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Je suis tombé amoureux du triathlon il y a maintenant quatre ans. C’est un sport comme un autre, mais si on s’attaque à la longue distance, ça demande une assiduité de moine. L’été, je pouvais enchainer 180 km de vélo et 10 km de course à pied le samedi, puis 3 km de natation et 30 km de course à pied le dimanche. C’était débile.
Il y a une phrase, toujours plus ou moins la même, qui revient régulièrement quand je parle de mon amour des entraînements. Ça ressemble à : « Ouais, mais toi, t’as le “gène” du sportif. Moi, je suis pas capable de faire ce genre de choses. »
Après quatre ans à entendre cette réplique creuse, la dernière fois étant il y a deux semaines, j’en ai assez. C’est le temps de mettre les choses au clair : le « gène du sportif » n’est qu’un mirage. Je vous explique pourquoi.
De premier abandon du « test du bip » à l’Ironman
Pour vous le démontrer, on a besoin d’un flashback. Pas un gros, juste quatre ans, avant que je découvre ce sport. À cette époque, non seulement je ne faisais aucune activité physique, mais c’est moi qui la disais, cette phrase. Parce que pendant tout mon primaire, et même mon secondaire, j’ai eu de mauvaises notes en éducation physique.
J’avais des enseignants qui soupiraient quand ils me voyaient être le premier gars qui abandonnait le « test du bip » (saint sacrilège, un homme moins bon en sport que des filles?!). Et puis j’étais aussi toujours l’avant-dernier choisi par « l’élite », les 3-4 athlètes-vedettes à qui on demandait de former leurs propres équipes.
J’avais des enseignants qui soupiraient quand ils me voyaient être le premier gars qui abandonnait le « test du bip »
Autant vous dire que l’activité physique, ça ne m’intéressait pas. À un jeune âge, on m’a vite fait comprendre que ce n’était pas pour moi. Il a fallu 25 ans et une légère prise de poids pour que je décide de me redonner une chance. Cette fois, à mon rythme. À ma manière. Soudainement, je me suis prouvé que j’avais tort. Un soir, je suis parti courir 3 km. Le bout du monde, pour moi.
Vous vous rappelez du triathlon longue distance dont je parlais au début? C’est ce qu’on appelle plus couramment un Ironman : 3,8 km de nage, 180 km de vélo, 42,2 km de course à pied. Cet été, j’ai franchi le fil d’arrivée après 10 h 38 d’efforts, 21 gels au sirop d’érable et 1 vomi. Neuvième de mon groupe d’âge, 96e sur 1 866 participant.e.s. C’est pas mon enseignant d’éducation physique qui aurait cru ça possible.
Donc, que s’est-il passé entre le « test du bip » et ce Ironman? Vous pourriez penser que je l’avais quand même, ce fameux « gène du sportif ». Peut-être était-il juste caché, que je ne lui avais pas donné une vraie chance. Ou peut-être que c’est un peu plus compliqué que ça.
Défaire les mécanismes qui nous retiennent
Alors quoi? On est tous et toutes égaux? N’importe qui peut devenir Usain Bolt ou Serena Williams, si on est suffisamment dédié.e et qu’on y met tous les efforts nécessaires?
Non, évidemment.
J’ai parlé à Martin Lussier, kinésiologue et enseignant à l’Université de Montréal, qui a écrit quatre livres sur les mythes et réalités qu’on associe à différents sports.
La génétique, m’a-t-il expliqué, joue sur deux aspects : la capacité de performance sans entraînement et la réponse à l’entraînement. Donc oui, votre amie Julie qui n’a jamais fait de sport de sa vie, mais qui court son premier 10 km sous les 40 minutes, c’est injuste. C’est une affaire de génétique. Julie est naturellement plus performante dans la course à pied. Elle a très probablement une qualité génétique en aérobie, soit l’endurance, versus l’anaérobie, qui concerne les efforts courts et intenses. D’ailleurs, si ça peut vous faire sentir mieux, c’est bien possible que Julie soit à chier pour sprinter 100 m. Mais hey : peut-être aussi qu’elle est bonne dans les deux. C’est la vie.
Même chose pour votre ami Nicolas, qui n’a jamais fait d’escalade, mais qui, après deux sessions, est déjà en train de grimper une V3 (un très bon niveau pour un débutant), alors que vous, ça vous en a pris dix. La génétique de Nicolas répond mieux aux entraînements, il s’améliore plus vite, c’est tout.
On n’est pas tous et toutes égaux devant le sport, non. C’est ce qui fait que les grands athlètes de ce monde – Kipchoge, Biles, Jordan, la liste est longue – sont qui ils sont. Ils ont eu de la détermination, il faut le leur accorder; mais la génétique, le coup de chance du destin, a aussi été de leur côté.
On n’est pas tous et toutes égaux devant le sport, non. C’est ce qui fait que les grands athlètes de ce monde – Kipchoge, Biles, Jordan, la liste est longue – sont qui ils sont.
Il y a une chose que j’ai demandée à Martin très clairement : dans la mesure où un individu dispose d’une motricité qu’on pourrait qualifier de « normale », est-ce que la génétique, de quelconque façon, pourrait empêcher la pratique d’un ou de plusieurs sports?
Sa réponse, très directe : « Non. »
Donc, chers lecteurs et lectrices derrière vos écrans, je vous annonce officiellement que si vous pouvez bouger vos bras et vos jambes, vous pouvez faire n’importe quel sport. N’importe. Quel. Sport.
C’est important que vous le compreniez.
Gagner le combat contre le mythe du « gène sportif »
Il vous reste maintenant une chose à faire et une à défaire : trouver un sport que vous aimez et surtout arrêter de vous comparer aux autres. Oui, certains seront meilleurs. C’est la génétique. Mais votre génétique à vous ne vous empêchera pas de faire ce que vous voulez. Alors foncez. Pour vrai.
Une dernière anecdote pour la fin. Voilà maintenant quatre ans que je participe au 24 h de Tremblant, ce rassemblement qui permet d’amasser des dons pour les enfants malades et dont le concept est de skier, courir ou marcher à relais pendant – vous l’aurez compris – 24 heures. C’est un événement très demandant physiquement et psychologiquement. Mon trip, c’est de former une équipe avec une majorité de gens qui ne considèrent pas avoir ce faux « gène du sportif ». Des gens pour qui courir 5 km est déjà un défi, alors pour qui le faire plusieurs fois en 24 h relève quasiment de l’impossible.
Cette année, mon amie Cynthia participe. Elle n’avait jamais couru 10 km de sa vie (le minimum que je demande pour être préparé au 24 h de Tremblant). Pourquoi? Parce que c’était « pas pour elle ». C’était « pas dans ses gènes ». Vous le voyez, le pattern?
Cynthia a couru 10 km la fin de semaine dernière. Rien de fou : c’est son cinquième. Elle le fait à son rythme, à sa manière. Mais elle le fait. L’autre jour, elle m’a dit :
« Je suis en train de gagner un combat que je mène depuis 29 ans. Celui qui me persuadait que je n’étais pas sportive. »
Samedi prochain, elle sera sur la ligne de départ pour le 24 h. Elle devrait courir environ 20 à 25 km au cours de l’événement. Et si un jour elle veut faire un Ironman, elle y arrivera. Toujours à son rythme. Toujours à sa manière.
Vous savez quoi? Peut-être qu’il existe, ce fameux « gène du sportif » finalement. Mais bonne nouvelle : on l’a tous et toutes.