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Pourquoi y’a plein de logements vacants en pleine crise du logement?

Disponible et accessible, c'est pas la même chose!

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Vous avez peut-être remarqué, en vous promenant dans vos quartiers, des pancartes « À louer» toujours bien accrochées, plusieurs mois après le 1er juillet.

Pourtant, on nous répète sans arrêt qu’on vit une crise du logement sans précédent, que les locataires (particulièrement les familles) ont de plus en plus de difficulté à se trouver un toit, qu’il faut vite construire plus de logements.

Pourtant, on dirait qu’on a la solution à notre problème, non? Comment ça se fait que des logements restent vacants alors que les gens cherchent désespérément?

Nous en avons parlé avec Camélie*, propriétaire de logements et Véronique Laflamme, porte-parole pour le FRAPRU (le Front d’action populaire en réaménagement urbain).

En effet, il y a plus d’inoccupation

Véronique Laflamme, du FRAPRU, me rassure : cette plus grande inoccupation des logements, je ne l’ai pas imaginée. « Lors du dernier rapport de la Société canadienne d’hypothèques et de logements (SCHL), on constatait qu’au centre-ville de Montréal, entre autres, le taux d’inoccupation avait dépassé le seuil d’équilibre du marché de 3 %. Dans Ville-Marie, par exemple, il était à 5,2 % en octobre 2024. Le plus récent rapport n’est pas encore sorti, mais on le voit depuis quelques mois, en particulier à Montréal, que des logements sont disponibles. »

Par contre, les logements qui sont disponibles sont souvent chers.

Les logements abordables, eux, sont de plus en plus rares.

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Camélie, qui est propriétaire avec son conjoint d’un bâtiment comprenant 4 logements dans Rosemont, a remarqué la situation : il est plus difficile cette année de louer ses logements. D’ailleurs, une de ses unités (un 5 1/2) est restée inoccupée depuis le 1er juillet.

« Normalement, le logement, en une fin de semaine, il est loué. Je vais le faire visiter deux fois maximum. »

Cette année, ça a pris plusieurs mois, avec très peu de visites. Même après avoir diminué le loyer demandé, les visites sont restées rares. Comment Camélie s’explique-t-elle ce phénomène?

« J’ai beaucoup d’amis qui sont locataires. [J’ai l’impression] qu’il y a moins de gens qui déménagent. Les gens, ils ont trop peur, avec les évictions et tout ça. […] Les dernières années ont été difficiles pour les locataires. […] Maintenant, les gens, ils cherchent LA perle. »

L’impression de Camélie, c’est qu’avec le prix actuel des loyers, les locataires ont peut-être une moins grande mobilité.

Quand ils s’installent, ils veulent s’installer pour de bon.

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« On me demandait : ”Mais là, est-ce que vous voulez garder le bloc? Est-ce que vous allez le vendre?” Il y avait une petite panique, comme s’ils voulaient se blinder pour les prochaines années. »

Si Camélie a l’impression de voir le rapport de force entre les propriétaires et les locataires s’inverser tranquillement (ce qu’elle accueille, par ailleurs; elle m’a parlé pendant plusieurs minutes de son découragement envers les hausses abusives et les propriétaires qui voient le logement comme une façon rapide de s’enrichir en négligeant leurs locataires), Véronique Laflamme, du FRAPRU, n’arrive pas au même constat :

« Nous, dans les comités logements, c’est ce qu’on voit quotidiennement, c’est des locataires désespérés de ne pas trouver un logement qu’ils sont capables de payer. On n’a pas l’impression d’être dans ce modèle-là où les locataires ont le choix. […] les témoignages qu’on a, dans les comités logements, les locataires à qui on parle, c’est des locataires qui font face à des difficultés immenses pour avoir accès à un logement décent. »

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La disponibilité, ce n’est pas l’accessibilité

L’enjeu, c’est que les petits propriétaires occupants comme Camélie (qui habitait le fameux logement vacant il n’y a pas si longtemps) ne sont pas la norme. Il y a beaucoup de grosses compagnies à numéro qui sont propriétaires de nombreuses unités et qui cherchent avant tout à maximiser leurs profits, aux dépends de l’abordabilité.

Véronique Laflamme me rappelle d’ailleurs les reportages de Véronique Dubé de Noovo qui a dévoilé que des blocs entiers de logements abordables étaient laissés vacants, dans le but d’éventuellement pouvoir en augmenter les loyers.

Pour Véronique, la solution passe entre autres par les municipalités : « Maintenant, les villes ont le pouvoir de les taxer, mais aucune ville n’a encore adopté de règlement pour taxer les logements vacants […]. Ça serait un outil pour mettre une certaine pression sur les propriétaires qui laissent des logements vacants volontairement. »

« Et s’il y avait une taxation des logements vacants, peut-être que les prix diminueraient un petit peu. »

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La situation est complexe. Comme me l’explique Camélie, sa marge pour diminuer le loyer est limitée : « Nous, on l’a augmenté avec les pourcentages [proposés par le TAL]. Mais avec la hausse des taux hypothécaires, le bloc, actuellement, n’est pas rentable. » En plus, Camélie et son conjoint ont acheté leur bloc avant la flambée pandémique des prix : « Puis, nous, quand on l’a acheté, il était à un bon prix. On serait potentiellement pas capables de l’acheter maintenant. »

Véronique comprend la situation dans laquelle se trouve Camélie. En effet, avec le prix actuel des constructions neuves, c’est difficile de faire des profits et d’offrir des logements abordables aux locataires qui ont une capacité limitée de payer (selon la SCHL, en 2023, le revenu médian des locataires à Montréal se situait à peine au-dessus de 54 000 $) : « On a l’impression que le marché est vraiment déconnecté de la réalité de la capacité de payer [des locataires]. C’est pour ça qu’on insiste autant sur l’importance d’avoir une offre de logements sans but lucratif, que ce soit des coopératives ou des logements publics […]. Une mère monoparentale qui est commis d’épicerie, elle peut pas se payer un logement à 2 500 $. »
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En attendant que les gouvernements s’investissent réellement dans le logement abordable, une bonne nouvelle pour Camélie : après notre appel, son logement a finalement trouvé preneurs ; une famille y emménagera sous peu!
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