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Pourquoi ça coûte aussi cher, des lunettes de vue?

« À première vue, ça reste quand même juste du plastique, du métal et du verre, non? »

Par
Marc-Antoine Nunez
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D’aussi loin que je me souvienne, j’ai toujours envié les personnes portant des lunettes de vue. Personnellement, je n’en ai jamais eu besoin, mais j’aurais tellement voulu réussir à convaincre ma mère que je souffrais d’une légère myopie fictive. J’ai longtemps (et toujours) trouvé dans cet objet une sorte de prolongement du style vestimentaire permettant presque d’affirmer sa personnalité tout en nous vieillissant (oui, ma pilosité faciale est arrivée vraiment sur le tard).

Disons que j’ai rapidement déchanté lorsque j’ai véritablement vieilli et atteint l’âge vénérable où les assurances de nos parents ne nous couvrent plus. Tsé, le moment où tu réalises le véritable coût de la vie? Quand mes amis m’ont parlé du montant qu’ils devaient désormais débourser, j’ai intérieurement remercié ma mère de ne pas avoir cédé à mes pressions.

Mais qu’est-ce qui explique que ce prix puisse grimper jusqu’à plusieurs centaines de dollars?

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Les lunettes en soi

La première chose à comprendre, c’est que les fournisseurs de monture et de lentilles, de manière générale, sont ceux qui empochent la majeure partie du prix d’une paire de lunettes. Le copropriétaire de la bannière Le Lunetier, Jason Therrien, me donne en exemple la marque Ray-Ban.

« Une Ray-Ban doit coûter 3 $ US à produire; moi, ils me la revendent entre 80 $ et 150 $, dépendamment de la monture ! », me lance-t-il.

Ensuite, chaque intermédiaire de la chaîne « tire un peu la couverte de son bord » et « se prend une cut », comme on dit dans le jargon. Il faut aussi comprendre que ce n’est pas nécessairement parce qu’une boutique vend des lunettes à 400 $ d’une marque connue, qu’elle fait automatiquement plus d’argent. Pour les grandes marques (Prada, Gucci, Dolce & Gabbana, etc.) ou les produits d’un designer, le fournisseur doit aussi payer des redevances pour utiliser le nom, une somme qui peut être très élevée.

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Pour les lentilles, les prix peuvent également monter rapidement en fonction du trouble oculaire à corriger. Dans le cas d’une légère myopie, par exemple, « c’est produit en masse, ça ne coûte pas si cher que ça », me précise M. Therrien.

Par contre, quand le client a besoin d’un foyer progressif, les lentilles sont faites sur mesure selon la monture choisie, mais aussi en fonction des mensurations du client prises en magasin. Et on s’entend qu’il ne faut pas nécessairement avoir une bague à l’auriculaire pour comprendre que du sur-mesure, c’est plus cher.

Ensuite, il existe d’autres traitements possibles pour le verre qui viendront eux aussi gonfler la facture. On peut penser aux traitements antireflet ou à l’aminci (qui permet d’obtenir des verres plus fins et plus légers, donc sans allure de « fond de bouteille »). Selon M. Therrien, opticien de formation, il faut compter de 40 à 150 $ pour le premier traitement et de 40 à 80 $ pour le second.

Après, comme pour n’importe quel produit, il existe différentes gammes et différentes garanties qui viendront avoir un effet sur le prix final des lunettes.

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Le « facteur magasin »

Une fois que les frais reliés à la lunette en soi ont été considérés, il faut également prendre en compte ce que j’ai sympathiquement surnommé le « facteur magasin ». Je parle ici des frais qui sont directement liés au simple fait d’avoir pignon sur rue.

Comme tout détaillant, ces montants grimpent rapidement, selon ce que m’explique l’opticien. « J’ai un local, il y a l’électricité, j’ai des employés, j’ai des taxes municipales à payer, j’ai un paquet d’affaires! », m’énumère-t-il, presque à bout de souffle.

