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Plus personne ne veut travailler (dans une job de merde)
De votre grand-père à votre département des ressources humaines, en passant par Kim Kardashian, les gens se plaignent constamment que les jeunes sont paresseux et paresseuses. Pire encore, selon eux, nous sommes dans une ère où plus personne ne veut travailler.
Mais comme le soulignait récemment sur Twitter le professeur de l’Université de Calgary Paul Fairie – article de journal datant de 1894 à l’appui –, c’est un trope populaire depuis très longtemps.
Malgré le fait que le taux de chômage ait augmenté le mois dernier, il est plus faible qu’avant la pandémie.
Il est vrai que dans les deux dernières années, plusieurs personnes ont quitté leur emploi. Les expert.e.s ont appelé ce phénomène « la Grande Démission ». Mais en fait, ç’a surtout été la Grande Promotion, puisque les chiffres montrent que la plupart des gens qui ont quitté leur job sont simplement allés travailler ailleurs, pour un meilleur salaire et de meilleures conditions.
Ce n’est pas vraiment que plus personne ne veut travailler, c’est que plus personne ne veut travailler dans une job de merde.
D’où est-ce que ça vient?
Au début de la pandémie, face à l’incertitude qui régnait, plusieurs compagnies ont soit fermé leurs portes, soit effectué des mises à pied. Pour aider ses citoyen.ne.s dans une situation financière précaire, le Canada a mis sur pied la Prestation canadienne d’urgence, qui octroyait 500 $ par semaine aux gens éligibles. Très vite, des employeurs (et des vieux frustrés) se sont mis à se plaindre que les jeunes ne voulaient plus travailler, et que c’était la faute du gouvernement, qui payait les jeunes à ne rien faire.
Mais ce genre de discours est un peu de mauvaise foi. Si les 2000 $ par mois versés à travers la PCU a permis à tes ancien.ne.s employé.e.s de mieux vivre que le salaire que tu leur offrais, c’est toi, le problème, et c’est pour ça que personne ne veut travailler pour toi.
La pandémie aura eu comme effet de nous rappeler que la vie est courte et qu’il faut la vivre pleinement. Les millions de documentaires de nature qu’on a regardés en confinement nous ont fait nous questionner sur les attentes de la société, qui prône un travail acharné et peu récompensé.
Pour les gens de notre génération, des emplois difficiles et mal rémunérés, c’est termin é! Travailler, d’accord, mais pas pour n’importe qui et sous n’importe quelles conditions. On veut des jobs où on se sent valorisé.e.s et où on peut, de manière tangible, ressentir que le travail que l’on fait a un réel impact. Et vu que tout coûte plus cher, ça serait quand même nice si on pouvait être adéquatement rémunéré.e.s.
Est-ce que c’est vrai?
Ce qu’il y a de plus frustrant avec le trope que « personne ne veut travailler », c’est surtout qu’il est très facile de prouver que ce n’est pas vrai. Malgré le fait que le taux de chômage ait augmenté le mois dernier, il est plus faible qu’avant la pandémie. Plus d’un demi-million de personnes de plus sont employées aujourd’hui comparativement à en février 2020. De plus, il suffit d’aller voir la section d’offres d’emplois sur LinkedIn pour s’apercevoir que plusieurs d’entre elles reçoivent des centaines de candidatures.
Non seulement nous sommes plus nombreux et nombreuses à travailler, mais nous travaillons plus que les générations précédentes, et tout ça pour être la première génération à moins bien vivre que ses parents. Fun!
Alors pourquoi est-ce que ce mythe persiste?
J’aimerais pouvoir vous dire que notre génération n’aura pas cette mentalité, et que dans une quinzaine d’années, on pourra se départir des stéréotypes qui veulent que les « les jeunes sont paresseux » et que « plus personne ne veut travailler ». Mais, statistiquement, ça ne sera probablement pas le cas. Au fur et à mesure que l’on vieillit, les jeunes ont de nouveaux outils, de nouvelles ambitions et de nouveaux conforts qui nous étaient impensables à leur âge. On se dit donc que leur vie est plus simple, et on les regarde d’un autre oeil, sans se mettre à leur place.
Une recherche de l’Université de St-Louis a démontré que ce générationalisme est bien ancré dans l’humanité, et qu’on en trouve des preuves depuis toujours. Les plus vieux trouvent toujours les plus jeunes plus paresseux et égoïstes.
il suffit d’aller voir la section d’offres d’emplois sur LinkedIn pour s’apercevoir que plusieurs d’entre elles reçoivent des centaines de candidatures.
Bon, peut-être que devenir vieux, chiant et condescendant avec les jeunes, c’est inévitable et que dans quelques années, on se fera répondre « OK, millennial » par un kid né en 2018 quand on dira quelque chose de ringard. Mais on peut, au moins, essayer de se départir de l’idée que la pénurie de main-d’œuvre est attribuable à la paresse des jeunes ou au fait que « plus personne ne veut travailler ».
Parce que même si personne ne veut travailler, tout prouve qu’on continue de le faire, et plus que jamais!