.jpg)
Pourquoi la conciliation famille travail sera encore plus importante à l’avenir
Amélie* est enseignante au secondaire et mère de deux enfants qui auront bientôt 2 ans. En entrevue, elle ne cache pas que le télétravail de ces derniers mois a été dur à supporter. «Avec le COVID c’est l’enfer, c’est pas vivable, je vais me tirer une balle, excuse-moi l’expression. Je me retrouvais à temps plein avec mes filles à enseigner à distance. Donc, imagine donner un cours avec deux bébés qui hurlent».
Perso je n’ai pas d’enfant, mais je n’ai pas trop de mal à imaginer la difficulté de la tâche.
Pour elle, la conciliation famille travail (CFT) est un enjeu essentiel. «Si je trouve un emploi qui me permet d’avoir une meilleure CFT je le considérerais, oui», assure-t-elle.
Elle n’est pas seule dans ce cas. Selon un sondage Léger réalisé à la mi-mai auprès de parents ou proches aidants québécois, c’est un peu plus d’un répondant sur deux (53%) qui se dit prêt à changer d’emploi pour obtenir de meilleures conditions de CFT.
De nouvelles difficultés pour les familles
Selon Marie Rhéaume, directrice générale du Réseau pour un Québec Famille (RQF), qui a commandé le sondage, les résultats de l’enquête indiquent que la crise sanitaire a fait émerger de nouvelles difficultés pour les familles.
C’est le cas pour Virginie L’Écuyer, la mère de Louis, un jeune garçon de 6 ans atteint d’une maladie génétique rare qui demande des soins au quotidien. Comme il a une santé précaire, Virginie et son conjoint ne souhaitent pas le renvoyer immédiatement à l’école. «Il va y avoir beaucoup de questions au moment de la reprise, il y a vraiment une notion de qu’est-ce qu’on fait avec notre fils?»
«Avant la crise c’est 49% des gens qui ne faisaient jamais de demande d’accommodement, c’est énorme.»
Marie Rhéaume considère que, dans le contexte d’incertitude actuel, c’est aux entreprises de mettre en place des mesures de CFT adaptées afin de rassurer les employés. «Avant la crise c’est 49% des gens qui ne faisaient jamais de demande d’accommodement, c’est énorme». Les parents avaient l’habitude de se tourner vers leurs voisins ou les grands-parents, ce qui est beaucoup plus complexe maintenant. «Mes grands-parents, ils ont autour de 70 ans donc ils rentrent dans la tranche d’âge à risque», indique Amélie.
La flexibilité avant tout
Face à la complexité de la situation, ce dont les parents ou les proches aidants ont besoin c’est de flexibilité de la part de leur employeur. Ils veulent être capables de partir et revenir au besoin, de maintenir des possibilités de télétravail ou d’horaires comprimés.
Cette flexibilité, Virginie, qui travaille au Théâtre des Deux Rives à Saint-Jean-sur-Richelieu, en a bénéficié dès qu’elle a appris la condition de son fils. Elle s’estime d’ailleurs très satisfaite de la relation de confiance qu’elle a bâtie avec son employeur. «Avec un enfant lourdement handicapé, il y a beaucoup de suivis médicaux à faire et ça demande une grande souplesse de la part de mon patron. Il a été le premier à me dire “on va adapter ton emploi en conséquence”».
Pour l’arranger, il lui a offert de réduire ses heures, et ils ont entamé ensemble une discussion sur la réorientation de ses tâches en fonction de son temps partiel. «On travaille beaucoup en cumulant nos heures, et en rattrapant d’une semaine à l’autre.» La possibilité de constituer une banque d’heures pour du temps accumulé est d’ailleurs l’une des demandes qui ressortent dans le sondage du RQF.
Un autre indicateur de satisfaction serait la disponibilité d’un plus grand nombre de congés payés pour obligations familiales (pour 53% des répondants au sondage). «Ou si ce n’est pas payé, au moins que ça ne soit pas pénalisé», précise Marie Rhéaume.
Quels bénéfices pour les employeurs ?
Mais la question qui doit brûler les lèvres de tous les chefs d’entreprises doit se résumer à: qu’est-ce que j’y gagne, moi?
«87% des répondants affirment que l’ouverture de l’employeur à leurs besoins impactera leur satisfaction au travail, et 85% estiment que cela impactera leur motivation.»
Selon la directrice du RQF, les gains se trouvent dans la rétention et la fidélisation des employés. «D’après les résultats du sondage, 87% des répondants affirment que l’ouverture de l’employeur à leurs besoins impactera leur satisfaction au travail, et 85% estiment que cela impactera leur motivation.» D’autres critères comme la perception de l’employeur et la propension à rester plus longtemps à l’emploi se trouvent au-dessus des 80%.
Quand on entend Virginie parler de son sentiment d’appartenance au Théâtre des Deux Rives, on se dit que prendre en compte la CFT n’est pas un mauvais move pour les employeurs. «Ça me fait plaisir de faire des heures sup’, car ma réalité est accueillie avec bienveillance dans mon milieu, ça m’a permis d’être une travailleuse plus dévouée et créative. Je me sens plus respectée et je donne mon 110%.»
Un Sceau pour la reconnaissance en CFT
Le ministère de la Famille a d’ailleurs récemment octroyé un soutien financier de 600 000 $ au Sceau Concilivi, une reconnaissance en conciliation famille-travail.
Selon Marie Rhéaume c’est important que les mesures en CFT soient formalisées. «Les organisations doivent sonder les besoins des employés, faire le tour des mesures qu’elle offre, les ajuster, les augmenter ou les organiser pour que ça convienne à la situation des employés. Elles doivent aussi les diffuser et expliquer comment on peut avoir accès à ces mesures.»
Les derniers mois ont de toute évidence été difficiles pour celles et ceux qui ont continué à travailler tout en s’occupant de leurs proches, et la suite contient son lot d’incertitudes. Maintenant que les bases du télétravail sont posées et que la pandémie et le confinement ont préparé un terrain fertile pour l’ouverture du dialogue à ce sujet, les organismes (publics et privés) ont tout à gagner à entreprendre une réflexion sur l’amélioration des mesures de CFT.
*À la demande de l’intervenante, son anonymat a été préservé.