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Payer pour faire soigner son enfant: ça arrive même au Québec
URBANIA et l’Observatoire des tout-petits s’unissent pour mettre en lumière la réalité des tout-petits de familles migrantes.
Oui, vous avez bien lu. Notre carte-soleil a ses limites, et certains doivent en payer le prix (faramineux) : des centaines d’enfants nés au Québec ne sont pas couverts par la Régie de l’assurance maladie. Pour quelle raison? À cause de leur statut d’immigrant ou celui de leurs parents.
« En quoi cela me concerne-t-il? », me demandez-vous. « Et en quoi le fait de lire ce qui suit fera-t-il changer les choses? »
36 % des femmes rencontrées lors d’une enquête sur les migrants sans assurance médicale à Montréal (MSAM) affirmaient disposer de moins de 1 000 $ par mois pour subvenir aux besoins de leurs familles.
Tout d’abord, lorsqu’on prend le temps d’y réfléchir un peu, on se rend compte que l’avenir des tout-petits, peu importe leurs origines, concerne l’ensemble de la société. Des enfants sans couverture de la RAMQ, ça présage tout un tas de soucis : aucun rendez-vous médical dans les premières années de leur vie, et donc aucune chance de prévenir certains troubles du développement, physiques ou psychologiques – à moins bien sûr de débourser des centaines, voire des milliers de dollars.
Or 36 % des femmes rencontrées lors d’une enquête sur les migrants sans assurance médicale à Montréal (MSAM) affirmaient disposer de moins de 1 000 $ par mois pour subvenir aux besoins de leurs familles. Et 87 % de celles qui ont renoncé à des soins de santé l’ont fait en raison de barrières financières.
Les probabilités sont donc que leurs enfants ne puissent jamais s’intégrer pleinement dans la société qui les a vus grandir ou même naître, ni à l’école ni sur le marché du travail.
Chers lecteurs, citoyens, résidents… il est temps de vaincre cette idée voulant que ceux qui immigrent au Canada (sans garantie d’assurances) le font pour échapper à l’ennui, ou pire, pour profiter du système. Soyez assurés que leurs seuls désirs se résument à espérer pouvoir offrir de meilleures chances à leurs enfants, nés ou à naître, ainsi qu’à prendre part positivement à la société de leur nouvelle terre d’accueil.
Mais si les obstacles ne cessent de s’accumuler sur leur route, ne leur laissant jamais la possibilité de s’intégrer, comment réussiront-ils à sortir du sempiternel cycle de la pauvreté? Et comment leurs enfants arriveront-ils un jour à contribuer économiquement et socialement à la société?
La valeur de la santé : une question de chance
Maintenant que vous commencez à comprendre l’ampleur du problème et en quoi il vous concerne, vous vous demandez toujours : mais pour agir, comment s’y prend-on?
Tout d’abord, en s’informant. Malheureusement, un sondage Léger réalisé pour l’Observatoire des tout-petits démontre que 70 % des Québécois croient que tous les enfants habitant au Québec ont accès gratuitement à des soins de santé, peu importe leur statut migratoire ou celui de leurs parents.
C’est pourtant loin d’être le cas.
Pour être admissible à la couverture de la RAMQ, il faut être reconnu comme résident permanent du Québec ou correspondre à certains critères précis. En l’occurrence, bon nombre d’arrivants peuvent stagner longtemps avant de se libérer de leur statut de résident temporaire. Selon l’enquête MSAM, les femmes rencontrées vivaient au Québec depuis en moyenne quatre ans. Ça fait pas mal d’années sans suivi médical pour ces enfants en période cruciale de développement.
Ainsi, pour savoir si un enfant aura droit à l’assurance maladie, la RAMQ se base sur la situation des parents. Si ses parents n’ont pas droit à la RAMQ, l’enfant n’y aura pas droit non plus, même s’il est né ici.
Quant aux services médicaux liés à l’accouchement et à l’hébergement hospitalier, ils peuvent coûter de 9 000 à plus de 17 000 $ : de quoi préférer accoucher dans le confort de son 2 et demi.
