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Pour en finir avec le « lagom », et autres formules minimalistes

Ce n'est pas tout le monde qui a le privilège de pouvoir « acheter moins, mais mieux ».

Par
Hugo Bastien
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Depuis quelques années, l’Occident est vraiment entré en mode « guilt trip » à propos de sa consommation. Après s’être laissé aller dans l’excès du consumérisme, on réalise enfin que l’accumulation de biens ne fait que créer plus de problèmes.

Déjà, il faut entreposer tous ces objets qu’on n’a souvent même pas le temps d’utiliser, trop occupé.e.s à travailler pour pouvoir s’acheter… d’autres objets. Tout ça sans compter l’empreinte écologique que représente l’achat de ces gugusses inutiles qui ne font que s’empiler dans une pile de la honte quelque part chez soi.

Devant la pile de scrap qu’on achète et qui encombre nos espaces, et le stress qui en découle, ce n’est pas surprenant que Marie Kondo et un retour vers le minimalisme fassent autant de buzz. Comme si l’Amérique entière était en cure de « détox » pour se purifier de tous ces achats excessifs. Mais est-ce qu’on règle vraiment le problème si on se débarrasse de toutes nos bébelles, juste pour faire de la place pour d’autres bébelles?

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Et si la solution était plutôt dans notre rapport à la consommation, ou plutôt, à la surconsommation?

Ce qu’en pensent les Suédois.es (ben oui, toujours eux)

Pour les Suédois.es, la clé repose dans le « lagom », une philosophie prônant la simplicité et l’égalité, et où on fait place à la nature et à la famille.

En termes de consommation, on essaie donc d’acheter moins, et surtout, local. L’idée est de consommer avec humilité. Ne pas exhiber sa fortune ni le luxe dans lequel on vit. Ne pas tomber dans la démesure. Out les grandes marques et les voitures de luxe, on se contente de payer pour des produits écologiques et durables. Ce même minimalisme se retrouve dans la mode : on achète des vêtements chics, mais pas tape-à-l’œil. Tout est dans la retenue.

La famille et la nature occupent également une grande place au quotidien. On organise les horaires et les espaces publics autour des enfants, et on se rend régulièrement en nature pour se ressourcer.

De Marie Kondo au minimalisme chic, on ne cesse de nous casser les oreilles avec cette idée que l’on devrait vivre une vie mieux équilibrée dans laquelle on possède « moins, mais bien ».

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Le « lagom » encourage donc un mode de vie équilibré, dans lequel chaque personne achète ce dont elle a besoin, ni plus, ni moins, juste assez, dans le but d’en laisser pour les autres. C’est en quelque sorte une manière de dépenser pour soi, tout en gardant les autres en tête.

Les limites de toute cette histoire

Je suis sûr qu’en lisant ça, beaucoup d’entre vous se disent qu’il n’y a rien de nouveau sous le soleil. Et honnêtement moi aussi. Lorsqu’on m’a demandé de me pencher sur ce phénomène pour la rédaction de cet article, je l’ai fait par curiosité, et aussi parce que je me demandais en quoi ce « nouveau » concept de minimalisme se différenciait de tous ceux qui ont fait les manchettes avant celui-ci.

De Marie Kondo au minimalisme chic, on ne cesse de nous casser les oreilles avec cette idée que l’on devrait vivre une vie mieux équilibrée dans laquelle on possède « moins, mais bien ». Et surtout, que de suivre cette philosophie nous aidera – encore et toujours – à mieux gérer notre portefeuille.

Ce courant du minimalisme vient aussi une certaine forme de classisme.

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L’idée a du sens sur papier : s’acheter une très belle paire de souliers de qualité qui va durer longtemps plutôt que d’acheter quatre paires cheap, c’est l’idéal. Ça permet de désencombrer notre espace et notre esprit, et de réduire notre empreinte écologique. On sait déjà qu’acheter localement est bon pour la planète, même si ça coûte plus cher.

Mais au final, toutes ces préoccupations sont des problèmes de riche.

Car avec ce courant du minimalisme vient aussi une certaine forme de classisme.

Mes voisin.e.s dans tout ça

Chaque fois que je lis ce genre d’article dans lequel on nous lance une nouvelle solution pour vivre mieux et pour, au final, être plus riche, je pense à mes voisin.e.s. J’habite dans le quartier Hochelaga-Maisonneuve, un coin de rue au-dessus de Sainte-Catherine. Dans mon voisinage, malgré mon salaire de pigiste, je suis un privilégié. Comme quoi on est toujours le riche de quelqu’un d’autre.

En lisant ces histoires de Marie Kondo, de « lagom » et autres courants révolutionnaires qui essaient de nous faire croire que si on est pauvre, c’est parce qu’on a trop de choses, je call bullshit.

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Comme si l’achat local et la mentalité d’« acheter moins, mais mieux » étaient vraiment un choix pour la majorité des gens.

Même si mes voisin.e.s d’Hochelaga VOULAIENT acheter une bonne paire de souliers qui survivrait pendant 10 ans, ils n’auraient simplement pas les moyens de se l’offrir : ils n’ont d’autres choix que de s’acheter une paire de bottes cheap qui va durer un an, deux maximum, avant de la jeter pour en acheter une autre.

S’ils ne vont pas à la campagne la fin de semaine, ce n’est pas par dédain de la nature, mais parce qu’ils n’ont pas de voiture. Si leur maison n’est pas un havre de paix, ce n’est pas parce qu’ils passent leur temps à empiler des PlayStation, mais parce qu’il n’y a pas assez d’espace dans leur minuscule demi-sous-sol pour faire de leur salon/chambre à coucher un environnement épuré avec des murs blancs, deux chaises pis un coussin fancy.

Bref, on s’entend que peu importe notre situation financière, acheter moins et mieux est bon pour la planète, notre portefeuille et l’économie locale. Mais si le « logma » fonctionne comme philosophie, c’est surtout parce que, collectivement, le peuple suédois a choisi de se donner les outils nécessaires pour appliquer cette mentalité.

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Ce qui n’est pas le cas ici. C’est pourquoi toutes ces philosophies de décroissance, aussi louables soient-elles, sont uniquement accessibles à une partie privilégiée de la population. Plutôt que d’appliquer ces courants de pensée à l’échelle individuelle, il faudrait qu’on travaille à les renforcer pour l’ensemble de la collectivité.

Autrement, pendant qu’on s’évertue à faire le ménage de nos armoires, le système économique peut dormir en paix.