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Plongée dans l’univers inconnu de la vente de corail
La première chose qui frappe lorsque l’on franchit la porte de Raging Reef, ce commerce discret sur la rue Papineau à Montréal, c’est l’odeur. Avec ses effluves salins qui rappellent des latitudes plus clémentes, on se sent tout de suite loin de Montréal.
Puis, c’est les yeux qui ne savent plus où donner du regard. On se laisse volontiers hypnotiser par les robes phosphorescentes des coraux et les poissons aux mille couleurs.
Il y a réellement un je-ne-sais-quoi de magique à l’endroit.
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Se lancer dans l’aquariophilie
Raja Abboud, fondateur et propriétaire de la boutique, a eu la gentillesse de m’initier au monde de l’aquariophilie. Il me raconte que plusieurs client.e.s attrapent la piqûre en s’émerveillant du spectacle illuminé offert par le grand réservoir central. Chez certain.e.s adeptes, la passion naît à la suite d’un voyage de plongée et ils et elles veulent recréer une partie de l’océan dans leur salon.
Pour d’autres, c’est plutôt l’envie de posséder un poisson-clown, le fameux Nemo du film d’animation, devenu l’emblème incontestable des aquariums en eau salée. « Lorsque l’on est témoin de la symbiose du poisson-clown avec l’anémone, c’est souvent un coup de foudre », corrobore-t-il.
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Le marché de l’aquariophilie n’est pas à l’abri des effets de mode. On y rencontre des Graal saisonniers, une demande cyclique pour des spécimens plus rares et plus chers qui baignent dans les profondeurs, comme le poisson-ange, se détaillant parfois jusqu’à 15 000 dollars.
Mais de l’avis de Raja, cette avenue très spécifique n’est pas dans les plans de la boutique. Il s’agit d’un marché davantage populaire aux États-Unis et surtout au Japon, très friand des exclusivités marines.
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De passe-temps à entreprise
C’est dans le sous-sol de ses parents, à Laval, que Raja a commencé la reproduction de coraux rares. Au fil des années, ce hobby bien singulier s’est peu à peu transformé en vocation commerciale, animée par le désir d’offrir au grand public des coraux difficiles d’accès.
Un amour pour la faune qui habite le patron depuis sa tendre enfance. « Déjà très jeune, j’étais obsédé par les animaux marins. Au bord de la mer, quand tout le monde se baignait, moi, j’allais voir ce qui se cachait sous les roches », raconte-t-il avec le sourire.
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Fort d’une réputation enviable au sein de la communauté aquariophile, la transition entre le domicile parental et la boutique, établie depuis 2008 dans le quartier Ahuntsic, s’est faite sans heurt. « On s’est fait connaître assez rapidement, souligne Raja. On s’est concentré, surtout les premières années, au marché local, ensuite provincial et maintenant, on fait affaire à travers l’ensemble du pays. »
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L’eau salée, un défi à la portée de tous
Spécialiste en milieu récifal, il est assez évident en entrant dans le magasin que la valeur esthétique du produit est mise de l’avant, mais celle-ci cache toute une discipline, car un bassin à l’eau cristalline, sans algue et sans parasite, demande une vigilance chimique constante.
« On doit vérifier le PH, la salinité, la dureté de l’eau, le niveau de calcium, de magnésium, souligne Raja. Tous les éléments que l’on rencontre dans l’océan, on doit impérativement les retrouver dans l’aquarium pour assurer une bonne pousse. »
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L’atmosphère visuelle psychédélique de la boutique est d’ailleurs assurée par un éclairage UV bleuté permettant de rehausser les couleurs naturelles de la zooxanthelle, cette algue qui arbore les coraux et projette ses teintes fluorescentes.
Les connaissances appliquées et partagées par la petite équipe sont le fruit d’années de labeur. « Notre expertise vient principalement de l’essai et de l’erreur, explique Raja. Il y a un côté très expérimental, de recherche et d’étude, visant toujours à peaufiner les recettes proposées. »
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Entretenir un aquarium en eau salée représente un défi en soi. Un enjeu constant de cohabitation, car à la moindre déstabilisation, les algues peuvent apparaître et briser l’équilibre de l’écosystème. Le bassin est un petit environnement fermé où l’on peut, par exemple, intégrer un prédateur, comme certaines espèces de crevettes, pour contrer la prolifération d’étoiles de mer. « Cette gestion harmonieuse des eaux fait partie du plaisir et du challenge », précise Raja.
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Questionné au sujet des divergences entre un aquarium en eau douce et en eau salée, il répond que ce sont deux univers complètement différents. « La filtration, la lumière, le type de roches, les bactéries ne sont pas les mêmes. Auparavant, il y avait des paliers d’expérience avant d’adopter un aquarium en eau salée, mais les barrières à l’entrée sont dorénavant beaucoup plus faciles et les recettes plus saines pour l’environnement. »
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Tenter l’expérience est donc plus accessible que jamais et un phénomène de démocratisation se fait sentir, soutenu par l’intérêt croissant d’une nouvelle clientèle. Fini l’époque du passe-temps auréolé de prestige et réservé à une classe aisée. « Nous avons une bien plus grande proximité avec monsieur et madame Tout-le-Monde que les gros portefeuilles, informe Raja. Avec la culture de coraux que l’on reproduit maison, on peut vendre à des prix pour tous les budgets. »
Les importations de coraux sont en effet moins fréquentes, grâce à une technique nommée fragmentation. Une coupure précise et délicate est effectuée sur le corail, qui pousse par la suite en autonomie tel un végétal. Un procédé plus écologique, car 70 % du corail en vente est issu des colonies mères.
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Comme plusieurs loisirs nichés, la pandémie a eu un impact positif sur le commerce qui compte deux adresses, une à Montréal et une seconde à Saint-Hubert. Nombreux sont les foyers ayant développé, durant le confinement, des passe-temps d’intérieur. Les ventes ont atteint des records et la base de clientèle a explosé au cours des deux dernières années.
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L’éthique, une valeur cardinale
Raging Reef offre de nombreux services, dont celui de dénicher des poissons spécifiques aux goûts des client.e.s, « mais toujours dans une mesure éthique », souligne Raja. « Nous avons un réseau de fournisseurs à travers le monde et on peut aller les chercher à l’aéroport en quelques jours seulement. »
Si l’espèce est protégée ou menacée, l’équipe décline poliment. L’aquaculture est encouragée, mais pour l’instant, elle demeure difficile, car la reproduction des espèces vivant en mer ne permet pas de cultiver leurs œufs à un endroit unique. « On a plusieurs pourvoyeurs indonésiens qui font l’élevage, mais les prix sont encore beaucoup plus dispendieux : on parle du double, voire du triple qu’un poisson sauvage », indique Raja.
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Les spécimens aquatiques en vente proviennent principalement du bassin Indo-Pacifique, région biogéographique où l’on rencontre une grande variété de poissons, des colonies en santé et une capture faite de manière responsable. « La notion d’éthique est au cœur de nos priorités, assure le propriétaire. On essaie de garder un petit volume pour maintenir des poissons en bonne santé, tout comme on refuse la vente de coraux si l’on sait que l’aquarium de l’acheteur n’est pas idéal pour l’accueillir. »
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L’éthique d’importation est également prioritaire. « On s’abstient de poissons comme le chirurgien d’Achille, originaire d’Hawaï, dont le taux de survie est faible. Si on en reçoit ici, on va les garder sous notre supervision pendant quelques mois avant de les vendre. La santé de chaque animal est fondamentale à la pérennité de notre entreprise », conclut le commerçant.