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[NDLR: Le reporter Vincent Fortier est en mission. Il est parti explorer les coulisses d’édifices ou de lieux emblématiques de Montréal. Dans ce premier reportage, il dévoile les secrets de l’Université McGill]
Pour un gars comme moi qui a reçu la majorité de sa formation universitaire dans le (très brun) pavillon Judith-Jasmin de l’UQAM, fouler le campus de l’Université McGill, en plein cœur du centre-ville de Montréal, c’est être catapulté dans un film américain pour ados qui souligne tous les clichés.
Vous savez, la blonde sans ambition, le meilleur ami geek, le sportif aux pecs parfaits et la-laide-qui-n’est-finalement-pas-laide qui se mêlent sur le gazon plus vert que vert de leur établissement collégial ou universitaire de renom.
Après tout, McGill est la Harvard du Canada. Ce n’est pas moi qui le dit, mais bien Marge dans un épisode des Simpsons. Pas de farce! Vrai que la réputation de la première université montréalaise – dans les classements et dans le temps – n’est plus à faire. Deux premiers ministres canadiens, trois astronautes, trois chefs d’État étrangers, et douze Nobels y sont passés. Ajoutez à cela 9 Oscars, 3 Pulitzer et 28 médailles olympiques…
J’ai visité le campus avec le professeur Peter McNaly, directeur du projet Histoire de McGill, pour voir si l’institution était à la hauteur de sa réputation. Voici cinq raisons qui prouvent hors de tout doute que McGill est awesome.
1. McGill, c’est Clue!
C’est au Faculty Club, rue McTavish, que Peter McNaly m’a donné rendez-vous. En poussant la porte, je me retrouve devant un spectaculaire escalier qui mène au deuxième étage et qui me fait croire que je suis dans un manoir perdu au milieu de la campagne de la Nouvelle-Angleterre. La maison a appartenu à Alfred Baumgarten, un Allemand magnat du sucre, arrivé à Montréal en 1873 et a plus tard servi à loger les recteurs de McGill. À l’intérieur, on a conservé avec brio la décoration de la salle de bal, de la salle à manger ou du conservatoire, où le professeur – McNaly, pas Plum – et moi s’assoyons pour discuter. Alors qu’il me parle de James McGill, je regarde autour de moi pour m’assurer que je ne vois pas un chandelier ou un tuyau de plomb. Je me dis qu’il doit forcément y avoir des passages secrets ici. C’est sûr. Qu’il suffirait de tirer un livre de la bibliothèque pour me retrouver dans un sombre corridor. Mais j’en ressors bredouille.
2. McGill a un tyrannosaure!
Je pourrais m’arrêter ici. Un pavillon qui ressemble à Jurassic Park, c’est suffisant pour obtenir le titre de meilleure université au monde! Le dinosaure qui trône au milieu du musée Redpath, au cœur du campus de McGill, n’est pas un T-Rex, mais un gorgosorus, un proche cousin. Perso, je crois que l’université devrait adopter le gorgosorus comme emblème pour remplacer le vulgaire martinet rouge qui orne ses armoiries.
À écouter Peter McNaly me raconter l’histoire du musée, je me rends compte que la construction du bâtiment est digne de celle du Taj Mahal. Une vraie histoire d’amour. À la fin du 19e siècle, l’un des plus importants recteurs de McGill, John William « College » Dawson, un passionné de science qui ne croit toutefois pas aux théories de Darwin, souhaite quitter l’université pour Princeton. Pour le convaincre de rester, on lui construit le musée Redpath, inauguré en 1882. C’est le plus vieux bâtiment du pays conçu à des fins muséales au pays. Courez-y, l’entrée est gratuite – on demande en fait une contribution volontaire.
3. McGill a « inventé » le hockey
C’est vrai que le hockey est né à McGill?, que je demande au professeur. « C’est ce qu’on aime dire. Pour nous, c’est vrai », me dit-il pendant que l’on marche à côté de la patinoire extérieure où l’on joue… au ballon-balai. En fait, c’est la première équipe de hockey qui a été formée à l’université. Elle a sauté sur la glace pour la première fois en 1877, quelque temps avant que le premier livre de règlement ne soit écrit, également à McGill.
L’université est aussi liée à la naissance d’autres sports. La première partie de rugby en Amérique du Nord a été disputée à Montréal entre des étudiants de McGill et des membres de l’armée britannique, en 1868. Puis, le premier match de football américain, en 1874 à Boston, mettait aux prises Harvard et McGill. C’est aussi un diplômé de l’université, James Naismith, qui a inventé le basket-ball, aux États-Unis, en 1891.
4. McGill a autant de pouvoir que ma mère
En entrant au pavillon Birks, rue University, on est accueilli par une dizaine de paires de bottes et de souliers. Comme je croyais que seule ma mère pouvait m’obliger à retirer mes godasses, je me dis que je dois être ici dans un lieu important. Le bâtiment, nommé en l’honneur du célère bijoutier, abrite la Faculté des études religieuses – autrefois la Faculté de la Divinité – et est probablement un des plus charmants de McGill.
À son architecture, on reconnaît tout de suite la fonction de l’édifice, mais on ne peut y attribuer aucune religion spécifique. Depuis 1852, McGill est un établissement non confessionnel, m’explique Peter McNaly. D’ailleurs, la chapelle du deuxième étage ne présente pas de scènes religieuses sur ses vitraux, mais bien les blasons d’universités sœurs et des provinces canadiennes. En face, la salle de lecture est un secret bien gardé. La pièce, qui n’a rien à envier aux grandes universités américaines, offre un espace de travail spectaculaire pour les quelque 35 000 étudiants de McGill.
5. McGill = fun
En me promenant entre les différentes facultés avec le professeur McNaly, quelque chose me frappe. Pavillon, salle et musée Redpath nommées en l’honneur de John Redpath, magnat du sucre. Campus et nombreux pavillons MacDonald nommés en l’honneur de William Christopher MacDonald, magnat du tabac. Résidence Molson nommée en l’honneur de John Molson, magnat de la bière. Avec cet héritage, je comprends pourquoi le magazine Playboy a inclus, en 2006, McGill parmi les 10 meilleures party schools en Amérique du Nord. James McGill doit se retourner dans sa tombe. En fait, qui était Mcgill, à part une station de métro en rénovation? James McGill, marchand écossais établi à Montréal qui a fait fortune dans la fourrure, possédait les terrains où se trouve aujourd’hui le campus. Dans son testament, il lègue ses terres et 10 000 $ pour qu’on pose les bases de la première université montréalaise. Son souhait se réalise en 1821. Ses restes sont depuis 1875 enterrés sur le campus. Voilà, vous aurez au moins appris quelque chose à la lecture de ce texte!