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Pourquoi ça nous dérange, une femme qui parle d’argent?

Mégane d'OD et son amour du luxe font réagir. Et si ce n'était pas juste à cause de son caractère?

Par
Gabrielle Tremblay-Baillargeon
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C’était le running gag international (ou presque) la semaine dernière : Mégane, candidate à OD Martinique, se vantait à qui voulait l’entendre que sa sellerie pour chevaux de luxe faisait dans les six chiffres. « Je vends mes selles entre 5 000 et 6 000 $ chacune », affirmait-elle. « J’aime le luxe, les sacoches Louis Vuitton, flasher », poursuivait-elle, martelant à tous les gars qu’elle, le cash, elle connaissait ça.

L’internet, lui, était ben fâché. Surtout que Mégane, la petite ratoureuse, a même avoué franchement à Jonathan ne pas penser trouver l’amour en Martinique : « Moi, je suis là pour la visibilité », a-t-elle annoncé, laissant le pauvre mec avec les yeux grands comme des ronds de poêle.

Les gars, les filles et les téléspectateur.trice.s n’en demandaient pas plus pour l’immoler sur la place publique. Selon un sondage hautement scientifique réalisé par Hollywood PQ, 60 % des gens aimeraient la voir quitter OD pour toujours (malheureusement, elle est passée au CA). Les commentaires sur Facebook et Instagram sont moins gentils. Le public la trouve donc pas d’allure d’afficher son chiffre d’affaires. « Fatigante avec sa compagnie et ses goûts de luxe », écrit une internaute.

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Bon, en toute honnêteté, mentionner Mégane, c’est un prétexte pour poser une grosse question qui me tracasse depuis le début de cette saga : pourquoi ça nous dérange autant quand une femme parle d’argent?

Les femmes et l’argent : c’est compliqué

D’abord, un petit rappel de la situation actuelle au Québec. Les femmes gagnent en moyenne 2,83 $/h de moins que les hommes. Parmi celles qui sont entrepreneures, 84 % détiennent des entreprises de très petite taille, soit entre 1 et 9 employé.e.s, ce qui les rend plus vulnérables et peut « les contraindre en matière d’accès au financement externe, aux autres ressources stratégiques (technologies, innovation, propriété intellectuelle, etc.) et aux marchés », dixit l’économiste Pascasie Nikuze. Et ce, même si elles forment 40 % des entrepreneur.e.s sur le marché québécois!

Pour beaucoup de femmes, l’argent reste un sujet tabou ou impoli, au même titre que le sexe, la politique et la religion.

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L’autre truc, c’est que les femmes n’aiment en général pas parler d’argent. Une étude mentionne même que certaines (27 %) ne le font pas « parce qu’elles ont été élevées comme ça ». Qu’elles soient avec leurs ami.e.s, leur conseiller.ère financier.ère ou leur conjoint.e, pour beaucoup d’entre elles, l’argent reste un sujet tabou ou impoli, au même titre que le sexe, la politique et la religion. Les femmes ont aussi moins tendance à négocier leurs salaires et leurs conditions de travail — et quand elles le font, elles sont plus pénalisées que leurs collègues masculins.

Mégane et la capacité d’agir

Quand Mégane, entrepreneure à succès (ou abonnée au concept fake it til you make it), déclare aimer l’argent, en faire, et surtout en dépenser, les gens grincent des dents. Certain.e.s internautes parlent même d’un manque d’humilité.

Au Québec, c’est la classe moyenne qui a le plus d’aisance à parler de sa situation financière. Les plus pauvres et plus riches, eux, sont plutôt du genre à se garder une petite gêne. Probablement à cause du legs religieux, les Québécois.es ont tendance à voir d’un mauvais œil le succès financier et les marques de richesse, comme une BMW toute neuve ou la (les?) sacoche(s) Louis Vuitton de Mégane.

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L’autre problème avec l’étalage de la richesse, c’est que ça peut être difficile à avaler pour les moins nanti.e.s. Et en période d’inflation, alors que plusieurs familles peinent à joindre les deux bouts, ça peut être confrontant de regarder quelqu’un parler de manière ultra transparente de son compte en banque bien garni.

En période d’inflation, alors que plusieurs familles peinent à joindre les deux bouts, ça peut être confrontant de regarder quelqu’un parler de son compte en banque bien garni.

Le Journal Métro couvrait la semaine dernière le sujet, affirmant que les femmes autonomes qui, comme Beyoncé dans la chanson, payent leurs propres bills et font de l’argent, c’est à la fois frustrant et rebutant pour ceux et celles qui les côtoient. Au final, Mégane est une denrée rare : elle est assumée et ne fait pas de compromis. Elle sait ce qu’elle aime et ce qu’elle veut, et ce qu’elle veut, c’est du cash. Pas une relation à tout prix. Mégane ne se définit pas dans le regard de l’autre (aka un gars de la maison d’en face) ou même dans celui des filles.

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Son passage au CA, un concept « parfait pour [elle] » selon ses dires, a ravivé sa motivation à rester dans l’aventure OD, attirée comme un aimant vers le prix de 50 000 $ promis à la fin du parcours. Que l’on trouve élégante ou non sa propension à afficher son amour de la piasse, ce qui dérange le plus, chez Mégane, c’est peut-être ça : son agentivité.

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