Jade et Yanouk se sont envolés vers Paris le 15 juillet 2021 avec un seul objectif en tête : atteindre la Malaisie à vélo à la mi-2023. À travers des rencontres inspirantes sur le chemin de Compostelle en Espagne jusqu’aux montagnes du Kirghizistan à couper le souffle, le couple a fait face à plusieurs défis, comme la difficulté de trouver des endroits où dormir, un vélo brisé, une sortie forcée de l’espace Schengen, et bien sûr, des crevaisons à intervalles réguliers.
Les amoureux affrontent maintenant un nouvel imprévu : une séparation d’une semaine en Corée du Sud à cause d’un test positif de Jade à la COVID.
Entretien avec les deux rêveurs de Perdons les pédales, chaîne YouTube où ils documentent leur aventure, pendant cette pause forcée.
Étiez-vous de grand.e.s cyclistes avant de commencer cette folle aventure?
Jade : Moi, non! J’aimais beaucoup le voyage, mais je n’avais jamais accompli d’aussi grandes distances à vélo.
Yanouk : J’avais déjà testé mes limites en faisant un voyage de cyclotourisme en solo en Nouvelle-Écosse en 2017. Puis, après avoir traversé le Canada de la même façon, j’ai réalisé que mon plus grand rêve serait de découvrir le monde à vélo. Sauf qu’après, j’ai rencontré Jade, puis on est tombés amoureux… et là, c’était un problème de partir aussi longtemps [rires]! Contre toute attente, après deux pratiques, dont le tour du lac Saint-Jean, même si elle n’avait jamais fait un long voyage de cyclotourisme de sa vie, Jade a décidé d’embarquer.
Quel moment du voyage vous a le plus marqué.e.s à date?
Jade : En Turquie, on a vécu une bonne frousse qui s’est transformée en une anecdote trop cocasse. Après 45 minutes de vélo dans la direction de notre hébergement, on s’est rendu compte qu’on ne s’en allait pas du tout à la bonne place, mais il était trop tard pour faire demi-tour.
On a alors demandé de l’aide au petit village, puisqu’on était trempés, frigorifiés et épuisés. Des chasseurs armés nous ont accueillis et nous ont même payé un repas. Ils nous répétaient : « Attendez, attendez, président! Président! » C’est là qu’on a commencé à craindre pour notre sécurité, puisqu’ils devenaient insistants. Sauf que là, c’est le maire qui est arrivé, pour nous organiser un gros party d’accueil avec tout le village. On a donc dansé toute la soirée avec eux, c’était magique!
Yanouk : Pour ma part, je dirais quand on a dû monter une montagne du Kirghizistan. C’était l’étape la plus difficile jusqu’à maintenant, car on avait sur nous cinq jours de nourriture et d’eau, ce qui représente plus de 10 kilos supplémentaires. On allait très, très lentement, au rythme d’un kilomètre-heure en poussant nos vélos dans une pente de 30 % sur le gravier, à 3200 mètres d’altitude. C’était vraiment interminable.
Jade : C’est ce que j’ai appris avec les mois : le vélo, c’est 95 % mental, 5 % physique.
Quelles réflexions votre expérience suscite-t-elle en vous jusqu’ici?
Yanouk : Honnêtement, je trouvais déjà qu’on avait de la chance d’accomplir notre voyage, même si on a travaillé fort. Mais c’est ici que je prends conscience qu’en fait, la vraie chance, c’est de pouvoir même penser à faire cette aventure. Dans plusieurs pays, quand on arrive avec nos vélos, on paraît comme étant extrêmement riches, alors qu’à la maison, nous ne sommes que deux étudiants ordinaires avec à peine assez d’économies pour survivre […].
Jade : Oui, des gens qui vivent dans une extrême pauvreté nous offrent quand même de la nourriture ou de l’aide avec une générosité émouvante. Cela nous remet vraiment à notre place comme Canadiens quant aux privilèges dont nous bénéficions.
Comment vous sentez-vous à ce point-ci, à mi-parcours?
Yanouk : C’est encore difficile de réaliser tout le chemin qu’on a parcouru, mais je dirais que j’ai le sentiment d’être à ma place dans notre nouveau mode de vie. J’en suis au point où j’appréhende le retour, où je commence à penser à des projets, parce que c’est la partie qu’on n’avait pas planifiée!
Jade : Je suis très fière d’où on est rendus, surtout qu’avant, j’avais un mode de vie assez sédentaire. Si j’avais su que j’allais souffrir et galérer autant avant de partir, j’aurais sûrement pris peur et choisi de rester au Canada. En nous imprégnant des paysages et des gens, nous prenons le reste de notre voyage un coup de pédale à la fois.