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Le temps des fêtes est plutôt le temps des obligations (pas des obligations d’épargne : je suis toujours cassée à ce moment de l’année). Ça se résume communément à des obligations familiales, des obligations de paraître heureuse et des obligations de finir mes assiettes. J’y suis obligée, donc je m’exécute à contrecœur. Tout est un effort immense et je soupire avec autant de véhémence qu’un enfant dans une chorale qui pousse son Do (tsé la note qui vient te verser de l’acide dans le conduit auditif?).
Par chez nous, la réunion de famille (l’omission du mot « party » est purement intentionnelle, car la définition est non applicable) se déroule traditionnellement le 24 décembre. On est sept-huit assis sur des chaises de centre communautaire et l’alcool servi : Bud-Lime, Peach Schnapps et crème de menthe. La télé crache ses nouvelles en tout temps afin de maximiser l’ambiance « mauvais endroit, mauvais moment ». Il n’y a pas de musique, pas de jeux, pas de présents, pas de présence. Les mononcles et les matantes jasent (ou plutôt, jugent sans jugement et réussissent même à commettre des fautes d’orthographe en parlant!) à propos d’une vedette de tivi, d’un joueur de hockey et/ou de la personne absente. Puis, moi, je ne prononce aucun mot, car je connais fuck all les gens mentionnés. Je ne peux même plus « eye-roller » tant mes yeux sont blasés de voir ce portrait année après année. Je n’ai pas besoin de vous préciser que mon cynisme n’a pas sa place parmi le racisme et le sexisme ambiants. Genre, je ne pourrais pas mentionner que j’épouserais un réfugié syrien ou Safia Nolin. Ils s’empresseraient de me matcher avec Rambo Gauthier. La seule affaire que je parviens à trouver excitante, c’est de devoir porter du propre. Cela fait changement de mon quotidien mou et vieux T-Shirt. Mais paraît-il qu’il faut varier notre beau linge, que ce n’est pas dans l’étiquette de porter la même robe varte à chaque Noël? En tout cas, c’est ce qu’affirme Jean Airoldi (ou Ricardo, je les mélange tout l’temps, ces deux-là). Bref, tout ça pour dire que je ne peux faire fi du gros frette de décembre, tant il est à l’honneur dans ma réunion de famille et que je suis obligée d’y faire face chaque année, greyée seulement de la même robe varte.
Genre, je ne pourrais pas mentionner que j’épouserais un réfugié syrien ou Safia Nolin. Ils s’empresseraient de me matcher avec Rambo Gauthier.
Quand j’ai rencontré le père de mon enfant, il y a 6 ans, je l’accompagnais dans ses festivités familiales. Tout était absolument différent. Des Noëls comme dans les films. J’étais une amie de Charlie Brown dans le spécial de Noël, une sœur de Kevin dans Home Alone, un animal qui parle dans un film d’animaux qui parlent. J’avais enfin le droit à un aperçu de ce qu’est une famille. On me donnait un accès à ce lien qui unit des êtres, au-delà du nom de famille, un lien d’attachement infini, presque sacré. Un sentiment d’amour qui plane toujours dans la maison comme l’odeur des tourtières (ou des pâtés à la viande, c’est selon). Le temps semblait s’arrêter une couple de fois afin que je hume le bonheur. Des moments se figeaient dans le but que je prenne une selfie dans ma tête et l’enregistre dans un nuage quelque part dans mon chest. Une mise en scène chorégraphiée avec grâce pour que je ressente une chaleur dans l’œsophage comme une gorgée de Sacrilège ou de Caribou (bref, un alcool fort et délicieux; vous comprenez la métaphore!) La famille m’accueillait comme une des leurs, même si je ne comprenais pas pourquoi il fallait déballer un cadeau avec des mitaines de four. Mon incrédulité ralentissait le groupe, mais ils m’aimaient pareil. Et ils la trouvaient belle, ma robe varte.
Des Noëls comme dans les films. J’étais une amie de Charlie Brown dans le spécial de Noël, une sœur de Kevin dans Home Alone, un animal qui parle dans un film d’animaux qui parlent.
Mais.
Les films de contes de fées, c’est comme des courts métrages qui manquent de financement et de punchs. Tandis que le film de ma vie est tellement arrangé que tout est surjoué avec le pathétisme de la Commedia dell’arte et des actes qui ont l’égo d’une tragédie grecque mal traduite. Bref, ma VRAIE vie a l’air d’un théâtre d’été au Théâtre du Vieux-Terrebonne.
L’an passé, quelques jours avant les fêtes, cet ex m’a quitté. Pour une fille rencontrée sur Tinder. (Vous ai-je mentionné que dans ma vie un malheur n’arrive jamais seul? Que j’ai tellement un karma de marde que si j’écrivais ma vie, vous diriez avec votre accent perché: « Mais voyons! C’est trop! Je ne puis y croire. Ceci est de la science-fiction. Je m’identifie peu au personnage. Elle fait beaucoup de mauvais choix, hein? ») Donc, mon ex m’a laissé pour une fille sur Tinder (je me permets de le répéter tellement ça fesse). Le 24 au soir, mon fils (seulement mon fils) m’accompagne dans ma famille. Je prétends tout le temps qu’il est trop fatigué, qu’il a mal au ventre ou qu’il a les oreillons pour quitter rapidement cet endroit figé en 1989. Le lendemain, 25 décembre, journée de Noël, mon fils va célébrer dans les familles joyeuses de son papa. Et je reste seule. Seule à Noël. À boire du scotch et à remplir le cendrier. Le seul plaisir que j’aurai est d’avoir la décence de me masturber.
L’an passé, quelques jours avant les fêtes, cet ex m’a quitté. Pour une fille rencontrée sur Tinder.
Cette année, je récidiverai cette expérience oubliable. Je vais peut-être rire aux gags prévisibles du film Le sapin a les boules, scroller sur Facebook, sur PornHub aussi et pourquoi pas : entamer un des romans qui traînent sur la pile de procrastination ou l’un des onglets qui n’a pas d’attention depuis juin, soyons fous! Il y a toujours un moyen de rire et de recevoir une forme de plaisir. Après tout, je me suis acheté une nouvelle douche téléphone.
Mais.
S’il vous reste des restants de tourtières mangeables et une couvarte chaude tricotée avec amour : je suis disponible. Tout le temps. En échange, je joue dans les cheveux et je fais des jokes. J’accepte la générosité, mais je refuse les questions : « Pis toé? » et « Comment tu vas? ». Je les déchante les cantiques de Noël sur un moyen temps. « Petit Papa-Noël, n’oublie pas mon petit soulier », même juste un soulier, ça ne me dérange pas, parce que quand tu as marché dans les miens, seulement une autre godasse, c’est déjà mieux!
S’il vous reste des restants de tourtières mangeables et une couvarte chaude tricotée avec amour : je suis disponible.
Je vous rassure tout de suite : cette année, dans ma liste de souhaits, je n’ai pas demandé à ravoir mon ex. Ni une paire de shoes. J’ai souhaité, sincèrement, d’apprendre à être seule. De m’aimer, juste moi (joke de douche téléphone pouvant encore être incluse ici). D’apprécier le bonheur des autres. Même de loin. Même si je n’en fais pas partie. Je n’aurais (plus) jamais l’envie de mettre fin à mes jours, car je ne veux pas pantoute voir défiler le film de ma vie; anyway, « je n’y croirais pas, c’est trop. Je m’identifierais mal au personnage… ».
Pour continuer de lire sur le temps des fêtes: « Top 10 des meilleures excuses pour éviter de célébrer Noël en groupe ».
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