plus enthousiastes que ma femme! témoigne David. En famille, c’est une chose, mais elle craignait qu’on soit vulnérables en public. »

Même si les enfants sont à l’aise d’être nus à la maison, il n’en sera peut-être pas de même dans un lieu extérieur fréquenté par des étrangers, nuance Arnaud Beauchamp. Ainsi, il vaut mieux s’assurer de leur confort avant de les y emmener.

« Plusieurs parents me demandent s’ils devraient emmener leurs enfants. Ma réponse est toujours : ‘’demande-le leur’’, dit-il. S’ils ne veulent pas et qu’ils y sont emmenés, c’est là que l’expérience peut être négative. »

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« S’ils sont juste gênés, allez-y, regardez comment ça se passe, et s’ils découvrent par eux-mêmes que ce n’est pas leur truc, respectez leur décision de ne pas revenir », ajoute-t-il.

Fait à noter, ces sites, où demeurent plusieurs campeurs saisonniers, ne permettent pas aux adultes seuls de se présenter, sauf s’ils sont référés par des habitués de l’endroit et sous certaines conditions.

« Dans les sites naturistes, les gens se foutent de la nudité, souligne David. Le monde du naturisme c’est zéro exhibitionniste, zéro voyeuriste : les gens qui ont ces tendances-là sont expulsés par la communauté elle-même. Ces comportements ne sont pas acceptés parce qu’ils sont une atteinte à la liberté des membres et à leur sentiment de sécurité. »