Dans une vidéo assez déconcertante en ligne sur le site de l’Observatoire des tout-petits, on fait la connaissance d’Amara, qui a suivi au Québec son mari venu y terminer son doctorat en nanotechnologie en 2012. Dénichant de son côté un travail dans le service à la clientèle, Amara s’est vue assurée par le privé, mais n’a découvert qu’une fois enceinte que ses assurances ne couvraient pas ses frais de grossesse.
Pourtant, on recommande aux femmes enceintes une douzaine de rencontres médicales au cours des mois précédant l’accouchement afin de prévenir toute complication liée au développement de l’enfant, ou même un décès. Sans couverture de la RAMQ, ces rencontres peuvent représenter jusqu’à 3 000 $ de frais. Quant aux services médicaux liés à l’accouchement et à l’hébergement hospitalier, ils peuvent coûter de 9 000 à plus de 17 000 $ : de quoi préférer accoucher dans le confort de son 2 et demi…
Maintenant que les enfants d’Amara sont nés, elle souhaiterait qu’ils puissent bénéficier des examens de routine, question de s’assurer qu’aucune anomalie ou maladie chronique ne leur nuira à long terme. Toutefois, cela représenterait environ 1 845 $ par année pour elle et son mari.
Quant à Carole, partie de la Côte d’Ivoire en 2013 pour terminer ses études en droit au Québec, ainsi que Dimitri, son mari, ils se sont vu refuser des soins pour leurs enfants parce qu’il leur était impossible de payer 600 $ sur place.
Carole, Amara, leurs maris ainsi qu’une multitude d’autres couples dans une situation semblable doivent donc régler les pépins de santé à la maison, et surveiller incessamment et nerveusement leurs enfants afin d’éviter toute blessure.
Des solutions à nos portes
Entre vous et moi, je vois très mal pourquoi il serait impossible qu’un jour la RAMQ soit accessible à ces enfants, alors que de 2017 à 2019, le gouvernement du Canada a prévu dépenser environ deux milliards de dollars pour la santé des enfants à l’extérieur du pays.
Depuis 2017, en effet, la Loi sur l’instruction publique offre l’instruction gratuite à n’importe quel enfant, peu importe son statut migratoire ou celui de son parent : une décision judicieuse qui donne la chance aux nouveaux arrivants de s’intégrer rapidement au système scolaire québécois.
Un peu de flexibilité du côté de la Loi sur l’assurance maladie pourrait rendre un enfant né au Québec admissible au régime public de santé, indépendamment du statut migratoire de ses parents. Pour ce qui est des enfants nés à l’extérieur du Canada, mais demeurant sur le territoire, rien ne nous empêche de nous inspirer de ce qui se fait dans le domaine de l’éducation. Depuis 2017, en effet, la Loi sur l’instruction publique offre l’instruction gratuite à n’importe quel enfant, peu importe son statut migratoire ou celui de son parent : une décision judicieuse qui donne la chance aux nouveaux arrivants de s’intégrer rapidement au système scolaire québécois.
Mais dans un monde où santé et éducation sont intimement liés, je me questionne : comment un enfant présentant un trouble de l’apprentissage non diagnostiqué pourra-t-il s’épanouir à l’école si jamais on ne songe à lui offrir l’encadrement nécessaire ou la médicamentation adéquate? Et quels seront les résultats scolaires d’un élève constamment distrait en classe à cause d’un quelconque trouble physique, jamais détecté ni soigné?
En comprenant la problématique qui entrave l’intégration de ces individus, nous nous donnons la chance de devenir des citoyens éclairés, prêts et outillés pour agir, dénoncer, proposer, et voter en faveur de certains changements.
Il est temps d’ouvrir nos frontières à la santé, à l’équité, à l’espoir et à l’empathie.
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Pour en savoir plus, consultez le site de l’Observatoire des tout-petits, un projet de la Fondation Lucie et André Chagnon qui a pour mission de contribuer à placer le développement et le bien-être des tout-petits au cœur des priorités de la société québécoise.