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Patrons, laissez les RH faire leur travail!
Une claque au visage. C’est ce que j’ai ressenti, lorsque j’ai lu les témoignages des femmes alléguant avoir été victimes d’inconduite sexuelle chez le producteur de jeux vidéo Ubisoft. Un double coup lorsque je lisais des commentaires comme: «Les services des ressources humaines protègent les gens qui ont le pouvoir» ou encore «On ne peut pas faire confiance à ces services». Ouch.
Je suis conseillère en ressources humaines. L’une des raisons pour lesquelles on choisit de poursuivre une carrière en gestion des ressources humaines, c’est parce qu’on veut mettre en place des programmes qui permettront aux employés de s’épanouir, on veut s’assurer que les collaborateurs de l’entreprise puissent se développer et utiliser le plein potentiel de leurs compétences. On veut (surtout) s’assurer qu’ils naviguent dans un environnement de travail exempt de toutes formes de violence.
On veut faire une différence.
On ne veut surtout pas être une belle plante verte arrosée régulièrement, pour faire beau dans un bureau…
Mais je ne suis pas naïve. Je sais pertinemment que tous les employeurs ne sont pas parfaits et je me désole de constater que l’industrie du jeu vidéo n’est pas une exception.
Par contre, je trouvais important de mettre en lumière une facette de la situation qu’on oublie en ce moment: les employés des ressources humaines sont, eux aussi, des employés.
Entre l’arbre et l’écorce
Ça peut sembler anodin, mais il arrive que votre conseiller/directeur/partenaire/agent RH soit placé dans une position plus que particulière qui l’empêche de faire son travail adéquatement.
«Ne pas être d’accord avec son boss, ça arrive et comme il y a de la subjectivité [en RH], ça peut arriver fréquemment.»
Jasmine* est une professionnelle travaillant dans une grande entreprise située sur la Rive-Sud de Montréal. Elle a vécu, au cours d’une quinzaine d’années de carrière, des situations très troublantes.
«Ne pas être d’accord avec son boss, ça arrive et comme il y a de la subjectivité [en RH], ça peut arriver fréquemment. Pour moi ça, ce n’est pas un problème, dit-elle. Mais entrer dans mon bureau et me dire “Écoute, cet employé-là, il a toujours été problématique, alors tu me conclus l’enquête au PC et tu me prépares un package pour la semaine prochaine, pas trop généreux, c’est un vrai casse-couille”, ça j’ai dû le faire plus d’une fois et c’est toujours aussi tough.»
L’intégrité est si fondamentale dans un rôle RH que je peux comprendre son désarroi. D’autant plus que, dans cette fonction, on doit être absolument neutre face à une situation conflictuelle, même si la haute direction est impliquée.
Et quand on reçoit des indications sur ce ton là, on doit certainement avoir l’impression que si on ne fait pas ce qui est demandé, notre tête est en jeu.
C’est d’ailleurs ce que j’ai demandé à Nathalie*, qui travaille dans une grosse boîte du centre-ville de Montréal et qui cumule une dizaine d’années d’expérience.
«Je n’ai pas nécessairement eu peur de perdre mon emploi, mais il est arrivé des situations où je n’étais pas du tout d’accord avec la direction, raconte-t-elle. C’était en lien avec l’équité interne, qui n’était pas du tout respectée. Il était complètement fermé […] et j’ai su qu’à partir de ce moment, que l’on respecte ou non l’équité interne, ce sont ses décisions qui comptaient et qu’il n’y avait rien à faire.»
Jasmine, quant à elle, soutient qu’elle a quitté une organisation parce qu’elle devait faire des choses tellement opposées à ses valeurs qu’elle n’en dormait plus la nuit et elle vomissait régulièrement pendant la journée.
Wow. (Et pas dans le bon sens du terme.)
La valse des remises en question
Ça m’a amené à me pencher sur comment les personnes qui doivent être les porte-parole des employés vivent ces dilemmes.
Nathalie me mentionne que «c’est frustrant et parfois quand cela va contre tes valeurs, tu te poses des questions à savoir si c’est vraiment pour cette organisation que tu veux travailler».
Jasmine, quant à elle, semble carrément remettre en question sa place au sein de la profession.
«Je me questionne sur ma carrière et la place réelle des ressources humaines. Deux de mes quatre employeurs utilisaient, à mon avis, notre profession comme une façade, un passage obligé. J’ai eu droit à des cris, des crises et du simili chantage. Ce n’est pas ce que je veux vivre pour les 15 prochaines années», tranche-t-elle.
ET JE LES COMPRENDS TELLEMENT.
Tout le monde gagne à bien gérer le département de RH
Toutefois, gardons en tête qu’une mauvaise gestion des ressources humaines, ça coûte excessivement cher en perte de productivité, de créativité, d’argent, de motivation, de talent, de réputation and it goes on and on…
Et c’est peut-être le moment de transformer tout ça en quelque chose de positif.
Premier constat: les organisations doivent faire mieux pour TOUS les employés. En tant que passionnée de ce rôle, je crois qu’il est primordial que vous ne perdiez pas confiance en ces personnes qui sont là pour vous. Elles ont le devoir de vous représenter, malgré certaines difficultés, code de déontologie oblige.
Deuxième constat: pour y arriver, les entreprises doivent s’activer. Elles doivent s’assurer de donner une réelle autonomie aux gestionnaires de RH afin que le service puisse agir avec latitude et sans crainte de représailles. Des lignes directrices doivent évidemment être mises en place et la communication doit être très fluide, mais les ressources humaines doivent sentir qu’elles ont la possibilité de représenter aussi bien l’employeur que les intérêts des employés. Ce n’est pas une chose toujours facile, mais tellement importante.
Dans certains milieux ça peut prendre du temps et si vous jugez que les voies internes n’aboutissent à rien, n’hésitez pas à communiquer avec la CNESST, qui est aussi là pour vous. Au besoin vous pourrez déposer une plainte à la Commission des normes, de l’équité, de la santé et de la sécurité du travail.
*Les noms ont été changés à la demande des intervenantes pour protéger leur anonymat.