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Oui, ce message reçu en dehors des heures de travail peut attendre
Répondez-vous à vos courriels 24/7? Êtes-vous joignable en tout temps, même en congé, que ce soit par obligation de votre employeur.euse ou par standards personnels? Avez-vous la fâcheuse, mais ô combien productive manie de consulter à toute heure de la journée vos canaux Slack pour ne rien manquer?
Vous n’êtes pas seul.e.s. Depuis la pandémie, le t élétravail brouille les frontières du bureau et des horaires. Si cela vous préoccupe, bonne nouvelle : le débat sur le droit à la déconnexion s’est récemment ravivé au Québec. Et dans l’optique d’adopter des pratiques de travail saines pour l’année qui commence, il est temps de vous familiariser avec le concept.
Petite histoire du droit à la déconnexion
Le droit à la déconnexion a pour but d’assurer un équilibre entre la vie professionnelle et celle personnelle afin de mieux se reposer après ses heures de boulot. « Même si on ne répond pas aux courriels [hors du travail], recevoir la notification te fait penser au travail, ça augmente le stress », soutient Philippe Bussières, fondateur de l’entreprise Code Marketing qui s’est dotée d’une politique de droit à la déconnexion en avril 2021. Elle opère d’ailleurs presque entièrement en télétravail.
Dans certains cas, le droit à la déconnexion permet même d’imposer des amendes aux employé.e.s qui tentent de rejoindre leurs collègues hors de leur horaire de travail. Ainsi, les employé.e.s peuvent « se déconnecter » des outils numériques professionnels lorsqu’ils et elles ne travaillent pas pour possiblement prévenir les effets néfastes d’une hyperconnexion, comme la fatigue, le stress et éventuellement, le burn-out.
La France est le premier pays à avoir adopté une loi en la matière, en 2017. Se sont joints à l’initiative plusieurs pays d’Europe et d’Asie (notamment la Corée du Sud, dont le gouvernement a pris l’initiative de couper le courant des ordinateurs de ses fonctionnaires le vendredi, à 19 heures).
En juin 2021, c’est l’Ontario qui a reconnu officiellement le droit à la déconnexion. Au Québec, le débat s’est ravivé il y a un peu plus d’un an lorsqu’un nouveau projet de loi a été déposé. Il est actuellement étudié, au grand bonheur des entreprises qui favorisent une éthique de travail plus saine.
Les enjeux de la déconnexion
Si, sur papier, les politiques de droit à la déconnexion ont tout pour plaire, il faut toutefois nuancer les choses : une reconnaissance de ce droit doit permettre aux entreprises d’établir leurs propres réglementations. Par exemple, la déconnexion n’a pas la même importance pour un.e ouvrier.e d’usine que pour un.e cadre d’entreprise et ce ne sont évidemment pas toutes les organisations qui œuvrent dans les mêmes heures.
Le télétravail fait désormais partie intégrante de nos vies. En janvier 2022, le quart des Canadien.ne.s travaillait exclusivement à partir du foyer, selon une étude de Statistique Canada.
À cela s’ajoute la pression de « rester connecté.e.s », qui, même avant la pandémie, était ressentie par la moitié des salarié.e.s du Québec. Toutefois, selon une statistique de 2019, c’est l’employé.e qui se l’imposait dans la moitié des cas.
Puisque la plupart des entreprises au Québec n’ont pas de politique de droit à la déconnexion, c’est vrai qu’il est souvent plus « avantageux » sur le plan de la performance professionnelle d’être joignable le plus possible, même sans en être forcément oblig é.e. Peut-on blâmer une entreprise de récompenser les employé.e.s qui dépassent les attentes et remettre des promotions à ceux et celles qui travaillent « le plus fort »?
Quelques organisations à travers la province mettent tout de même en place leur propre politique de droit à la déconnexion. Chez Code Marketing, M. Bussières indique que les employé.e.s peuvent travailler « quand ils ou elles veulent », mais sont tenu.e.s de ne pas contacter leurs collègues en dehors de 8h et 18h, à moins d’une urgence, sinon quoi l’employé.e sollicité.e pourra décider ou non d’aider.
Pour M. Bussières, il s’agit davantage d’une approche de sensibilisation que d’une punition. Tous les employé.e.s sont familier.e.s avec le concept et y adhèrent avec enthousiasme. « Ça fait partie de notre offre d’emploi », mentionne-t-il. Depuis 2021, « on se sent de plus en plus à l’aise dans nos périodes de repos ». Et concrètement, la politique permet aux employé.e.s de mieux planifier leurs activités personnelles en sachant qu’ils et elles ne seront pas gêné.e.s ou dérangé.e.s par le travail.
Cependant, leur politique de déconnexion n’est pas « une barrière absolue », puisqu’elle demeure interne à l’entreprise. « On ne peut pas imposer à nos clients l’heure à laquelle ils travaillent et nous contactent », explique M. Bussières.
Si le droit était officiellement reconnu au Québec, le fondateur de Code Marketing estime que la déconnexion serait davantage perçue comme légitime. « Dans le marché, le discours de travailler fort, de travailler dur, 60-70-80 heures par semaine est encore très valorisé », se désole-t-il.
Les premiers pas vers la déconnexion
Des initiatives au niveau individuel pouvant faciliter ou encourager la déconnexion sont possibles, même au sein d’une organisation qui ne détient pas une politique allant dans ce sens. Par exemple, indiquer dans les courriels envoyés que les destinataires n’ont pas à répondre immédiatement ou en dehors des heures de travail, ou limiter l’envoi de courriels en dehors des heures normales (par exemple, en utilisant l’option d’envoi planifié).
Les gestionnaires, pour leur part, peuvent bloquer l’accès aux boîtes de messagerie le soir et la fin de semaine. Philippe Bussières encourage aussi ses employé.e.s à limiter les notifications de messages professionnels et à ne pas partager abondamment leurs numéros personnels.