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Ouvrir un cinéma à l’ère du «Netflix and chill»

L’entrepreneure Roxanne Sayegh veut renouveler la business du grand écran.

Par
Alexandre Perras
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Roxanne Sayegh fait partie de ces entrepreneures au parcours atypique. Après des études en sciences politiques à l’Université McGill, elle a vogué d’expérience en expérience jusqu’à la concrétisation de l’un de ses plus grands rêves : ouvrir une salle de cinéma.

Et ça s’est concrétisé l’année dernière avec l’ouverture du Cinéma Moderne, une petite salle alternative et OBNL offrant un resto-bar ainsi qu’un espace de postproduction cinématographique sur le boulevard Saint-Laurent à Montréal. Elle commence à peine à réaliser l’ampleur du travail qui l’a menée là en compagnie d’Alexandre Domingue, cofondateur du cinéma et propriétaire de la boîte de production Post-Moderne.

Les défis

Roxanne Sayegh a été récompensée du prix Jeune entrepreneur du Québec Arts et culture du 42e concours ARISTA au début du mois de juin, moins d’un an après l’ouverture des portes du Cinéma Moderne. Le projet était aussi finaliste pour le grand prix du Conseil des arts de Montréal plus tôt cette année.

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Malgré ces tapes dans le dos, Roxanne Sayegh ne cesse de répéter à quel point le doute et les remises en questions planent constamment dans son esprit, et dans celui des membres de son équipe.

« Il y a tellement de moments où j’ai douté que le projet allait vraiment voir le jour. Et c’était très solitaire pendant les deux premières années, avant que je rencontre Alexandre Domingue. Cette rencontre-là a permis de réaliser notre rêve commun d’avoir une salle. »

Les sacrifices d’une business

« Pendant deux ans, j’ai eu aucun revenu, j’ai fait un sacrifice financier énorme. J’ai pas pris de job. À la limite, si je m’étais pris une job ailleurs, j’aurais probablement jamais ouvert le cinéma. Ça demandait cette implication-là pis ce sacrifice-là. »

L’entrepreneure dit que la plupart des gens qui se lancent dans des aventures comme la sienne sous-estiment ce qu’une telle décision peut avoir sur une vie.

« Si on avait estimé correctement, on l’aurait peut-être pas fait. »

« Si on avait estimé correctement, on l’aurait peut-être pas fait. T’as pas le choix de faire ce sacrifice-là, que ce soit financier ou autre. Ça coupe assurément quelque chose que de se lancer en business. Mais faut bien calculer où tu veux mettre tes limites. »

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Parce qu’avec du recul, l’expérience aura été beaucoup plus coûteuse que ce qu’elle avait imaginée. En termes d’argent, certes, mais aussi en termes d’énergie et d’implication. « On est encore un peu chamboulés par l’expérience », explique-t-elle.

Dans les premières semaines après l’ouverture, la gérante du cinéma n’était pas disponible. Elle a donc tout fait en compagnie de la directrice adjointe de l’établissement, Marion Jégoux.

« Nous travaillions jour et nuit. C’est nous qui vendions les billets, qui faisions rentrer les gens, qui ramassions la salle après, la programmation, les rapports de billetterie, le site web. On pensait virer folles. »

Ce que l’histoire ne dit pas c’est que Roxanne devait aussi s’occuper de son enfant de quatre ans, puisqu’on son chum, qui est cinéaste, était en tournage pendant tout l’été dans un autre pays. Beaucoup de travail, peu de sommeil!

« Avant, je n’avais pas le temps de le réaliser. Je n’y arrivais pas, j’étais tellement dans l’urgence du quotidien. »

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Aujourd’hui, elle est fière du travail accompli en compagnie de son collègue Alexandre Domingue. « Avant, je n’avais pas le temps de le réaliser. Je n’y arrivais pas, j’étais tellement dans l’urgence du quotidien. »

Malgré les efforts, les dépassements de coûts et les craintes quotidiennes, « ç’a vraiment valu l’investissement, m’explique-t-elle. Aujourd’hui, je serais prête à recommencer. J’ai appris, j’ai une crédibilité et je connais mieux la business. »

Une salle de cinéma à l’ère du streaming

« Je sentais que Montréal avait besoin d’un nouveau lieu qui présentait les films autrement, qui accompagnait les films autrement, qui allait chercher le meilleur des festivals, mais qui développait ça à l’année avec des cinéastes invités, avec des rétrospectives, avec une programmation assez atypique, moins collé au circuit commercial. »

Au Cinéma Moderne, les films sont présentés pendant trois ou quatre mois, contrairement à deux, trois ou quatre semaines dans le circuit traditionnel. Le rythme est bien différent de ce qu’on retrouve dans les grands cinémas commerciaux.

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L’expérience Cinéma Moderne

« De jour notre salle sert à la postproduction. De 8h à 18h, il y a des films qui se font dans la salle de cinéma grâce aux équipements spécialisés dans lesquels nous avons investis. Elle a donc deux fonctions et c’est ce qui fait que le modèle financier tient la route aussi. Parce que si j’étais toute seule avec l’OBNL à essayer de vendre des billets pour remplir la salle en pleine semaine, ce serait plutôt complexe! »

Outre cette salle multifonction, le cinéma à son propre café/bar qui offre la possibilité de venir avant son film et de rester après pour continuer sa soirée.

« C’est plate d’aller au cinéma lorsque t’es tout seul dans une salle d’une centaine de places. »

« L’expérience communautaire de groupe, je pense que c’est vraiment, vraiment apprécié. C’est plate d’aller au cinéma lorsque t’es tout seul dans une salle d’une centaine de places, m’explique-t-elle. Les gens prennent un verre avant, après, pendant, plutôt que d’être seul chez soi. Les gens ont besoin de sortir de chez eux pareil. »

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Comme l’entrepreneure l’affirme, les Netflix, Crave et Amazon Prime ne signent pas l’arrêt de mort des salles de cinéma.

« Un n’empêche pas l’autre. Pour moi c’est vraiment ça depuis le début. Ce n’est pas parce qu’un film se trouve en ligne que ça t’enlève le goût de le voir sur grand écran avec du monde. »

Cinéma Moderne & chill? Pourquoi pas.