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Petits pétages de coche, stress et sacrifices: le côté méconnu des films d’aventure

Le réalisateur de Far Far Est raconte ce qui se cache parfois derrière les images idylliques.

Par
François Breton-Champigny
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Où en seraient les sports de plein air sans les films d’aventure épiques qui les accompagnent? Certainement un peu moins populaires.

Si on est un amateur d’escalade, la vue de Alex Honnold en train de conquérir, sans équipement, la paroi d’El Capitan dans Free Solo nous pousse à l’admiration, à la rêverie et, secrètement, à la volonté de ressentir ce qu’il a ressenti à 2300 mètres dans les airs.

Pour les surfeurs, comment ne pas avoir envie d’attraper sa planche et de se jeter à l’eau lorsqu’on regarde des classiques comme The Endless Summer?

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Bien sûr, on peut aimer faire du sport de plein air sans nécessairement être un grand consommateur de films spécialisés en ce genre, mais il faut avouer qu’ils amènent une dimension utopique et excitante à la pratique.

Si ces films semblent souvent réalisés avec facilité, la réalité derrière la lentille peut être toute autre.

Pour en parler, on s’est entretenu avec Zacharie Turgeon, réalisateur du film Far Far Est qui vient d’être projeté au Festival du film de montagne de Banff (FFMB).

Tripper entre amis

Au moment de filmer Far Far Est, Zacharie n’en était pas à son premier barbecue autour d’un poêle au propane. Le réalisateur indépendant originaire de l’Outaouais avait déjà fait sa marque sur des productions qui l’ont mené aux quatre coins du globe, dont quelques-unes pour OuiSurf et une autre pour une entreprise d’excursion en Arctique.

«J’ai décidé que j’allais amener mon kodak pour filmer notre périple juste pour le fun. Finalement, ça a donné un film».

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«J’ai vraiment aimé ça, faire un projet aussi personnel avec une gang d’amis. Oui, c’est un peu fait avec les moyens du bord et on a pas de gros budget comme pour des projets corpos, mais c’est ce que j’aime justement: que ça soit plus “vrai” et qu’on soit libre de faire ce qu’on veut».

Après avoir exploré la côte ouest-américaine avec ses amis, Zacharie a donc paqueté son campervan de planches de surf et de skis accompagné de deux acolytes pour accomplir une «mission» différente, soit skier et surfer sur la côte est chez nos voisins du sud pendant une semaine.

«On voulait avoir une approche un peu plus funky et se lâcher lousse. Sortir un peu du carcan du film traditionnel d’aventure très “émotif” et intense qu’on voit souvent au FFMB et ne pas se prendre très au sérieux», souligne le réalisateur, qui trouve d’ailleurs «assez comique» et un brin ironique que son film ait été choisi pour ce festival vu son caractère différent.

Un tournage pas toujours facile

Dans son film Far Far Est, les deux protagonistes, Charles-Antoine Beaudry et Olivier Lapointe, doivent réaliser un «exploit»: la «double glisse du soleil levant».

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Pendant environ 8 minutes, on les voit dévaler des pentes enneigées de Big Jay au Vermont puis s’attaquer à des vagues glacées du Rhode Island. Des scènes extrêmement jouissives pour le téléspectateur, mais qui ne le sont pas toujours pour ceux mêlés à l’action.

«Je dis toujours qu’il y a deux catégories de fun quand on parle de shooter un film comme ça: il y a les activités qui sont plaisantes à faire sur le coup et celles qu’on est pas sûr d’aimer dans le moment, mais qu’on est content d’avoir faites avec du recul», témoigne le réalisateur.

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Pour illustrer son propos, Zacharie donne un exemple. «Pendant la semaine de notre trip, on a eu de super beaux moments. Mais c’est arrivé souvent qu’on gelait, qu’on était fatigué et qu’on se faisait carrément chier d’être là aussi. Toutes ces fois-là, on ne les voit pas nécessairement à la cam. Les gens ne se doutent pas vraiment de ça lorsqu’ils nous voient skier dans la poudreuse ou prendre de belles vagues», confie le réalisateur.

«C’est arrivé souvent qu’on gelait, qu’on était fatigué et qu’on se faisait carrément chier d’être là aussi»

Il mentionne également l’élément de «dépendance» aux conditions météorologiques et de hasard qui pèsent gros dans la balance. «Contrairement à un scénario de film traditionnel, lorsqu’on part à l’aventure, on ne sait pas ce qui va se passer. Ça se peut qu’il n’y ait pas de vague la journée qu’on soit prêt à filmer ou qu’il n’y ait pas assez de neige sur les montagnes. Ça peut créer beaucoup de stress, surtout quand on a seulement une petite fenêtre de temps pour tourner et qu’on a mis autant d’effort».

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S’il réitère qu’il adore faire des projets avec ses amis, Zacharie avoue que le travail d’équipe peut être assez dur pour les nerfs par moment. «J’ai déjà crié après les gars dans la montagne parce qu’ils n’avaient pas fait leur job. Ça arrive des moments de tension, des petits pétages de coche, mais ça ne dure jamais longtemps et on passe vite à autre chose», mentionne-t-il, ajoutant du même souffle que de vivre la «van life» à trois grands gaillards dans le même véhicule ne rend pas les choses faciles non plus.

Crédit photo : Far Far Est film
Crédit photo : Far Far Est film


«Ça arrive des moments de tension, des petits pétages de coche, mais ça ne dure jamais longtemps et on passe vite à autre chose»

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En tant que réalisateur, Zacharie relève également qu’il y a une forme de sacrifice à faire si on veut capter l’essence de l’aventure. «Je suis moi-même skieur et surfeur. Évidemment que j’ai envie de profiter de la neige et des vagues. Mais moi, mon fun, c’est de filmer des gens qui trippent et de faire un produit qui reflète ces moments épiques. Donc oui, il y a une part de sacrifice, mais ça en vaut amplement la peine», estime-t-il.

Parlant de sacrifice, le réalisateur mentionne une anecdote qui en ferait sacrer plus d’un. «On venait de faire deux heures de montée (en ski de randonnée) pour arriver au sommet d’une montagne et j’ai réalisé que j’avais oublié les batteries de la caméra en bas… J’ai dû descendre la montagne puis remonter avec la batterie dans mon sac. Un petit deux heures de plus pas du tout prévu», raconte Zacharie en riant.

Pour quiconque aimerait se lancer dans la production de film d’aventure, le réalisateur de Far Far Est n’a que quelques conseils. «Faites confiance à vos niaiseries. Ce sont souvent les meilleurs moments qu’on peut capter pour rendre la vidéo plus “humaine”. Sinon, assurez-vous de toujours avoir une caméra près de vous, même si ce n’est pas la meilleure, et tenez votre bout pour filmer ce que vous pensez qui est bon même si vous gossez vos amis un peu!»

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