« Juste mettre la clé dans le magasin, puis ouvrir, ça doit me coûter entre 1 500 et 2 000 $ par jour », m’avoue-t-il ensuite.

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On comprend que ces sommes viennent également jouer sur la facture finale, d’autant plus que l’inflation n’épargne pas les commerçants.

Mais tout dépend également du modèle d’affaires du commerce. Certains vont couper dans les coûts en s’occupant eux-mêmes de plusieurs étapes de fabrication, dont le design, alors que d’autres vont plutôt s’afficher comme étant des « lunetteries communautaires ». Ceux-ci récupèrent les invendus chez les distributeurs ou travaillent à partir de modèles génériques. De cette façon, ils réussissent à économiser.

Finalement, d’autres grandes bannières bien connues (Costco, par exemple, pour ne pas les nommer), réussissent à offrir de bas prix en raison de leur pouvoir d’achat, mais aussi de leurs nombreux points de vente qui leur permettent d’obtenir des escomptes au volume assez intéressants. En fin de compte, j’oserais presque dire qu’il n’y a pas un modèle meilleur qu’un autre. Tout dépend de vous : votre face, votre choix, comme on dit!

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La solution est-elle en ligne?

Le premier constat général lorsqu’on regarde les prix (dont moi, en bon élève, quand j’ai commencé à fouiller l’univers de la lunette) est de se dire : « Ouais, bien en ligne, c’est vraiment moins cher! » Tout est finalement une question de priorité pour le client et de tolérance au risque, aussi. Il est vrai que certains des frais reliés au « facteur magasin » ne s’appliquent pas en ligne.

Par contre, il faut se rappeler que les services professionnels y sont également absents. Le président de l’Ordre des optométristes, Éric Poulin, m’explique que « quand on parle du prix de la lunette, il y a des étapes qui viennent avec ça ».

Le choix du produit par rapport aux besoins du patient, la vérification du produit, l’ajustement et le service professionnel d’après-vente sont tous des exemples de ces « étapes » qu’on ne retrouvera pas forcément avec un achat en ligne.

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Sur le web, le prix affiché correspond davantage au « produit brut » qu’au prix retrouvé en magasin, comprenant habituellement ces services.

De plus, toujours selon M. Poulin, l’une des seules options qui nous restent si jamais le produit acheté sur Internet ne correspond pas à ce dont on a besoin, est de le retourner, tout bonnement.

« Qu’en est-il de la qualité, maintenant? Est-ce réglementé? Ou est-ce que le marché de la lunette en ligne est un grand terrain de jeu libre? » me suis-je alors demandé.

Tout d’abord, dans la province, la loi explique qu’il faut être opticien ou optométriste pour vendre des lunettes, même en ligne. « À l’Ordre des optométristes, on n’est pas contre la vente sur Internet », précise le président. Il faut même savoir que des lignes directrices ont été émises afin de protéger le public et de permettre que celui-ci ait des recours si la lunette n’était pas totalement adéquate.

Cependant, lorsque le marchand offrant le produit se trouve à l’extérieur de la juridiction québécoise, il n’est pas nécessairement obligé de se plier à ces règles.

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Eh voilà, cher (à compléter avec le trouble de la vue qui vous afflige), j’ose croire que vous avez un portrait un peu plus précis de la situation et que vous y voyez un peu plus clair! Je sais, désolé, c’était plus fort que moi.

***

Avant de vous laisser aller, voici simplement une petite rubrique qui pourrait vous aider à paraître plus brillant dans vos prochaines conversations. Plus que moi durant mes entrevues, du moins!

Bonus : le vocabulaire

Opticien : C’est le spécialiste des lunettes et des lentilles! À la suite de la prescription de l’optométriste, il vous recommande des verres adaptés à vos besoins.

Optométriste : Vous aurez compris que lui, il s’occupe de l’examen de la vue et du traitement des maladies mineures. Il délivre aussi les ordonnances.

Ophtalmologiste : Lui, c’est le médecin de formation qui s’occupe des maladies oculaires et de leurs traitements. Ça comprend la chirurgie également!

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