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Pourquoi j’ai l’impression que tout le monde est plus riche que moi?

Mykonos? Osheaga? Dans cette économie?

Par
Lucie Piqueur
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Je suis une femme privilĂ©giĂ©e. Je n’ai jamais manquĂ© de rien. Depuis mes 17 ans, j’ai toujours eu du travail. Je ne croule pas sous les dettes. FinanciĂšrement, je ne suis pas Ă  plaindre


Alors, voulez-vous bien me dire pourquoi la planĂšte entiĂšre sauf moi est capable de se payer des voyages au Maroc, des tattoos, des VUS et des restos Ă  n’en plus finir? Elle est cachĂ©e oĂč, la maudite fontaine Ă  argent? Je croyais gagner ma vie Ă  peu prĂšs aussi bien que mon entourage et pourtant, leurs comptes Instagram me font clairement comprendre qu’on n’a pas la mĂȘme vie.

Si je ne peux pas me payer la retraite de yoga dont tout le monde parle, est-ce que je suis pauvre? Est-ce que je suis cheap? Est-ce qu’on me cache quelque chose?

Voici leur secret

Un jour oĂč j’étais particuliĂšrement jalouse et abasourdie, j’ai dĂ©cidĂ© de tout bonnement demander Ă  cette connaissance qui revenait d’un festival de musique Ă©lectronique en Belgique : « Comment tu fais pour te payer tout ça? ». Dans la foulĂ©e, comme j’avais dĂ©jĂ  perdu tout sens de l’honneur, j’ai posĂ© la mĂȘme question Ă  d’autres.

En gros, leurs réponses se sont résumées à :

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  • Leurs photos sur les rĂ©seaux sociaux sont un peu plus flashy que la rĂ©alitĂ© ;
  • Les cartes de crĂ©dit ou les programmes de fidĂ©litĂ© offrent des rĂ©compenses en argent ;
  • Les gens travaillent trĂšs fort pour se payer la traite une fois de temps en temps ;
  • C’est payĂ© par leur travail ;
  • En magasinant presque un an d’avance, on peut trouver des rabais incroyables.

J’avoue avoir Ă©tĂ© déçue par la plupart de ces rĂ©ponses.

Moi aussi, je travaille fort, et croyez-moi, le magasinage de rabais coule dans mes veines. J’ai beau tout payer avec ma carte de crĂ©dit et la rembourser religieusement, je ne vois pas dans quel monde j’accumulerais autant de rĂ©compenses, aussi souvent. Je devrais dĂ©penser au moins cinq fois plus avec ma Visa pour avoir un retour qui a de l’allure.

On revient donc à notre question de départ : « Avec quel argent, gang? ».

Ce qu’on montre et ce qu’on ne montre pas

Pour ce qui est des rĂ©seaux sociaux, je le savais dĂ©jĂ , mĂȘme si je l’oublie trop souvent : le luxe n’est qu’une illusion (surtout lorsqu’il est Ă©talĂ© publiquement).

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Le quotidien plate des travailleurs et travailleuses, il est invisible sur Instagram. Une de mes amies me l’a mĂȘme avoué : elle se gĂąte parfois avec une nuit dans un hĂŽtel luxueux, juste pour vivre l’expĂ©rience (et prendre une trĂąlĂ©e de photos), mais finit ses vacances dans une chambre avec une baignoire grisĂątre comme tout le monde.

Qui l’eĂ»t cru? Les gens n’aiment pas avoir l’air pauvres, et sont prĂȘts Ă  payer cher pour grimper virtuellement l’échelle sociale (ce qui n’arrange en rien leur pauvretĂ© initiale). En plus d’en mettre plein la vue Ă  leurs followers et de me faire mourir d’envie, ils finissent par ĂȘtre eux-mĂȘmes convaincus, en contemplant leur mur, qu’ils profitent de la vie comme de vĂ©ritables millionnaires.

Voici leur vrai secret

Ce que personne n’admet, c’est que les billets de parterre au show de BeyoncĂ© ont Ă©tĂ© achetĂ©s en s’endettant. Comme cet article le dĂ©montre, la moyenne des Canadiens vit au-dessus de ses moyens. Au Canada, on doit dĂ©sormais 1,73 $ pour chaque dollar de revenu disponible. Et selon un rĂ©cent mĂ©moire de l’INRS, les QuĂ©bĂ©cois.es de 18 Ă  34 ans sont eux aussi de plus en plus endettĂ©s.

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Évidemment, le coĂ»t de la vie et les salaires qui stagnent y sont pour beaucoup. Mais l’étude soulĂšve aussi que l’accĂšs au crĂ©dit est de plus en plus facile, peu importe notre capacitĂ© Ă  le rembourser. Une partie de mon entourage va au resto tous les jours et fait des paiements d’auto plus Ă©levĂ©s qu’une hypothĂšque, mais ne met rien de cĂŽtĂ© pour sa retraite. Et qui pourrait leur donner tort (Ă  part Pierre-Yves McSween), dans une Ăšre oĂč les lendemains sont si incertains?

Aucun.e de mes ami.e.s n’a mentionnĂ©, non plus, le soutien financier de leur famille. Les gens ont d’ailleurs tendance Ă  sous-estimer Ă  quel point la richesse transgĂ©nĂ©rationnelle contribue Ă  maintenir leur train de vie. Magasiner des rabais, c’est bien, mais un chĂšque de grand-maman Ă  NoĂ«l, c’est mieux.

Voici comment je vois les choses : non, on n’est pas tous Ă©gaux face Ă  l’argent, aux infinity pools et aux cocktails Ă  30 $. Mais il faut que j’arrĂȘte de me faire avoir par l’illusion de l’abondance. Je ne mourrai pas d’avoir manquĂ© une croisiĂšre en Islande. Par contre, ce qui me tuera certainement, c’est mon sentiment permanent de ne jamais en faire assez.

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Et je suis loin d’ĂȘtre la seule. Selon un rapport publiĂ© dans le magazine britannique HR Review, mĂȘme avec un salaire annuel Ă  six chiffres, neuf personnes sur dix ne se perçoivent pas comme « riches », malgrĂ© un revenu parmi les 4 % les plus Ă©levĂ©s au Royaume-Uni. On appelle ça le « wealth perception gap », un sentiment d’insĂ©curitĂ© financiĂšre irrationnel.

Comme quoi, peu importe notre situation financiĂšre, on court tous aprĂšs un mirage.

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