.jpg)
Pourquoi fait-on des initiations à l’université?
“L’initiation est la première étape de la vie universitaire de tout bon étudiant qui se respecte.”
C’est une phrase que l’on peut retrouver dans le guide pour les nouveaux arrivants de la Faculté de psychologie de l’UdeM. Vraiment? J’ai quelques doutes sur l’affirmation quand j’écoute mon amie Catherine, étudiante en Ergothérapie à l’UdeM m’expliquer qu’il lui a fallu “tremper un tampon dans du jus de tomate, le mettre dans sa bouche, faire des culbutes avec jusqu’à atteindre un pot plus loin, sucer le jus de tomate et cracher le tout dans le pot revenir au départ du trajet donner ledit tampon usé à l’autre et ainsi de suite”.
Rite de passage ou régression infantile?
David Hargengt, chercheur post-doctoral à la Faculté des sciences de l’éducation de l’Université Laval et spécialiste de la ritualité dans le monde scolaire m’explique :
“La tradition vient de pas mal loin. Dès le Moyen Âge, les nouveaux étudiants universitaires traversaient la ville à dos d’âne et se faisaient insulter par les passants. Ça remonte à la création des universités.”
Bien qu’elle soit source de débats, l’initiation est considérée par plusieurs comme un rite de passage qui marque la transition de l’enfance à l’âge adulte. Cela dépend de l’interprétation qu’en fait chaque personne qui la vit. Dans certains cas, le moment est d’une importance capitale, car il représente la consécration de beaucoup d’efforts et de sacrifices, comme c’est souvent le cas pour les étudiants en médecine par exemple. Au contraire, pour ceux qui n’ont pas envie de le faire, mais qui ne veulent pas se faire rejeter par le groupe, c’est plutôt une épreuve désagréable et agressante dont on saisit mal le sens.
C’est aux initiés que revient le devoir d’accueillir et de guider les nouveaux. Ces derniers s’assurent que leurs futurs collègues ont leur place dans la fraternité.
“Ils vont se dire, s’il veut étudier dans notre faculté, dans notre école, il doit être à la hauteur et montrer jusqu’où il est prêt à aller pour faire partie du groupe. On trouve les pires bizutages dans les hautes écoles.”
Plus la réputation de l’établissement est importante, plus les épreuves sont difficiles et humiliantes.
Pourtant, l’humiliation n’est pas nécessaire pour marquer le passage d’un individu.
Harvengt affirme qu’il y a une forme d’abus de ce côté-là: “Ce n’est ni une nécessité en soi, ni une nécessité symbolique.”
Et ce ne sont pas toutes les initiations qui sont rabaissantes: “Derrière les cris et les épreuves rocambolesques, il y a un côté irrévérencieux qu’on retrouve dans certains rituels, comme le carnaval par exemple. Les étudiants poussent les limites par rapport aux adultes qu’ils ne sont pas encore, n’ayant pas de statut.” Ils cherchent à choquer, à provoquer la société et à profiter du fait qu’ils ne soient pas encore des adultes responsables.
Il ajoute, en précisant qu’il ne cautionne pas le discours, “qu’il y a un aspect où on veut bousculer la société. En allant chercher des figures comme la sexualisation ou l’alcoolisation, on assiste à une inversion pendant quelques jours. L’université est un milieu élitiste et on l’oublie un moment. C’est comme ouvrir une soupape pour mieux refermer le couvercle après.”
Le bizutage est maintenant illégal en France où les abus ont été trop nombreux. Ils renaissent sous d’autres formes comme les fameux “week ends d’intégration”. C’est un rite qui est là pour rester, puisqu’il marque tout de même une étape importante de l’existence humaine et permet aux nouveaux de trouver leur place au sein d’un groupe, mais posons-nous quand même la question des limites.
Sans quoi, nous nous retrouverons avec de sombres histoires comme c’est arrivé dans le passé.